Au terme d'un week-end riche en émotions et en échanges, c'est « Yalda, la nuit du pardon », de l'Iranien Massoud Bakhshi (lire page suivante), qui a remporté les suffrages des 70 jurées du 10e Grand Prix Cinéma ELLE. « Quand on vit dans un pays comme le mien, pas besoin d'inventer des histoires », a déclaré le réalisateur, venu présenter son film. Inspiré d'une émission de télé-réalité, ce drame raconte comment une jeune femme, condamnée à mort pour avoir tué son mari, bien plus âgé qu'elle, tente de sauver sa vie en obtenant le pardon de la fille de celui-ci, sous l'œil de millions de téléspectateurs. Film de procès radical et haletant, « Yalda… » met en évidence la différence de classes sociales entre les deux protagonistes, l'une d'origine modeste, l'autre riche héritière. Mais c'est aussi une redoutable étude morale, faisant ressentir de manière cuisante le rapport de pouvoir entre celui qui accorde son pardon et celui qui le demande. Faut-il s'humilier pour sauver sa vie ? Le pardon est-il une vertu ? Dans un pays gouverné par les hypocrisies, la question revêt une violence singulière. Tourné en huis clos, « Yalda… » parvient à faire entrer sur le plateau de télé une multitude d'enjeux, le tout orchestré par un animateur bien propret invitant les téléspectateurs à participer : « Tapez 1, si vous pensez que la condamnée mérite d'être pardonnée, et 2, si elle doit subir la pendaison. » Ou comment décider de la vie d'un individu en direct. Avec nous tous comme juges.

Lauréate féminine : Noée Abita

Dans le magnifique « Ava », en 2017, elle jouait une adolescente de 13 ans qui, apprenant qu'elle va perdre la vue, se jette dans l'été avec l'intensité des premières fois et des dernières fois. À 17 ans, Noée Abita avait dû travailler son corps pour revenir en arrière, vers l'enfance et sa grâce brute, celle d'avant la séduction. Grandie à Aix-en-Provence, initiée très tôt au cinéma italien par ses grands-parents d'origine sicilienne, la jeune fille n'était passée par aucune école : premier casting, premier rôle. Grâce à lui, elle gagnait non seulement l'attention du Festival de Cannes et une présélection pour le césar du meilleur espoir féminin, mais aussi une approche très physique du travail de comédienne. L'année suivante, elle était la fille de Jean-Hugues Anglade dans « Le Grand Bain », et, cette année, l'amoureuse de Vincent Lacoste pour « Mes jours de gloire ».

Dans « Slalom », premier long-métrage de Charlène Favier, qui a remué très fort les jurées du Grand Prix Cinéma ELLE, Noée Abita revient au tout premier plan. À 21 ans maintenant, elle se glisse à nouveau dans un corps plus jeune que le sien, celui d'une lycéenne en classe de ski-études – épaules et cuisses sculptées par l'effort, visage rond et regard immense. Jérémie Renier joue son coach, ex-champion déchu qui éprouve pour elle un peu plus que de beaux espoirs. « On a beaucoup discuté ensemble pour préparer les scènes d'agression, et tout s'est passé avec beaucoup d'amour et de respect », explique-t-elle. Elle a aussi énormément préparé les scènes de montagne et d'entraînement. Car si le film évoque les abus sexuels dans le milieu du sport, il imprime d'abord sur la rétine cette jeune fille portée par la vitesse, entre le besoin de s'échapper et celui d'être regardée. Noée Abita, très habitée.

« Slalom », de Charlène Favier, avec aussi Jérémie Renier (1 h 32).

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© Charlie bus production

Lauréat masculin : Vincent Macaigne

Dans son rôle de médecin généraliste profondément humain, devant faire des choix qui vont déterminer le reste de sa vie, Vincent Macaigne est éblouissant de justesse. Pour entrer dans son personnage de « Médecin de nuit » d'Élie Wajeman, il a, entre autres, perdu 20 kilos et passé son permis de conduire… Le réalisateur et l'acteur se sont rencontrés dans un cours de théâtre à Bruxelles au début de leur carrière, et, depuis vingt ans, ils ne cessent d'aller voir le travail de l'un et de l'autre. « Certes, faire appel à Vincent qui est aussi réalisateur et metteur en scène m'a mis la pression », nous confie Élie Wajeman. Comme si Élie s'était lancé le défi d'être à la hauteur de Vincent ! Le résultat de ce film romanesque et humaniste, dans un Paris rarement filmé de cette manière, est superbe.

Dans « L'Origine du monde », première réalisation de Laurent Lafitte, changement de registre : Vincent Macaigne nous montre l'étendue de son talent comique. Avec sa bouille rondouillarde et ses lunettes en écaille bon chic bon genre, il prête main-forte à son meilleur ami dans une quête hors norme et se révèle absolument irrésistible. L'acteur de la rentrée, c'est indubitablement lui. Mais, lorsqu'on lui demande s'il est en train de devenir une vedette grand public, il réplique avec humilité : « J'ai davantage l'impression d'évoluer avec ma génération. » Irrésistible !

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© Partizan Films 2020

« Médecin de nuit » d'Élie Wajeman, avec aussi Pio Marmaï et Sara Giraudeau (1 h 40). En salle le 9 décembre.

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© Prod ciné

« L'origine du monde » de Laurent Lafitte, avec aussi Laurent Lafitte, Karin Viard, Hélène Vincent (1 h 45). En salle le 4 novembre.