Comment les chevaux s'adaptent-ils au froid ?

D'une façon générale les chevaux s'adaptent bien au froid. Lorsqu'ils ne sont pas tondus, ils sont à l'aise à des températures basses, même négatives, à condition de leur fournir ce dont ils ont besoin en fonction de leur âge, de leur état de santé, de leur état physiologique, du travail qu'ils fournissent. Voici les principales questions à se poser pour gérer au mieux la période hivernale avec son cheval.

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Par Christine BRIANT - | 01.02.2016 |
Niveau de technicité :
adaptation au froid
Sommaire

Qu'est-ce que la zone de confort thermique ?

La zone de confort thermique est la plage de températures à l'intérieur de laquelle l'organisme n’a pas de dépense d’énergie supplémentaire à faire pour maintenir la température interne du corps. Chez l'Homme, cette zone est très restreinte et se situe aux alentours de 25°C.

adaptation au froid
© A. Laurioux
Chez le cheval, elle dépend de son adaptation. Sous des climats tempérés, pour un cheval non tondu, elle est située approximativement entre 5°C et 25°C. En-dessous, l'organisme doit produire de l'énergie pour maintenir la température centrale du corps (frissons, mouvements…) ; au-dessus, différents mécanismes vont également permettre par évaporation qu'elle n'augmente trop (transpiration, accélération de la respiration…). L'étendue de cette zone peut varier selon différents facteurs, comme l'adaptation au climat, l'âge, la race, l'état d'engraissement, l'état de santé, la saison, le climat et la consommation d’énergie digestible[1].


La température critique inférieure est la température en-dessous de laquelle il faut aider le cheval à lutter contre le froid, en lui apportant de l'énergie supplémentaire et en lui offrant un abri. Ce seuil est de -15°C pour les adultes, 0°C pour les poulains et seulement 22°C pour les poulains nouveau-nés.

[1] De l'énergie brute à l'énergie métabolisable

  • Energie brute = énergie fournie par l'alimentation (ce qui est indiqué dans les tables)
  • Energie digestible = énergie brute - énergie excrétée dans les excréments
  • Energie métabolisable = énergie digestible - énergie produite lors de la digestion ou dans les urines = énergie nette d'entretien (production de chaleur, se déplacer) + énergie nette de travail + énergie nette de production (de lait, de viande, gestation)

Par quels mécanismes l'organisme des chevaux s'adapte-t-il au froid ?

En quelques minutes, pour une adaptation rapide au froid

Les frissons ou l'exercice musculaire intense vont produire de la chaleur.

  • Les frissons sont un mécanisme réflexe de contraction des muscles (aérobique) qui va produire de la chaleur à partir de la dégradation des sucres et des acides gras (multiplication du métabolisme par 4 ou 5). Ce mécanisme modéré peut être maintenu longtemps, à la différence de l'exercice musculaire intense (plutôt anaérobique) qui permet également une montée rapide de la T° corporelle. Il produit de l'énergie à partir de la cassure incomplète du glycogène, ainsi que de l'acide lactique responsable de la fatigue du muscle (multiplication du métabolisme par 25).
  • La pilo-érection ou hérissement des poils accroît l'effet isolant du poil en augmentant jusqu'à 30% son épaisseur ; il pourra ainsi renfermer plus d'air.
  • La vasoconstriction ou constriction des vaisseaux sanguins des extrémités des membres limite la perte de chaleur. Le sang reflue vers les organes centraux (c'est ce qui fait que nous avons les bouts des doigts blancs quand il fait froid) et permet de réduire la température des extrémités jusqu'à 1,7°C, évitant les dommages aux tissus quand les chevaux ont les pieds dans la neige.

La mobilisation du système neuro-endocrinien permet une libération de glycogène qui servira de « carburant ».

En quelques jours à plusieurs mois

Pour une adaptation plus progressive, on observera :

Des modifications du comportement

Les chevaux vivant à l'extérieur par temps froid diminuent leurs activités pour dépenser moins d'énergie. En cas de pluie violente, les activités comme se tenir à l'arrêt, se reposer ou se coucher sont réduites. Lors de vents froids, les chevaux exposent leur arrière main et non leur tête, ce qui serait en relation avec la possibilité de frissonner.

Des modifications physiologiques

Les chevaux acclimatés progressivement au froid voient la densité de leur poil augmenter et leur tissu graisseux se répartir différemment : au lieu de s'accumuler sur certaines parties du corps, il se répartit sur toute la surface.

