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Qu’est-ce qu’une controverse ? 1. Le travail de définition des concepts
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La médiatisation des controverses scientifiques, 2015
Patrick CHARAUDEAU, CNRS, Laboratoire Communication et Politique, Paris
Qu’est-ce qu’une controverse ?
1. Le travail de définition des concepts .................................................................................. 1
2. La discussion et la controverse .......................................................................................... 3
3. Typologie des controverses ............................................................................................... 4
La controverse « scientifique et technique » .......................................................................... 4
La controverse « doctrinale » .............................................................................................. 4
La controverse « sociale » (débat social) ............................................................................... 5
4. L’interaction controverse scientifique / controverse sociale ................................................... 6
5. L’effet des controverses médiatisées .................................................................................. 7
6. Le rôle des controverses sociales ....................................................................................... 8
7. Conclusion ...................................................................................................................... 8
1. Le travail de définition des concepts
Nous nous intéresserons à définir une controverse et à montrer ce qui la distingue d’un débat, d’une
discussion, d’une polémique, d’une dispute ou encore d’une querelle.
Ce travail nous renvoie à un problème de catégorisation, qui est une activité fondamentale de la
recherche. Elle consiste à créer, par un processus d'abstraction, des concepts, des notions, des
catégories, afin de pouvoir classer (taxinomie) et expliquer pour rendre compte de la phénoménalité
du monde. Sans catégorisation, pas de possibilité critique. Par exemple, lorsque l’on a utilisé le
microscope pour étudier le monde vivant, on a inventé des mots tels que bactérie ou virus pour traiter
d’objets que l’on voulait distinguer dans les images observées. Et parmi les bactéries, l’homme a choisi
de distinguer les staphylocoques, les streptocoques, les salmonelles, etc. Sans ces nouveaux concepts,
la description de la réalité nouvellement observée aurait été moins pertinente. Il n’aurait pas été
possible de traiter de certains phénomènes.
Souvent, dans ce travail de catégorisation, le chercheur est piégé par l'usage courant des mots qui se
caractérisent par une polysémie et une instabilité sémantique, malgré une certaine constance
historique. Ainsi, les concepts tels que cellule, inhibition ou énergie, ont des significations qui changent
selon les périodes historiques et selon les domaines dans lesquels ils sont utilisés.
En effet, catégoriser n'est pas l'apanage de l'activité scientifique. C'est une opération empirique de
l'activité humaine qui cherche à s'y retrouver dans le chaos du monde, à l'ordonner, le hiérarchiser.
C’est ainsi que, déjà, le petit enfant distinguera parmi les êtres qu’il repère, les enfants, et parmi eux,
il distinguera celui qui est son frère, ou son copain, ou celui qui n’est plus son copain.
Le chercheur, obligé d'emprunter des mots à la langue, se trouve dans un conflit de sens. Son travail
de scientifique nécessite d’une part de neutraliser l'axiologisation du sens des mots du fait de leur
emploi. Il cherchera à redéfinir ou à remplacer des mots tels que race, groupe, ethnie, genre, espèce,
peuple, population, langue, etc. d’une manière qui exclut les valeurs attachées dans le langage courant
à ces mots. Et cependant, il devra maintenir une motivation, sans laquelle il se couperait du savoir
social.

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Il faut donc considérer ces catégories scientifiques comme des « idéaux types », c’est-à-dire des
productions idéalisées, qui n'ont qu'une simple valeur logicienne. Selon le sociologue Max Weber (M.
Weber, 1965, Essais sur la théorie de la science, Librairie Plon), un idéal-type est le support de
comparaisons et de classements et constitue une utopie qui doit aider à la réflexion. Ils sont construits
à l'aide d'un ensemble de traits caractérisant et d'opérations d'agencement des traits, selon des
critères propres à chaque discipline.
