Raphaël Pitti : « Syrie : Idleb ne doit pas être le cimetière de nos valeurs »

L'offensive du régime se poursuit en visant non pas « les groupes armés » mais « les lieux de vie », dénonce Raphaël Pitti, médecin humanitaire.

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Une victime d'un bombardement à Maarat Hurmah au sud de la province d'Idleb, le 14 août 2019.

Une victime d'un bombardement à Maarat Hurmah au sud de la province d'Idleb, le 14 août 2019.

© ABDULLAH HAMMAM / AFP

Temps de lecture : 3 min

Alors que le régime syrien vient de prendre le contrôle de la ville de Khan Cheikhoun, dans la province d'Idleb (nord-ouest de la Syrie) qui lui échappe encore, la situation des civils est catastrophique affirme Raphaël Pitti, médecin humanitaire qui a effectué une vingtaine de missions en Syrie avec l'UOSSM, Union des organisations de secours et soins médicaux, une ONG internationale.

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Le Point : Damas a lancé une vaste offensive pour reconquérir la poche d'Idleb tenue par les djihadistes et les rebelles soutenus par la Turquie. Quelle est la situation sur place ?

Raphaël Pitti : C'est un drame. Damas et Moscou ont choisi de terroriser la population en bombardant tous les endroits où les civils se sont réfugiés. Ils ne visent pas les groupes armés, mais des lieux de vie. Les centres médicaux que nous soutenons et dont certains sont financés par des aides gouvernementales françaises sont régulièrement et particulièrement pris pour cible. L'idée de Damas, avec l'aide de Moscou, c'est de maintenir les trois millions de personnes, dont deux millions de déplacés, en état de choc permanent par des bombardements aléatoires et quotidiens. La province d'Idleb ressemble aujourd'hui à un cul-de-sac puisque la frontière avec la Turquie est totalement hermétique pour les civils. Il y a un million d'enfants et la cinquantaine de structures de soins sont totalement sous-équipées pour traiter les pathologies les plus ordinaires.

L'aide humanitaire passe-t-elle encore ?

Sauf exception, les ONG occidentales n'interviennent plus directement. Elles passent obligatoirement par le Croissant rouge turc qui achemine l'aide sur le terrain. Les populations se réfugient d'ailleurs à proximité des 12 camps militaires turcs déployés par Ankara depuis quelques mois ou bien le long de la frontière, car Damas est très prudente et évite encore l'affrontement direct avec la Turquie.

J'ai ainsi été choqué qu'Emmanuel Macron reçoive Vladimir Poutine dans sa résidence de Brégançon

Les opérations militaires de ces derniers jours annoncent-elles une grande offensive de Damas pour reprendre en main ce territoire qui lui échappe encore ?

Sur un plan militaire, les bombardements et les offensives militaires de Damas ont provoqué une alliance des groupes armés. Les rebelles « modérés » ont tous fait allégeance au groupe djihadiste al Nosra qui reçoit des aides de l'étranger et dispose ainsi de 70 000 combattants. À cause de la présence turque, je pense que Damas souhaite reprendre le contrôle de cette région progressivement. Cette stratégie se fait sur le dos de la population épuisée et sans ressources.

Et nous nous taisons ! Nous fermons les yeux, ce n'est pas supportable. J'ai ainsi été choqué qu'Emmanuel Macron reçoive Vladimir Poutine dans sa résidence de Brégançon. Le président français a simplement demandé à son homologue russe de respecter le cessez-le-feu. Ce n'est pas suffisant. Il faut dire clairement à Poutine que nous sommes scandalisés de ce qui se passe à Idleb, car il en est directement responsable. Sinon, demain ce qui se passe dans la zone sera le cimetière de nos valeurs. Le massacre de cette population de trois millions de personnes ne doit pas rester impuni.

Un signe d'espoir toutefois, ce qui se passe à Raqqa…

J'étais à Raqqa au début de l'été. La ville aujourd'hui sous contrôle kurde est détruite à 80 %. C'était une ville d'un million d'habitants, très majoritairement arabe sunnite, et depuis la chute de Daech, la plupart d'entre eux ne sont pas revenus et vivent dans des camps de réfugiés autant par peur des Kurdes qu'à cause du délabrement avancé après plusieurs années sous la domination de Daech.

Depuis la chute de l'État islamique, la France a financé un centre médical à Raqqa, situé dans l'ancien QG de l'état-major de Daech, qui accueille les populations civiles. Il est opéré par des médecins et des infirmières arabes sunnites. Lorsque je l'ai visité en juillet, j'ai proposé à ces soignants de venir se former quelques jours dans un de nos centres situé en zone kurde. Les soignants kurdes et arabes ont parfaitement collaboré. C'est par ce biais, la santé, l'éducation que la société syrienne pourra panser ses plaies et que les communautés pourront à nouveau vivre côte à côte. Les besoins sont énormes : j'aimerais rassembler sur place à l'automne des soignants chrétiens, kurdes, yézidis et bien sûr sunnites arabes pour des formations de remise à niveau en partenariat avec l'université de Nancy et pour tenter de reconstruire une véritable filière de soins.

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Commentaires (6)

  • SW0306

    Ce ne serait pas les lieux de vie des groupes armés

  • dojom

    Amen !

  • nominoe

    Et il n'y aura plus de massacres. Mais non, ils préfèrent laisser souffrir leurs propres populations. Et vous verrez ils nous référons le coup des bidons de chlore percés au milieu de leurs propres enfants pour obtenir une illusoire intervention des Occidentaux contraire avec quelques bombinettes ou missiles plus ou moins défectueux ou efficaces face à des bâtiments vides au préalable. Si la gauche et ses Ong proislamiste n'avaient pas soutenus ces génocidaires de chrétiens ou yezedis, beaucoup de souffrances inutiles n'auraient pas eu. Lieu en Syrie ou en Irak. Car isolés ils auraient cesses toute poursuite des combats. La gauche aime créer ses propres martyrs.