Migrants en transit en Belgique

Depuis septembre 2017, face au manque de réponse adéquate des autorités, des associations apportent un soutien multidisciplinaire aux migrants en transit au sein du HUB humanitaire.

Parmi les obligations internationales envers les migrants qui ne sont pas remplies par l’État belge figure le devoir d’information. Pour répondre à ce besoin, différents acteurs sociojuridiques se sont impliqués dans le HUB pour fournir une aide “de première ligne” : dispenser une information complète, objective et de qualité, dans la langue des bénéficiaires avec l’aide d’interprètes professionnels.

Ces acteurs ont analysé, à partir d’une année d’expérience au sein du HUB, la situation des migrants en transit en termes de profils des personnes reçues aux permanences, et de problématiques juridiques rencontrées. Cette analyse (téléchargeable en dessous de cet article) leur a permis de dégager des solutions constructives qui soient à la fois respectueuses des droits des migrants et bénéfiques pour la société dans son ensemble.

Elle est exposée dans le rapport Migrants en transit en Belgique – Recommandations pour une approche plus humaine, fruit d’une collaboration entre Caritas International, le CIRÉ, la Plateforme citoyenne de soutien aux réfugiés, NANSEN et Vluchtelingenwerk Vlaanderen.

1. Qu’entend-t-on par “migrants en transit”?

Les personnes qui sont regroupées sous le terme « migrants en transit » sont entrées sur le territoire de l’Union européenne le plus souvent via le sud de l’Europe. Elles souhaitent se rendre dans un autre pays européen (généralement le Royaume-Uni) pour y demander l’asile ou pour y séjourner (pour des raisons familiales, liées au travail ou aux études, par exemple). Pourtant, ce pays n’est en principe pas responsable de traiter leur demande, en vertu du Règlement Dublin.

2. Qui sont ces personnes?

Ces « migrants en transit » ont des profils très divers.

  • Femmes, hommes mais aussi mineurs étrangers non accompagnés (MENA), ils viennent principalement d’Erythrée, du Soudan, d’Ethiopie, de Somalie, de Libye, d’Egypte, d’Afghanistan, d’Irak, de Syrie… 
  • Vulnérables, ils sont dans une grande fragilité psychique, liée à leur exil et à leur parcours migratoire mais aussi aux conditions de vie et aux multiples actions policières répressives dont ils font l’objet. (Lire à ce sujet le rapport de Médecins Sans Frontières)
  • Dans des situations juridiques variées:
    • certains sont arrivés en Europe il y a peu de temps, d’autres sont arrivés depuis plusieurs mois, voire plusieurs années
    • certains ont fait une demande d’asile dans un autre pays européen et/ou ont y obtenu une protection internationale
    • beaucoup d’entre eux sont entrés en Europe par la Grèce ou par l’Italie mais ont quitté ces pays dans lesquels leurs droits fondamentaux n’étaient pas respectés.

3. Comment le gouvernement belge agit-il à ce sujet?

La réponse a essentiellement été répressive. Le 10 septembre 2018, le gouvernement fédéral de l’époque a adopté un plan concernant la migration en transit. Celui-ci inclut notamment la création d’un centre administratif national pour les migrants en transit dans le centre fermé 127bis et une augmentation du nombre de places en centres fermés. Des mesures questionnables quand on sait que la détention coûte 192 euros par jour aux contribuables belges, soit 215.000 euros par semaine pour les quelques 160 « migrants en transit » détenus actuellement… En sachant que la majorité des “migrants en transit” détenus est simplement libérée après quelques jours, car ils ne peuvent pas être expulsés s’ils encourent dans leur pays un risque de torture ou de mauvais traitements, ou parce qu’on ne sait pas d’où ils proviennent.

4. Qu’est-ce que le Hub humanitaire et pourquoi existe-t-il?

En septembre 2017, pour offrir un minimum de dignité à ces migrants qui transitent pas la Belgique, sept associations créent un Hub humanitaires. Médecins du Monde, Médecins sans Frontières, la Croix Rouge de Belgique communauté francophone, la Plateforme citoyenne de soutien aux réfugiés, le CIRE, Vluchtelingenwerk Vlaanderen et Oxfam-Solidarité. En 2018, près de 200 personnes ont fait appel au Hub chaque jour, soit plus de 47.000 personnes sur l’année.