Ici, pour l’étude des termes proches de « controverse », nous proposerons une catégorisation
langagière de l'échange communicatif qui s'appuiera sur des critères de ce qui constitue le procédé de
mise en scène du langage : l'espace de l'échange, les protagonistes de l'échange, la thématique de
l'échange, composantes qui détermine le contrat de parole.
Nous nous attacherons à trois termes pour en proposer une définition conceptuelle : discussion,
controverse et débat.
Si l'on part de la notion de discussion comme générique à divers types d'échanges d'opposition (débat,
controverse, polémique, querelle, bataille, guerres), on pourra mieux définir la notion de controverse
ainsi que ses variantes.

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2. La discussion et la controverse
La discussion
La controverse
L’échange
C’est un échange d’opinions qui
manifestent un
accord/désaccord.
Il se produit sur diverses scènes
publiques ou privées ;
renforcement/réfutation
d'arguments ; exposé d'un avis,
d'un jugement
C’est un échange contradictoire plus ou
moins argumenté, jouant d'arguments et
contre-arguments autour d'un
questionnement polarisé.
Il se produit sur une "scène" impliquant
une relation triadique entre les deux
instances en confrontation et une instance
témoin (un tiers absent/présent) en
position d'évaluateur.
La thématique
thématique variable mais
commune : scientifique,
politique, d'organisation
(réunions), vie quotidienne,
activités culturelles (ciné), etc.
La thématique est unique et
problématisée dans un cadre de
questionnement avec assertions opposées
(de quoi s'agit-il ? quelle est la question
?) > "condition de disputabilité".
Elle peut être d'ordre événementiel (port
du voile, destruction champs de blé ou
MacDo) ou notionnel (laïcité, démocratie,
violence, bioéthique, race).
Ex. Les controverses du progrès (Faut-il
enterrer les 35 heures ?)
> lutte pour la préséance d'une
problématisation sur les autres
Ex. : "Voile" : laïcité et port de signes
religieux ou sexisme et discrimination de
femmes ;
Ex. : "Race" et "Genre" : de nature ou de
culture.
Les protagonistes Ils ont des statuts et des
identités diverses (en couple, en
groupe), mais toutes légitimes
Ils ont un statut égal (légitimation de la
prise de parole « au nom de »), mais
statuts possiblement différents ;
- positionnements : clivage entre deux
points de vue autour d'un questionnement
avec positions antagonistes de pour et
contre :
Ex. : Mariage homosexuels : Pour/Contre
mariage ; adoption (XXX à discuter)
Les
positionnements
ils sont variables pour, contre,
d'examen
ils sont variables pour, contre
Les prises de
parole
Elles sont alternées ou
superposées, avec des jeux
d'alliances et d'opposition
Idem
L’enjeu
L’enjeu peut être d’avoir raison
ou de donner son opinion
L’enjeu est la défense d'un
positionnement
espoir d'arriver à imposer son point de
vue
possibilités d'accords partiels
(décidabilité)
rares changements des positionnements
(indécidabilité)
destiné au tiers

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3. Typologie des controverses
On distingue différentes controverses selon leur statut, leur thématique et leur positionnement :
scientifique, doctrinale, sociale.
La controverse « scientifique et technique »
- espace : dans une seule arène fermée : scientifique-technique.
- thématique : une thématique spécialisée d'ordre scientifique. Elle est fondée sur des savoirs de
connaissance
- protagonistes : égalité des statuts (experts, spécialistes, chercheurs, scientifiques) : savoir égal
des participants. La légitimation des protagonistes provient de leur savoir
- positionnement : clivée en "pour" et "contre" au nom du savoir
Cette controverse porte un enjeu de « vérité » (parole savante).
Elle est destinée au tiers qui peut décider.