Des modifications de la consommation d'énergie

Une diminution soudaine de la température ambiante déclenche une consommation accrue d’aliments chez les chevaux qui augmentent ainsi leur thermogénèse.

En milliers d'années...

L'adaptation des races au cours de l'évolution a permis à certaines races d'acquérir des caractéristiques morphologiques, anatomiques et physiologiques favorisant la production et limitant la déperdition de chaleur, en fonction :

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© Inra - UEPAO

  • De la morphologie

La morphologie détermine un rapport surface (de la peau au contact de l'extérieur)/volume (du corps). Plus l'animal est gros, plus le rapport est petit. Comme la production de chaleur est proportionnelle au volume et la perte proportionnelle à la surface, les plus gros animaux sont favorisés, de même ceux qui se rapprochent le plus morphologiquement d'une sphère. Dans cette configuration, les races brévilignes sont donc avantagées par rapport aux longilignes (traits versus sang) ; il en est de même pour les jeunes par rapport aux plus âgés.


  • De la capacité d'isolation thermique

La vasoconstriction des vaisseaux périphériques réorientant la circulation sanguine vers les vaisseaux centraux, faisant chuter la T° de la peau à celle de l'air ambiant. Ceci augmente l'efficacité de l'isolation assurée par le tissu adipeux sous-cutané (qui se répartit à la surface de tout le corps), la peau et le poil imperméable. La haute efficacité de ce mécanisme est évidente lorsque l'on peut voir le dos de chevaux recouvert de neige qui ne fond pas. Donc, certaines races avec un poil d’hiver très dense, sont particulièrement adaptées aux milieux froids, contrairement à d'autres très près du sang dont le poil pousse peu en hiver. De même, les chevaux ayant la peau plus épaisse et une couche de gras répartie sur tout le corps bénéficieront d'un meilleur « système isolant ». Le poil de l’âne, non imperméable et fin, rend celui-ci particulièrement vulnérable au froid et aux températures humides. Il est également possible que la couleur du poil ait un effet, avec les robes noires ou baies absorbant mieux la chaleur que les robes claires.

  • De la proportion de fibres musculaires lentes ou rapides ?

C'est une hypothèse, mais elle est tentante. Les chevaux ayant plus de fibres musculaires lentes (aérobiques), pouvant se contracter longtemps avec une intensité modérée seraient mieux adaptés au froid. En effet ces chevaux passent la plus grande partie du temps à se déplacer lentement en mangeant. Ils dorment debout, ce qui permet aux muscles locomoteurs ou posturaux de produire de la chaleur. Ils se couchent peu, souvent en milieu de journée, quand il fait moins froid.

Il est ainsi possible de dégager les caractéristiques des chevaux plus adaptés au froid

Les chevaux plus adaptés au froid sont plus lourds et plus compacts, avec des extrémités plus courtes, des poils longs notamment aux fanons, une peau épaisse qui ne laisse pas voir les vaisseaux sanguins, un tissus gras sous-cutané réparti sur toute la surface du corps, une capacité à des efforts d'intensité modérée mais sur une longue période, en mobilisant les réserves graisseuses sans production d'acide lactique.

Comment aider les chevaux à s'adapter au froid ?

En permettant leur adaptation progressive

Il est recommandé de laisser les chevaux s'adapter progressivement à la baisse naturelle des températures, en les laissant dehors dès l'automne. Ainsi, les chevaux ont besoin de 10 à 20 jours pour s'adapter à une baisse de température de l'ordre de 15°C, que ce soit pour passer de 20°C à 5°C ou de 0°C à -15°C.

Les chevaux étant sensibles aux variations brutales de température, il conviendra donc de prendre des précautions au moment d'une transition, soit pour mettre son cheval au pré en plein hiver, soit pour le rentrer dans une écurie chauffée.

En adaptant le régime alimentaire

La consommation énergétique de maintenance pour les chevaux adultes devrait être augmentée de 2,5% par degré Celsius sous la barre de -15°C. Pour les chevaux à l'entretien, le plus facile est de leur fournir du foin de bonne qualité. La plupart des chevaux mangent de 2 à 2,5% de leur poids en foin par jour. Un cheval de 600kg mangera entre 12 et 15kg de foin par jour. À -40°C,  il aura donc besoin de 4,5 à 5kg de foin de plus.