Leur objectif : fournir une aide de première ligne et réorienter les migrants vers les services d’aide les plus appropriés, selon leur situation spécifique. Les personnes peuvent venir y trouver des conseils quant à leur situation juridique et sociale, rencontrer un médecin, parler à un psychologue, charger leur téléphone et appeler leurs proches, recevoir des vêtements…

Cet endroit, qui s’est ouvert suite à un besoin criant, est par nature destiné à disparaitre. Cette réponse partielle et temporaire doit faire place à un centre d’accueil et d’orientation, qui donne des informations compréhensibles et complètes aux personnes migrantes concernées et un hébergement temporaire. (voir recommandations)

5. Pourquoi y a-t-il des “migrants en transit” en Belgique?

Suite à l’augmentation du nombre de réfugiés en Europe en 2015 et au démantèlement de la « jungle » de Calais fin 2016, la Belgique voit arriver sur son territoire un nouveau groupe de migrants, dont une partie cherche à passer au Royaume-Uni. Les politiques et la presse ont rapidement créé une nouvelle catégorie de migrants, les « transmigrants » ou les « migrants en transit », comme s’ils formaient un groupe homogène… Ce qui n’est pas le cas.

6. Pourquoi ne demandent-ils pas l’asile en Belgique?

  • La plupart des migrants dit « en transit » ne savent pas quels sont leurs droits. La plupart sont susceptibles de demander l’asile. Dans de nombreux cas, ils appartiennent à des nationalités qui ont à priori besoin d’une protection internationale. Pourtant, beaucoup ont peur de demander l’asile en Belgique car ils craignent d’être expulsés ou renvoyés vers un autre pays européen sans avoir été entendus. En effet, le règlement Dublin détermine le pays européen responsable du traitement de la demande d’asile. En général, il s’agit de celui par lequel la personne est entrée en Europe, souvent l’Italie ou la Grèce. Or les personnes ne veulent généralement pas rester en Italie ou en Grèce, où leurs droits fondamentaux ne sont souvent pas respectés. La plupart des personnes ne connaissent et/ou ne comprennent pas ce système de règlement Dublin. Pourtant, si elles étaient correctement informées, elles pourraient dans de nombreux cas « casser leur Dublin » et demander l’asile en Belgique, en justifiant les raisons pour lesquelles elles ne peuvent pas vivre en Italie ou en Grèce par exemple.
  • Par ailleurs, la politique actuelle de dissuasion, de répression et de violence envers les migrants mine leur confiance dans les autorités belges.

7. Pourquoi beaucoup d’entre eux souhaitent aller en Angleterre?

Au départ, l’Angleterre n’était la destination finale que de 10 % des migrants interrogés au Hub humanitaire.

C’est le manque d’accueil digne dans les pays européens traversés qui les pousse à tenter leur chance outre-Manche. Dans ce contexte, et sans information claire sur leurs possibilités et leurs droits, beaucoup sont convaincus par les trafiquants (ou des rumeurs erronées) qu’ils ont plus de chance d’y survivre et d’obtenir un séjour qu’en Belgique. Pourtant, si la crainte d’un renvoi vers de mauvais traitements en Grèce ou en Italie était dissipée, beaucoup seraient prêts à demander l’asile en Belgique.

8. Que faudrait-il faire?

Au vu de leurs observations, le CIRÉ et les acteurs du Hub humanitaire recommandent :

  • De mettre en place un centre d’accueil et d’orientation qui donne des informations proactives, complètes, accessibles et compréhensibles aux personnes migrantes et de mettre fin aux détentions en centres fermés, inutiles et coûteuses.
  • D’appliquer le règlement Dublin de manière plus souple et d’utiliser la clause de souveraineté, qui permettrait à la Belgique de traiter les demandes de protection, par exemple de personnes vulnérables, qui ont un lien avec la Belgique ou qui risqueraient de subir un mauvais traitement si elles étaient renvoyées dans un autre pays européen.
  • De protéger les mineurs étrangers non accompagnés (MENA) de manière effective, notamment en créant des centres spécialisés, en désignant un tuteur volontaire expérimenté, en modifiant le système de détermination de l’âge et en améliorant la collaboration entre les différents acteurs de première ligne.
  • De soutenir les ONG et les collectifs de citoyens qui aident les « migrants en transit. »

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