À Massy, un long confinement difficile à vivre dans les hôtels sociaux
À l’hôtel Astoria, géré par le Samu social, 58 familles en grande précarité commencent à trouver le temps long. Des associations se mobilisent régulièrement pour leur distribuer denrées alimentaires et produits d’hygiène.
Assis sur son tabouret pliable, une tasse de café à la main, Abdelkader profite d'une pause cigarette pour « souffler un peu » et « profiter du soleil ». Depuis le début de la période de confinement, ce trentenaire résidant avec sa femme et ses deux enfants à l'hôtel Astoria, un hôtel social de Massy géré par le Samu social, multiplie les sorties sous les fenêtres de leur chambre.
Accueillant actuellement près d'une soixantaine de familles en grande fragilité, la structure affiche complet. Pour Abdelkader, rester cloîtré la plus grande partie de la journée est de plus en plus compliqué. « Nous avons un petit d'un an et demi et un autre de 7 ans, qui est plein de vie, la situation n'est pas facile, souligne cet homme âgé de 35 ans. C'est trop petit pour nous, on espère que notre dossier pour avoir un logement plus grand va aboutir vite. »
Quid du retour des enfants à l'école ?
Abdelkader nourrit aussi l'espoir que le confinement prendra fin rapidement et que la situation s'améliorera, bien que la réalité s'avère pour sa famille, comme pour ses voisins, souvent très difficile. Il faut dire qu'il est sous pression : « Mon fils a très envie de retourner à l'école, il m'en parle tous les jours », confie-t-il, bien conscient que la cantine scolaire permet à son jeune protégé de manger à sa faim chaque midi. « Mais moi j'ai peur pour lui, avoue ce papa. J'ai peur qu'il attrape ce virus et qu'il le ramène à la maison. Je ne sais vraiment pas comment cela va se passer pour le retour à l'école. »
Père de trois enfants, Ismaïla, 36 ans, trouve aussi le temps long. « Rester confiné à la maison, ce n'est facile pour personne, souffle cet agent de sécurité, qui travaille à la surveillance d'un chantier du secteur, à l'arrêt comme tant d'autres. Une mission qu'il effectue souvent de nuit. « Quand je rentre ici à 7 heures du matin et que tout le monde est là, les enfants sont bien réveillés et moi j'ai beaucoup de mal à dormir, glisse ce colosse aux yeux rougis par le sommeil.
Une distanciation sociale compliquée à faire appliquer
Autre problème pour ce résident, et sans doute pour bien d'autres que lui, les tapages et autres problèmes de voisinage. Patrick, le chargé d'accueil de cet hôtel social, veille, autant que faire se peut, à ce que les règles soient respectées. « Ce n'est pas toujours aisé », avoue celui qui s'emploie aussi à rappeler les mesures de distanciation sociale dans les couloirs et aux abords de l'hôtel. « Quand il y a beaucoup d'enfants dehors, c'est compliqué. Ils n'ont qu'une allée et un bout de parking pour se dégourdir les jambes. »
Réduit, cet espace extérieur ne sert pas seulement aux temps de pause des résidents. Il est également régulièrement utilisé dans le cadre de distribution de produits alimentaires et d'hygiène. Très attendues par ces familles en grande précarité, elles sont organisées par des structures venant en aide aux plus démunis, comme la Croix rouge française, le Secours populaire français et d'autres associations à vocation humanitaire.
Des associations sur le pont face à l'urgence
Mercredi 22 avril, l'après-midi, plusieurs de ces bénévoles, renforcés d'habitants conscients des difficultés vécues ici, ont uni leurs forces. Les regroupements étant interdits, une seule personne par famille était autorisée à rejoindre le lieu de distribution, où plusieurs dizaines de sacs cabas ont été remplis dans une longue chaîne humaine, selon la composition de la famille et ses habitudes alimentaires.
Légumes, pommes de terre et oignons, sachets de riz, paquets de pâtes et de gâteaux, sucre, sel et farine, mais aussi gels douche, tubes de dentifrice, couches et autres produits d'hygiène… L'impressionnant étalage, rendu possible grâce à des dons, l'aide de la Croix rouge, notamment pour les produits d'hygiène, ainsi qu'une collecte en ligne ayant permis de récolter près de 3 000 euros, a été dispatché dans un même élan, jusqu'à la livraison au porte-à-porte, famille après famille.
Conseillère régionale et tête de liste du collectif « Nous sommes Massy » lors des élections municipales, Hella Kribi-Romdhane est venue, en tant que simple citoyenne, prêter main-forte à ce mouvement qu'elle salue. « Toutes les énergies ont su se mobiliser pour que cela puisse se concrétiser, et cela s'est fait sans intervention de la puissance publique », souligne celle qui la réclame par le biais de messages sur les réseaux sociaux. « Nous voyons ici une autre réalité de la crise que nous traversons, pointe-t-elle. Elle creuse les inégalités et nous met face à une urgence alimentaire qui doit absolument mobiliser l'Etat et les collectivités locales. »
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