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Le grand invité international

Gaza: «Il faudra des leviers d’influence pour obtenir l’ouverture humanitaire», déclare Stéphane Séjourné

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Stéphane Séjourné était le grand invité international de RFI ce mardi matin 9 avril. Une interview du ministre de l'Europe et des Affaires étrangères réalisée à Abidjan, à l’issue de sa première tournée en Afrique subsaharienne. Le chef de la diplomatie s’est exprimé sur les grands dossiers internationaux du moment, revenant d’abord sur son déplacement au Rwanda pour les commémorations du génocide. Stéphane Séjourné est interrogé par Marie Normand de RFI et Stéphane Ballong de France 24. Extraits.

Stéphane Séjourné, le ministre de l'Europe et des Affaires étrangères.
Stéphane Séjourné, le ministre de l'Europe et des Affaires étrangères. © RFI/France 24
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RFI/France 24 : En 2021, le président de la République Emmanuel Macron a évoqué la « responsabilité accablante » de la France. Pourquoi n’allez-vous pas au bout de ce processus mémoriel, en reconnaissant par exemple la culpabilité de la France et, pourquoi pas, en présentant des excuses au Rwanda ?

Stéphane Séjourné : La communauté internationale n’a pas été à la hauteur en 1994 et nous avons participé à cela. Le président de la République a reconnu les responsabilités françaises. Donc, je crois que nous avons été aussi loin que nous le voulions avec les autorités rwandaises : nous avons fait un profond travail d’introspection et nous avons reconnu nos responsabilités. Je pense que c’était cela qui était attendu aujourd’hui et c’est ce qui me permet de poursuivre notre relation bilatérale avec le Rwanda sur des sujets économiques et de francophonie.

RFI/France 24 : Avez-vous évoqué aussi le conflit dans l’est de la République démocratique du Congo, à la frontière du Rwanda ? Paris condamne les deux pays pour leur soutien aux groupes armés dans cette région. Cette position d’équilibriste est-elle tenable ?

C’est d’abord une position de paix. En tant que ministre des Affaires étrangères, je dois faire passer des messages aux deux parties, des messages forts, fermes, qui doivent permettre de reprendre un processus de discussion, un processus d’accord et qui doivent permettre d’empêcher l’escalade, puisque tel est le risque aujourd’hui dans la région. J’ai réitéré nos demandes à mes deux homologues, que j’ai d’ailleurs régulièrement au téléphone à ce propos. Nous avançons sur ces deux sujets.

La France pourrait-elle prendre des sanctions ? Emmanuel Macron avait dit qu’il y aurait des sanctions si ce cessez-le-feu n’était pas respecté. Un an est passé, y aura-t-il des sanctions, monsieur le ministre ?

À ce stade, nous sommes encore sur les messages à faire passer. Encore une fois, l’objectif principal est de reprendre les discussions et de remettre tout le monde autour de la table. J’ai bon espoir qu’il puisse y avoir dans les prochaines semaines, dans les prochains mois, un certain nombre d’avancées.

À Paris ?

Je ne peux pas encore vous le certifier.

Sur la question sécuritaire, Emmanuel Macron a annoncé, début 2023, une réduction des effectifs militaires français déployés sur le continent. Son envoyé spécial en Afrique, Jean-Marie Bockel, a déclaré récemment que la France resterait au Tchad, qui abrite l’une des plus importantes bases de la France sur le continent. Est-ce que vous y resteriez si le Tchad venait à signer un partenariat avec la Russie, dont il s’est rapproché ?

Chacun est libre de sa propre souveraineté. Chacun peut avoir ses propres partenariats avec les Russes. Moi, ce que je dis aux gouvernants et aux responsables politiques qui signent des partenariats avec la Russie : ce n’est souvent ni gratuit ni constant. Soit les Russes se payent directement avec les ressources nationales, soit ils demandent à être payés pour assurer une sécurité. Cependant, cela relève de la responsabilité des gouvernants africains. Moi, je n’ai pas d’avis à donner et je pense que la France n’a pas à donner son avis sur l’intégrité territoriale ni sur la souveraineté des pays africains lorsqu’ils signent des accords bilatéraux avec d’autres États.

Nous sommes dans le septième mois de guerre d’Israël à Gaza. La riposte de l’État hébreu à l’attaque terroriste du Hamas a déjà fait plus de 33 000 morts dans l’enclave palestinienne. Washington a évoqué pour la première fois un conditionnement de son soutien à Israël. L’idée fait-elle aussi son chemin en France et dans l’Union européenne, qui est le premier partenaire commercial d’Israël ?

