Bruxelles

Prostituées confinées en danger de santé, de précarité ou de violences

Prostituées confinées mais en danger de précarité ou de risque de violence

© SISKA GREMMELPREZ - BELGA

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Par Marie-Laure Mathot

Le nombre de repas distribué a doublé en une semaine au centre d’accueil de jour Le Clos situé au Parvis de Saint-Gilles à Bruxelles, notamment à cause de l’afflux de prostituées. Les travailleurs et travailleuses du sexe sont en effet fortement impactés par la crise du covid 19.

Celles qui arrêtent de travailler n’ont plus de revenus et beaucoup n’entrent ni dans les critères d’aide aux indépendants, ni dans ceux pour recevoir des allocations de chômage ou le revenu d’intégration sociale. Les plus précarisées continuent à travailler mais chez elles, avec tous les risques sanitaires et de violence que cela comporte. Et puis, nombreuses sont celles qui tentent de trouver une parade via l’érotisme en ligne.

C’est le cas d’Axelle. Elle travaille habituellement dans une agence d’escort mais elle a dû arrêter cette activité à cause du confinement… même si beaucoup clients demandaient encore des rendez-vous, à son grand étonnement. "Je n’ai plus de revenus depuis un mois. Je me suis donc inscrite en tant que cam girl sur internet pour essayer d’avoir quelques revenus. Est-ce que ce sera assez pour subvenir à mes besoins ? Je ne sais pas."

La concurrence est rude. Beaucoup de travailleuses du sexe se sont tournées vers ces conversations érotiques filmées pour avoir de quoi vivre car tous les établissements sont fermés.

Contact en ligne, reçu chez elles

C’est le cas au quartier nord à Bruxelles. Maxime Maes du collectif des travailleurs du sexe UTSOPI s’y est rendu il y a deux jours pour distribuer des colis alimentaires. Sur les 200 travailleuses habituellement présentes, il n’en a compté qu’une vingtaine. "Où sont les 180 autres ? On ne sait pas. Et c’est bien ce qui nous inquiète. Sont-elles parties comme certains le disent ? Elles étaient présentes jusqu’au début du confinement et ça m’étonnerait qu’elles aient eu un vol vers l’Afrique de l’Ouest. Sont-elles cachées par leur "mama", leur proxénète ? C’est une possibilité."

Pour Renaud Maes, sociologue qui suit les travailleurs et travailleuses du sexe, les plus précarisées reçoivent encore… mais chez elle. "On observe clairement que les carrées sont fermées, les hôtels n’acceptent pas les passes. Il y a donc a un report vers d’une part, les applications en ligne pour le recrutement et d'autre part, le domicile pour recevoir les clients. C’est invisible mais c’est aussi plus risqué parce que c’est un environnement non sécurisé. Par exemple, s’il y a un problème de client qui refuse de payer ou violent."

"Elles ne peuvent plus s’acheter à manger"

Axelle a donc choisi de respecter le confinement mais sans la garantie de pouvoir payer son loyer à la fin du mois. "Mon propriétaire est conciliant et a accepté de geler le loyer pour le moment. Je pourrai donc échelonner mes dettes." Et aller demander un revenu social auprès du CPAS ? "En tant qu’étrangère, je ne pense pas que j’y ai droit."

Les appels du genre à Utsopi se comptent par dizaine. "Beaucoup de travailleuses du sexe nous disent qu’elles ne savent pas comment elles vont faire pour payer leur loyer, explique Maxime Maes. Plus grave encore : certaines ne peuvent plus s’acheter à manger."

Le souci pour Utsopi, c’est le statut des travailleurs de sexe. "La plupart ne sont pas déclarés ou bien, ils ont des statuts qui ne reconnaissent pas tout à fait l’activité. Ce sont de faux indépendants ou des salariés déclarés à 13 heures par semaine. C’est ce qu’on voit beaucoup autour de Gembloux et le long de la N4. Et donc les aides mises en place pour les indépendants ou de chômage technique pour les salariés ne vont pas convenir à la plupart de ces personnes."

D’où l’appel d’Utsopi aux dons alimentaires mais aussi matériels comme du savon, des couches pour bébé ou des protections périodiques.

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