« Nous sommes en guerre » : le verbe gaullien de Macron est-il un antivirus ?

Emmanuel Macron lors de son allocution, le 16 mars 2020.

Emmanuel Macron lors de son allocution, le 16 mars 2020. LUDOVIC MARIN / AFP

Martial, le chef de l’Etat a lancé, lundi 16 mars, un appel à la résistance contre le coronavirus. Les « déplacements sont limités au strict nécessaire » pour gagner la « guerre »…

« Demain, comme aujourd’hui, je parlerai à la radio de Londres… » Ainsi s’achève l’appel du 18 juin 1940, mètre étalon des discours de résistance dont nous célébrons le 80e anniversaire en 2020. Pour sa deuxième allocution de « mobilisation générale » contre le coronavirus, Emmanuel Macron a voulu, lundi soir 16 mars, adopter un peu la posture du chef de la France Libre. « Régulièrement, je m’adresserai à vous. Je vous dirai la vérité sur l’évolution de la situation », a promis le chef de l’Etat qui entretient ainsi cette relation directe avec les Français qui est au cœur des institutions de la Ve République gaullienne.

« J’appelle tous les Français à s’inscrire dans cette union nationale qui a permis à notre pays de surmonter tant de crises dans le passé. »

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Allusion plus que transparente à la geste résistante…

« Nous sommes en guerre » (répété six fois !), « l’ennemi est là », « nous gagnerons »… Dans la droite ligne de sa première prise de parole du jeudi 12 mars, le verbe présidentiel fut martial. Tout en instaurant quinze jours de « déplacements fortement réduits pour limiter au maximum les contacts » qui vont dès aujourd’hui figer le pays tout entier, le président a tracé les contours d’une inéluctable libération :

« Agissons avec force, mais retenons cela : le jour d’après, quand nous aurons gagné, ce ne sera pas un retour au jour d’avant. [] Et je saurai avec vous en tirer toutes les conséquences, toutes les conséquences. »

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Clé de voûte de la nation, le chef de l’Etat s’est engagé à n’oublier personne : « Nous serons au rendez-vous pour que notre économie soit préservée. » « L’Etat paiera », a-t-il lancé dans un inconscient détournement de la formule « l’Allemagne paiera »… « Aucune entreprise, quelle que soit sa taille, ne sera livrée au risque de faillite », a-t-il promis, annonçant un « dispositif exceptionnel de report de charges fiscales et sociales […] à hauteur de 300 milliards d’euros ».

Union nationale

Son armée des ombres ? Les soignants. Pour eux, l’exécutif réserve les masques, les stocks de gel hydroalcoolique et « tout le matériel nécessaire » qui manquent dans les hôpitaux. Leurs enfants seront pris en charge par les crèches et les écoles. Taxis (de la Marne ?) et hôtels seront mobilisés à leur profit et à la charge de la collectivité. La solidarité s’exercera en priorité pour les régions les plus durement frappées : le Grand Est, où un hôpital militaire de campagne sera établi pour tenter de pallier le manque de lits des hôpitaux civils, Ile-de-France, Hauts-de-France…

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La discipline et le civisme, qui ont fait défaut, sont attendus : « Si vous voulez nous aider, il faut rester chez vous. » Les contrevenants seront verbalisés. Mais le président, fidèle à son modèle implicite, prétend aussi préserver les institutions républicaines et la démocratie. Certes, le deuxième tour des élections municipales est reporté sine die. « Cette décision a fait l’objet d’un accord unanime. » Certes, les réformes, « à commencer par la réforme des retraites », sont suspendues. Au grand soulagement de tous les partis. Mais « la vie démocratique et le contrôle du Parlement continuent dans cette période ». L’Assemblée, pourtant « cluster » du coronavirus, sera sollicitée pour discuter et adopter les lois de cet état d’urgence sanitaire et sans doute, approuver les modalités du report du scrutin du 22 mars au 21 juin.

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Dans cette bataille, le président de la République a tenu à souligner que la France dispose d’alliés. Il a vanté une « décision commune entre Européens » : dès mardi midi, « les frontières à l’entrée de l’Union européenne et de l’espace Schengen seront fermées. Concrètement, tous les voyages entre les pays non-européens et l’Union européenne seront suspendus pendant trente jours ».

Sans doute, n’est-ce pas la dernière allocution en direct de l’Elysée que disséqueront les Français confinés. « A mesure que les jours suivront les jours, les problèmes succéderont aux problèmes, il faudra […] nous adapter », a dit Emmanuel Macron. Mais déjà le rendez-vous est pris. Demain comme aujourd’hui, nous écouterons, en foule attentive, la télévision de l’Elysée.

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