Il raconte l'histoire du crime à Paris dans un atlas

Il raconte l'histoire du crime à Paris dans un atlas

    Comment un professeur à la Sorbonne, membre de l'institut universitaire de France peut-il se passionner pour les crimes à Paris ? Dominique Khalifa, de 56 ans, vient en effet de publier chez Parigramme, avec Jean-Claude Farcy historien de la justice et chercheur au CNRS, l'atlas du crime à Paris, du moyen âge à nos jours. « Dans l'histoire du crime, on voit l'évolution de notre sensibilité à la violence, le rapport à la police, à la justice, à la pratique citoyenne », c'est passionnant pour enseigner l'histoire du XIXe siècle », affirme Dominique Khalifa. L'occasion, dans ces 205 pages, de raconter des histoires spectaculaires qui ont fait les Unes des journaux.

    - Comment pouvez-vous tracer l'évolution de la criminalité parisienne du Moyen Ã?ge à nos jours ?

    Ce n'est qu'à partir du Moyen Ã?ge que nous pouvons commencer cet historique. A cette période, la documentation permet de faire un travail rigoureux. Il reste cependant difficile de mesurer l'évolution du crime parce que notre sensibilité aux délits n'est pas la même selon les époques. L'avortement était réprimé et ne l'est plus depuis la loi Veil. L'usage de drogue n'était pas criminalisé avant 1916. Enfin, aujourd'hui il suffit qu'il y ait une altercation verbale pour passer au commissariat. On ne tolère plus les violences verbales ou les incivilités. Au XIXe siècle c'était inimaginable. Seuls les homicides peuvent être mesurés avec constance depuis le XVIIIe siècle. Et l'on constate une évidente décrue, rapporté à la population. Nous sommes dans une société qui est moins violente à cet égard.

    - Vous dites qu'aux yeux du monde au XIXe siècle, Paris était marqué par l'insécurité.

    Au XIXe, on voit en effet surgir l'insécurité au sens moderne du terme. Il est surtout exploité par les journaux avec la naissance de la presse populaire. A partir de 1900, les politiques construisent également un discours propre sur ce thème.

    - Cela correspond cependant à une réalité ?

    Aux XVIIIe et XIXe siècles, les gens avaient extrêmement peur d'être attaqués la nuit dans la rue. L'idée d'attaques nocturnes par les groupes d'Apaches ou de voyous à la sortie du théâtre qui vous dépouillent est réellement présente. Aujourd'hui, seuls les touristes chinois sont complètement obsédés par cette idée. Absolument pas les Parisiens.

    - Y a-t-il une spécificité parisienne des crimes ?

    Paris s'inscrit dans les tendances des grandes villes occidentales. Il y a des vagues de criminalité anarchique à la fin du XIXe. Il y a eu la période des braquages en automobile dans les années 1920 à 40. Le trafic de drogue devient le cÅ?ur de la criminalité depuis une trentaine d'années. Aujourd'hui, la petite délinquance du quotidien, dans le métro et sur certaines lignes de RER, est une réalité subie gravement par les Parisiens. Quelques poches d'insécurité existent aussi entre les portes de Clichy et de la Chapelle, avec des zones de prostitution africaine et albanaise. Enfin le cambriolage est devenu une véritable angoisse à Paris. Nous sommes passés de la violence physique au viol de la vie privée. Dans l'histoire, il faut encore noter des pics de paniques : l'affaire Guy Georges, le tueur et violeur de l'est parisien a effrayé les jeunes femmes. De même que le tueur en série Thierry Paulin qui agressait les vieilles dames dans le XIXeâ?¦ Ce sont des phénomènes de forte intensité mais de faible durée.

    - Les marlous parisiens, les Corses de Pigalleâ?¦ vous semblez exprimer une nostalgie du bon vieux temps du crime ?

    En effet, notre société a fabriqué, comme des figures folkloriques, ces voyous du temps jadis. On a intégré avec bienveillance pour les Apaches de la Belle Epoque ou les voyous de l'entre deux guerres avec la casquette, le foulard et la javaâ?¦ Cela procède de la mode rétro et aussi d'un racisme non dit. C'était des braves truands bien de chez nous alors que les nouvelles générations ne le sont peut-être pasâ?¦

    - Aujourd'hui la carte de la criminalité s'étend et sort de Paris ?

    L'île de la Cité, au centre de la capitale, a été l'époque des mystères de Paris et de la cour des miracles. La zone des fortifications a défrayé la chronique des années 1930. Puis la géographie de la pauvreté et de la précarité s'est clairement déplacée vers les cités de banlieue. Résultat, Paris est objectivement beaucoup moins dangereuse qu'autrefoisâ?¦ Même si certaines personnes ne le ressentent pas ainsi.

    205 pages d'histoire

    DR

    Atlas du Crime à Paris du Mouen Age à nos jours.Par Dominique Kalifa et Jean-Claude Farcy. Editions Parigramme. 39 â?¬.