D’abord, la France agit dans tous les cercles diplomatiques. J’aurais également à poursuivre la concertation sur une proposition de résolution portée par la France au Conseil de sécurité des Nations unies. Cette résolution définit pour la première fois l’attaque du 7 octobre comme un acte terroriste – ce n’est toujours pas le cas aux Nations unies. Ce texte donne aussi un certain nombre de paramètres politiques pour la solution à deux États. Dans le cadre de cette concertation, nous verrons en fonction des rapports de forces quels sont les autres leviers à notre disposition pour obtenir l’ouverture d’un certain nombre de points de passage humanitaires. C’est le minimum.

Mais envisagez-vous de conditionner votre soutien à Israël ?

Il faudra des leviers. Et des leviers d’influence. Au maximum, des sanctions. La France a été le premier pays à proposer au niveau européen des sanctions contre les colons violents en Cisjordanie. Nous continuerons, s’il le faut, pour pouvoir obtenir à la fois l’ouverture de passages pour l’aide humanitaire et la contrepartie du Hamas, qu’il ne faut pas oublier : trois de nos compatriotes sont toujours otages à Gaza et cette libération est sans condition.

La France, à l’image de l’Espagne, va-t-elle reconnaître, dès cette année, la Palestine comme un État ?

C’est un sujet qui n’est pas tabou. Le président l’a dit dans ces termes. Je ne vais pas vous dire l’inverse ici. Je crois profondément que ce sujet est par contre très intimement lié au processus de paix. Et donc, on peut se faire plaisir au niveau européen en reconnaissant unilatéralement un État palestinien. Mais je ne crois pas que ce soit utile de le faire seuls, sans processus de paix dans lequel cette reconnaissance serait l’une des conditions de l’arrêt des hostilités et des garanties de sécurité pour Israël comme pour les Palestiniens.

Autre guerre aux portes de l’Europe, celle qui oppose l’Ukraine à la Russie. La semaine dernière, le ministre français des Armées et son homologue russe se sont parlé, ce qui a donné lieu à deux versions très différentes. N’y a-t-il pas une contradiction entre cet appel et les récents propos d’Emmanuel Macron qui n’exclut pas l’envoi de troupes en Ukraine ? Est-ce le moment de reprendre contact avec Moscou ?

Nous avons une longue tradition, historique maintenant, avec la Russie, de coopération en matière de terrorisme. C’est donc dans ce cadre-là que le ministre des Armées a pris contact avec son homologue russe pour lui proposer une coopération et un échange d’informations sur cet attentat terroriste.

Peut-on encore parler à Moscou ? Même en pleine guerre informationnelle ?

Je crois que ce n’est pas notre intérêt de discuter avec les responsables russes puisque les communiqués et les comptes-rendus de nos discussions sont mensongers. Donc, il faut d’abord peut-être rétablir la confiance et surtout constater une évolution sur le terrain militaire en Ukraine pour que les relations puissent se renouer.

Justement, l’Ukraine perd du terrain sur le champ de bataille en ce moment, tandis que l’aide américaine est bloquée. Les Européens sont-ils capables de soutenir seuls l’Ukraine ?

Les Européens seront au rendez-vous de l’aide dans la durée. Il faut que tout le monde en soit convaincu. C’est une question existentielle pour l’Europe, puisqu’elle détermine également notre risque sécuritaire dans la durée. Cela veut dire d’abord qu’il faut s’organiser en Européens, vers une défense européenne. Pas en substitution de l’OTAN, pas en substitution de notre coopération avec les alliés, mais en complément. Et puis, cela nous incite à prendre le relai du soutien à l’Ukraine. Surtout : que la Russie soit assurée que les Européens maintiendront ce soutien dans la durée. C’est fondamental dans notre stratégie de conviction. C’est fondamental dans la paix à venir et nous souhaitons évidemment, comme tout le monde, que la paix puisse advenir dans cette région. 

L’Ukraine peut-elle encore gagner la guerre sans l’aide des américains ?

Je pense que l’Ukraine peut gagner la guerre et que tout dépend de notre soutien collectif. Je suis ici, par exemple, en Côte d’Ivoire, où le président m’a rappelé le soutien sur cette position. Je crois que les votes aux Nations unies de la part de la Côte d’Ivoire sont exemplaires sur la question ukrainienne. À nous de convaincre plus largement, y compris en Afrique.

Stéphane Séjourné, le ministre de l'Europe et des Affaires étrangères, est interviewé par RFI et France 24.
Stéphane Séjourné, le ministre de l'Europe et des Affaires étrangères, est interviewé par RFI et France 24. © RFI

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