JUSTICEPour la cour d’appel de Bordeaux, le compteur Linky n’est pas obligatoire

Bordeaux : La cour d’appel estime que le compteur Linky n’est pas obligatoire, mais ne sanctionne pas pour autant Enedis

JUSTICEPour la première fois, une juridiction estime que le compteur Linky n’est pas obligatoire, mais la cour d’appel de Bordeaux ne sanctionne pas pour autant Enedis
Un compteur Linky, illustration
Un compteur Linky, illustration - GILE MICHEL/SIPA
Mickaël Bosredon

Mickaël Bosredon

L'essentiel

  • Saisie en référé, la cour d’appel de Bordeaux a confirmé qu’Enedis devrait installer des filtres concernant 13 plaignants électrosensibles, pour les protéger des champs électromagnétiques.
  • Même si elle déboute 52 requérants de leur demande de ne pas être équipés de Linky ou de se les faire retirer, elle estime cependant que le compteur intelligent n’est pas obligatoire, contrairement à ce qu’affirme Enedis.
  • « C’est une véritable avancée dans notre combat », estime un des avocats des plaignants, même si au final Enedis n’est pas sanctionné et peut continuer à installer ses compteurs intelligents.

Cela va donner du grain à moudre à tous ceux qui ne veulent pas entendre parler du compteur Linky chez eux. Mais concrètement, cela ne change rien pour Enedis qui peut continuer à installer ses compteurs intelligents dans les foyers… La cour d'appel de Bordeaux a rendu une décision en demi-teinte, concernant le compteur intelligent, qui fait débat depuis qu’il a commencé à être déployé en France en 2015.

Dans un arrêt du 17 novembre dernier, et dont 20 Minutes a eu copie, la cour d’appel stipule en effet que, « contrairement à ce qu’affirme la société Enedis, aucun texte légal ou réglementaire, européen ou national n’impose à Enedis (…) d’installer au domicile des particuliers des compteurs Linky, qui entrent certes dans la catégorie des compteurs intelligents ou communicants, mais n’en sont en réalité qu’un modèle ».

« Une première et une véritable avancée dans notre combat »

Séisme, ou petite secousse, dans l’univers très réglementé du secteur énergétique ? Les avocats de plusieurs dizaines de plaignants, qui avaient saisi via une action collective le juge des référés à Bordeaux en 2019, veulent croire à un nouveau départ dans leur combat contre le Linky. « Enedis n’a jamais produit jusqu’ici le texte prouvant que le compteur Linky est obligatoire, c’est la première fois qu’une juridiction le dit, et lorsque c’est une cour qui le reconnaît, cela a plus d’effet que lorsque c’est un avocat », se réjouit Me Arnaud Durand.

« Jusqu’à présent, il n’y avait jamais de confirmation ou d’infirmation sur le caractère obligatoire du compteur, les juridictions passaient dessus en estimant que ce n’était pas un point important, relève quant à lui Me Christophe Lèguevaques, créateur de la plateforme mySMARTcab, qui regroupe des actions collectives de consommateurs. Là, la cour d’appel justifie sa décision noir sur blanc, c’est une première et une véritable avancée dans notre combat. »

« La cour d’appel ne va pas jusqu’au bout de sa logique »

Certes. Mais au final, la cour d’appel ne prononce aucune sanction, et, agissant dans le cadre d’un référé, sa décision est provisoire et susceptible d’être remise en cause quand l’affaire sera débattue sur le fond. Me Christophe Lèguevaques en convient. « La cour d’appel ne va pas jusqu’au bout de sa logique, et ne sanctionne pas Enedis, c’est là que c’est un peu décevant et nous envisageons de nous pourvoir en cassation. » Me Arnaud Durand espère tout de même que « cette décision nous ramène sur le terrain du droit et rééquilibre un peu les choses, dans la guerre de tranchées entre Enedis qui tente de passer en force, et les consommateurs qui s’opposent au Linky. »

Contacté par 20 Minutes, Enedis commente à peine la décision, se contentant de répondre que « la technologie CPL [courant porteur en ligne] retenue pour la communication des compteurs Linky respecte l’ensemble des dispositions législatives, réglementaires et régulatoires qui encadrent le déploiement des compteurs communicants ». La société préfère insister sur le fait que, « sur le plan judiciaire, la cour d’appel de Bordeaux a débouté 52 requérants [plus de 200 en première instance] pour leur demande initiale de ne pas être équipés de compteurs Linky ou de se les faire retirer. »

Obligation d’installer des filtres pour protéger des champs électromagnétiques

Cet arrêt de la cour d’appel, fait effectivement suite à une assignation en référé le 2 janvier 2019, d’environ 200 plaignants qui s'opposaient à l'installation d'un compteur Linky​, ou en demandaient le retrait. Il s’agissait d’une action collective nationale regroupée au sein de la plateforme mySMARTcab. A Bordeaux, l’action collective était coordonnée par l’avocat Pierre Hurmic, qui n’était pas encore le maire EELV de Bordeaux. Tous les plaignants avaient été déboutés de leur demande de retrait du compteur Linky, hormis 13 d’entre eux considérés comme « électrosensibles », le tribunal obligeant Enedis à la pose de filtres les protégeant des champs électromagnétiques, ce que la cour d’appel a confirmé, sous peine d’une astreinte « de 500 € par jour de retard et par point de livraison pendant un délai de trois mois ». « Il est bien évident que nous appliquerons la décision du tribunal » assure Enedis.

Sur cette question, l’ANFR (Agence nationale des fréquences), au terme de plusieurs campagnes de mesures, avait toutefois établi que « la transmission des signaux CPL utilisés par le Linky ne conduit pas à une augmentation significative du niveau de champ électromagnétique ambiant ». L’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) avait, elle, dès 2016, jugé « très faible » la probabilité que ces compteurs puissent avoir des effets nocifs, et n’avait pas changé ses conclusions après de nouvelles mesures en 2017.

« Enedis a failli à son obligation d’information »

La cour d’appel soulève par ailleurs un autre point inédit, soulignent les avocats, en estimant qu'« il y a lieu de considérer que la société Enedis a failli à son obligation d’information telle que définie par les dispositions de l’article L.111-1 du Code de la consommation. » Ainsi, la « notice remise à tout usager chez lequel est installé un compteur Linky (…) affirme faussement que le compteur Linky n’est pas en mesure de connaître la consommation des appareils de domotique pris isolément », estime le juge. Une fonction qualifiée d’« intrusive » par les parties adverses d’Enedis.

« Le compteur enregistre la consommation globale du foyer en kilowattheures, soutient de son côté Enedis, il n’enregistre pas le détail des consommations électriques appareil par appareil. » Le compteur Linky permet « un relevé de la consommation à distance sans intervention d’un technicien, ou encore la détection de pannes plus rapide », rappelle Enedis. Quelque 29 millions de compteurs ont déjà été posés, dont plus d’un million en Gironde, Dordogne et Lot-et-Garonne, et le programme devrait s’achever comme prévu en 2021 avec la pose de 35 millions de compteurs.

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