Exemples de controverses scientifiques (entre scientifiques)
La question de la "mémoire de l'eau"
La question de "cellules souches et embryon"(bioéthique)
La question du "réchauffement climatique" et de ses causes
En ichtyologie sur le temps que prennent les anguilles européennes pour aborder les côtes
européennes depuis la mer des Sargasses : si l’on suit l’hypothèse que passent par le Gulf Stream :
3 ans ; si on s'appuie sur les pièces calcaires que fabriquent les poissons (cernes journalières de
croissance) : migration en 1 an (article paru dans Nature)
En paléoanthropologie sur filiation de « Homo floriensis » descendant d'Homo sapiens ou d'Homo
erectus ?
Exemples de controverses historique (entre historiens)
l'affaire Dreyfus, la Grande guerre, la Résistance, la Colonisation
la Révolution française l'épopée révolutionnaire ≠ « récit totalitaire » (F. Furet, 1995, Le Passé
d'une illusion. Essai sur l'idée communiste au XXe siècle)
le fascisme français : René Rémond (R. Rémond, 1954, La droite en France, éditions Aubier)
≠ Robert O. Paxton (R. O. Paxton, 1999, La France de Vichy, 1940-1944, éditions Seuil).
La controverse « doctrinale »
L’espace : une seule arène fermée, en relation avec la doctrine concernée (religieuse, économique).
La thématique : monothématique notionnel, autour d'un point de dogme (œcuménisme, chasteté)
> savoir de croyance révélée
Les protagonistes : égalité : savoir égal des participants dans chaque domaine (religieux) >
légitimation de représentant de la doctrine
Les positionnements : clivé (Pour/Contre) au nom de l'interprétation du texte sacré
L’enjeu d'"engagement" pour la défense d'une vérité révélée et la justification d'une adhésion
absolue (parole de conviction)

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Exemples de controverses religieuses
La sainte Trinité : Comment le Christ, le Fils de Dieu, est-il lui-même Dieu, en même temps
homme et Dieu ? (de 325 Nicée à 451).
La controverse de Valladolid : les Indiens ont-ils une âme susceptible d'être sauvée par
Dieu ?
Exemples de controverses du marxisme
19e siècle : le léninisme, le trotskisme et le marxisme
20e siècle : le structuralisme, la psychanalyse
Exemples de controverses en Psychanalyse
Psychanalyse/Psychiatrie
Psychanalyses alternatives
Ex. Controverses philosophiques
les Anciens et les Modernes
Philo raison (Descartes) ≠ création (Nietzsche, Heidegger)
Sartre et Aron
La controverse « sociale » (débat social)
L’espace : plusieurs arènes publiques (École, Parlement, Médias, ou les lieux de discussion militants,
associatifs).
La thématique : n thèmes autour d'une thématique événementielle d'intérêt social et morale (savoir
d'opinion) et diverses problématisations.
Ex. Mariage des homosexuels (PACS 1998) : démocratie (égalité des sexes devant la loi)/république
(famille procréatrice) ; adoption par homosexuels : égalité des couples/éducation sexuée ; mères
porteuses : x/y
Les protagonistes : diversité mais égalité des statuts dans le droit à opiner selon leur point de vue
(religieux, politiques, associations, témoins, penseurs) > légitimation des opinions citoyennes
Le positionnement clivé en "pour" et "contre" au nom de valeurs
Ex. : laïcité : neutralisation des différences/coexistence des différences.
Ex. : race : le "tout biologique et héréditaire" contre le "tout culturel"
L’enjeu de positionnement « moral » pour la défense de valeurs au regard d'un savoir de croyance-
opinion ;
L’enjeu de « délibération » : pour la défense de valeurs au regard de l'intérêt général citoyen >
choix de société
Le mélange des arènes (scientifiques, publiques, politiques)
Loi sur l'IVG
Principe de précaution et vaccin H1N1
Tests ADN pour le regroupement familial
Peine de mort : controverse politico-sociale > décision politique.
L'euthanasie : controverse sur : « doit-on aider à mourir ? ». Les médecins sont pris dans cette
controverse politico-sociale, d'ordre moral en raison du serment d'Hippocrate.
