✒️ ÉDITORIAL 🖋
L’intelligence artificielle est une vieille lune de la Science-Fiction ou des films de série B. Pourtant nous vivons un moment unique dans l’histoire de l’humanité : celui du virage injonctif de la technique.
En effet celle-ci nous enjoint déjà d’agir de telle ou telle manière …c’est-à-dire en fonction de protocoles numériques bien établis. Cela concerne les itinéraires dans les villes, aux myriades d’applications de coaching qui décrivent le nombre de pas effectués et finissent par proposer tel complément alimentaire, ou dans le domaine du recrutement, actuellement des robots sélectionnent des êtres humains.
Peu à peu, la complémentarité théorique homme-machine a vu le poids de l’évaluation humaine se marginaliser au profit de l’expertise automatisée. Pour l’humanité, le confort de sa situation immédiate se paie « cash » au détriment du libre exercice de sa faculté de jugement qui, peu à peu, se verra substituée par des systèmes destinés à infléchir ses décisions. Cette situation assise sur des intérêts privés génère des césures majeures au sein de nos conceptions morales, politiques et juridiques.
Car, au-delà de notre quotidien, c’est à un véritable renversement anthropologique et politique auquel nous assistons. La mise en péril de notre tradition humaniste par les robots, porte atteinte au droit à nous déterminer librement et en conscience : ce sont les principes même conditionnant la vie politique et démocratique qui sont menacés !
À la faiblesse du droit international actuel s’ajoutent bien pourtant, depuis peu, des invocations à l’éthique et à la « centralité de l’humain. Ce bruit médiatique, entretenu la plupart du temps par des entreprises concernées, des ministères gestionnaires de leur image ou des chercheurs emplis de remords, sonne creux …
Car le bon sens empirique et le sentiment tragique de l’histoire font que tous savent que les algorithmes maximisent les profits, emprisonnent les internautes dans un formatage cognitif, privatisent les biens publics et déclenchent des épidémies narcissiques chez les plus faibles ...
Le risque que les outils d’aide à la décision deviennent des instances décisionnelles est bien là ! Et, si nous nous endormons, nous serions moins appelés à donner des instructions aux machines qu’à en recevoir d’elles.
Comment comprendre ce qui actuellement se joue ? Assistons-nous, dans notre apathie, à l’invasion de nos vies par les algorithmes de l’intelligence artificielle ?
Le philosophe, Éric Sadin, penseur majeur de l’impact du numérique sur nos vies et nos sociétés , propose une vivifiante critique de la frénésie technique innovatrice dans un débat avec Jean-François Bonnefon, docteur en psychologie cognitive, Directeur de recherche au CNRS, chercheur (MIT, Toulouse School of Economics, Toulouse School of Management, l'Institute for Advanced Study in Toulouse, Artificial and Natural Intelligence Toulouse Institute) dont les travaux récents traitent des rapports entre psychologie morale, l'économie comportementale et Intelligence Artificielle. Ses contributions les plus connues portent sur la programmation des voitures sans conducteurs en situation critique, lorsqu'il leur faut choisir entre deux accidents.
Le propos de ce débat inaugural du Salon Maçonnique de Toulouse le samedi 30 novembre à 9 h 45 ne peut se comprendre par un simple dissensus entre deux propos éthérés mais plutôt comme deux lumières se croisant au sujet de la transformation silencieuse à laquelle nous assistons, inquiets mais alertés et éveillés.