Gaz de schistes : exploration/exploitation
Faut-il autoriser le travail le dimanche ?
Mariage gay et adoption
Faut-il que la prostitution disparaisse ? (Le Monde, 2-3/09/12)
Les races existent-elles ? pris dans la nasse de la diversité des points de vue.

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4. L’interaction controverse scientifique / controverse sociale
On distingue deux lieux de production du savoir
Nous nous intéresserons ici aux effets de retour ou de miroir qui s’opèrent lorsque coexistent
controverse sociale et controverse scientifique. On distingue deux lieux de production de savoirs :
celui du monde scientifique produisant des savoirs de connaissance visant la vérité,
indépendamment des normes sociales ;
celui du monde de l'expérience, de la vie en société qui produit des savoirs de croyance
(révélations, opinions) +/- régulés par des normes, des règles, des lois.
La caractéristique des savoirs de croyance est qu'ils sont axiologisés en positif/négatif (bien/mal ;
beau/laid ; bon/mauvais ; utile/inutile), et dans la controverse sociale, ils se présentent sous deux
discours : menace/bienfait.
D'ailleurs, la notion de progrès social est davantage liée aux effets de la technologie ou de la loi que
de la science.
Le pont entre controverses scientifiques et sociales
Une controverse sociale peut engendrer une demande sociale qui pousse à la recherche et à une
controverse scientifique (gaz de schiste, climat).
Inversement, une controverse scientifique arrivant dans l'espace public, par médias interposés, peut
déclencher controverse sociale (la génétique).
Ce qui fait pont entre controverse sociale et scientifique :
1. la technologisation de la science comme application des résultats de la science fondamentale qui
produit des effets sur la vie sociale, engendre des réactions de la société civile et produit un effet de
retour sur la recherche scientifique et technique en demande clivée d'interrogation.
On sait que la distinction recherche fondamentale et recherche appliquée n'est pas toujours facile à
opérer.
On sait que la technologie sert à la recherche fondamentale.
Mais il s'agit ici de ce qui est rendu visible pour le débat social :
OGM : pour au nom du rendement/contre au nom de la santé ;
Nucléaire : pour au nom de l'économie (électricité)/contre au nom du danger (Tchernobyl,
Fukushima)
Médicaments : pour au nom de profits/contre au nom de santé (pilule de 3° génération,
médiator)
C'est donc plus la technologie que la science qui fait débat dans le social, car c'est elle qui produit des
effets visibles
2. l'idéologisation des comportements sociaux via les représentations engendrées-soutenues par
le pouvoir politique, les instances de contre-pouvoir, les médias > divers enjeux :
Enjeu de choix de société et responsabilité des pouvoirs publics entrainant "décision" dans un rapport
de pouvoir/contre-pouvoir > recherche :
Modèle économique : finance, fiscalité, protection (libéralisme)
Environnement, planète
Justice (juge d'instruction, peines plancher, garde à vue)
Sécurité : délinquance et immigration

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Enjeu de vivre ensemble au nom de valeurs universelles
de « race » à « racisme » via discours sur le communautarisme et la sécurité (pour/contre)
mariage et filiation
de « sexe » à « genre » via discours sur l'égalité homme/femme
« d’hétérosexualité » à « homosexualité » via discours sur l'égalité des comportements sociaux
des minorités
les controverses socio-historiques : l'affaire Dreyfus, les lois mémorielles (Gayssot, Libération
25/02/05, « rôle positif », Taubira) > Trois collectifs (« Liberté pour l'histoire », « Comité de
vigilance sur les usages publics de l'histoire », la « Ligue des droits de l'homme »).
Dans tous ces cas, les controverses sociales et scientifiques provoquent d’une façon ou d’une autre :
un effet de retour d'une controverse socio-politique vers le scientifique
un effet de déclenchement d'une controverse sociale à partir d'écrits à teneur scientifique
(Race)
5. L’effet des controverses médiatisées
Les médias sont des véhicules de controverses qui peuvent être provoquées par le pouvoir politique,
des lobbies, des mouvements de la société civile de deux façons :
en témoignant de ce qui se discute dans divers lieux (réunions, meetings, forums
« Controverses du progrès »)
en exposant les controverses (voire en les provoquant)
La controverse sociale médiatisée transforme le chercheur en expert
L'expert est défini comme spécialiste d'un domaine de pratique particulier (sport, diplomatie) ou d'une
discipline (économie, psychiatrie).
Le rôle est déterminé par la demande de certaines instances (justice, médias), discours d'examen en
fonction d'un questionnement.
A contrario, elle fait passer pour scientifiques des enquêtes journalistiques ou des expertises
ponctuelles.
La controverse transforme le concept en symptôme, conduisant à une réaction émotionnelle
La controverse fabrique des mots mode ou tabou
Le mot mode qui s'impose dans l'espace public avec double fonction :
cryptique, signe de reconnaissance > esprit de groupe (« genre »)
mot magique, force de vérité (« synergie », « bashing », « buzz »).
Le mot tabou qu'on ne peut prononcer au risque de voir s'abattre les foudres du ciel. Il doit donc subir
une suppression ou un remplacement (sexe, genre, insécurité, autorité, sélection, immigration,
récidive, islam).
On parle aussi de mot tabou à propos du politiquement correct : « fin de vie » remplace « euthanasie ».
Mais le mot tabou n'est pas sans ambigüité. On observera à la fois une demande d'effacement d'une
stigmatisation et la revendication de reconnaissance d'une identité, comme dans le cas d’une
revendication pour en détruire l'interdit avec le slogan « black is beautiful ».

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La controverse sociale médiatisée peut devenir polémique
- polémique entre les participants (l'école, le racisme et Zemmour, race et Alexis Jenni)
- polémique dans la mise en cause de la question à débattre (bioéthique)
Tout cela, encadré par une sélection, une mise en scène (avec un animateur, des questions
téléspectateurs, des reportages).
6. Le rôle des controverses sociales
Les controverses sociales sont à la fois fréquentes, nombreuses et utiles dans une société
démocratique. Elles portent sur des questions pour lesquelles il n’est pas possible d’établir un accord
qui s’imposerait par des faits ou des lois de type scientifique.
On peut distinguer trois fonctions aux controverses sociales :
Une fonction d’alerte quant à une situation sociale problématique. Il peut s’agir d’une fonction de
vigilance comme dans l’affaire du sang contaminé. Cette fonction peut constituer un appel à un débat
de société et à de nouvelles recherches scientifiques ;
Une fonction d’influence sur les choix de société via l'opinion publique et les décisions politiques ;
Une fonction de témoignage d'un état des imaginaires sociaux à une époque donnée. Pour leur étude,
nous devons éviter le piège de l'anachronisme, qui consiste à regarder une controverse ancienne avec
les conceptions qui ont cours aujourd’hui.
7. Conclusion
La controverse sociale n'est pas un simple débordement de la controverse scientifique. Elle a une
existence en elle-même.
La controverse sociale n'a pas prétention à la vérité (scientifique), elle concerne l'opinion (savoir de
croyance) et vise la discussion pour une délibération et pour influencer une décision.
Elle pose du même coup des questions au chercheur, en tant que chercheur et aussi en tant que
citoyen.
Lorsqu’il y a controverse, il importe de savoir dans quel type de contrat on se situe :
contrat de production de savoir de connaissance visant une vérité hypothétique (biologique,
anthropologique, sociologique, linguistique)
contrat de production d'information à des fins d'enseignement, d'éclairage de l'opinion publique
ou de délibération politique
contrat d'écoute de la demande sociale, pour réinterroger la recherche.
Il est vrai que ces divers enjeux s'entrecroisent et se superposent et qu’il n’est pas toujours facile de
définir strictement dans quel contrat on se situe.