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© L. Marnay
Par contre, il faut utiliser du foin de qualité, c'est-à-dire facilement digestible et à haute valeur énergétique. En effet, un foin récolté tard, très riche en fibres non digestibles, ne fournit pas suffisamment d'énergie et demande une consommation supérieure d'énergie pour sa digestion. De plus, si les chevaux ne consomment pas suffisamment d'eau, ce foin peu digestible peut causer des coliques par impaction.

Il est également possible d'ajouter des concentrés à la ration, mais cela n'est pas nécessaire en général si le foin est de qualité suffisante.


Il est tout à fait possible d'élever des poulains en croissance à l'extérieur par temps très froid, si leur régime alimentaire est adapté en conséquence. Une expérience menée au Canada sur des poulains juste sevrés, hébergés dans des paddocks avec une palissade brise vent, pendant 6 mois, avec des températures variant de +10°C à -30°C, ont  commencé à prendre moins de poids à partir de -11˚C, suggérant que l’énergie pouvait être redistribuée vers l’entretien des tissus. Toutefois, la croissance du squelette n'a pas été affectée.

Dans ces conditions extrêmes, il faut également être attentif aux chevaux qui ne s'alimenteraient pas suffisamment, perdraient du poids et diminueraient leur tolérance au froid. Ce peut être le cas de chevaux dominés qui peuvent ne pas avoir suffisamment accès à la nourriture.

Il faut également fournir du sel et des minéraux, ainsi que de l'eau propre en quantité suffisante.

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© Inra - UEPAO
En leur offrant un abri

Les observations de chevaux féraux ou de Prewalski ont montré qu'ils cherchaient des aires sèches en cas de froid humide, particulièrement en cas de fortes précipitations et de vent. De même, lorsque les chevaux domestiques ont des abris à disposition, ils les utilisent plus dans ces conditions climatiques difficiles. D'une façon générale, les poulains utilisent plus les abris que les adultes. Les chevaux maintenus dans un abri peuvent conserver jusqu'à 20% de chaleur corporelle en plus, d'autant plus s'ils peuvent se coucher.


L'abri peut être naturel (haie, arbres...) ou artificiel, l'essentiel est que les chevaux puissent y accéder quand ils le souhaitent. Dans les régions très froides, des abris peuvent être aménagés derrière des amas de neige, des promontoires ou des ravins. Pour les chevaux en groupe, il faut que les abris soient suffisamment spacieux pour que tous les chevaux puissent s'y coucher en toute sécurité au regard de la hiérarchie. Un abri à trois côtés représente une protection efficace contre le vent et la neige. Les dimensions idéales sont une profondeur de 8m et une surface de 7,5 à 9m² par cheval, avec une litière adéquate, en paille de préférence, et ce surtout pour les jeunes chevaux.

La réglementation française n'impose pas la présence d'un abri en tant que tel. Elle demande que, dans la mesure où c'est nécessaire et possible, les chevaux soient protégés des intempéries et des prédateurs.

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© L. Marnay
Que faire avec les chevaux tondus ?

Pour les chevaux qui travaillent, l'absence de poils facilite la transpiration et accélère le séchage du cheval, évitant qu'il ne prenne froid. Bien évidemment, cela modifie de façon importante la zone de confort thermique du cheval, la température critique minimale étant alors plus proche de 5°C que de -15°C. Il est alors nécessaire de lui mettre une couverture (à choisir en fonction de la température) pour le protéger du froid et de la pluie et d'adapter la ration pour lui apporter l'énergie nécessaire.

En savoir plus sur nos auteurs
  • Christine BRIANT Docteure vétérinaire - ingénieure de projets & développement « Bien-être des équidés » IFCE

Bibliographie

  • CYMBALUK N.F., 1990. Cold housing effects on growth and nutrient demand of young horses. Journal of Animal Science, 68, pages 3152-3162.
  • CYMBALUK N.F., 1994. Thermoregulation of horses in cold, winter weather : a review. Livestock Production Science, 40, pages 65-71.
  • CYMBALUK N.F. et CHRISTISON G.I., 1989. Effects of diet and climate on growing horses. Journal of Animal Science, 67, 48-59.
  • HELESKI C., CINQ-MARS D., DOWLING P., MERKIES K., STÄMPFLI H., YUE COTTEES S. et DE WIT J., 2012. Code de pratique pour les soins et la manipulation des équidés : revue de littérature relative aux questions prioritaires. National Animal Care Council Canada. Disponible sur : http://www.nfacc.ca/codes-of-practice/equine.
  • LANGLOIS B., 1994. Inter-breed variation in the horse with regard to cold adaptation : a review. Livestock Production Science, 40, pages 1-7.
  • MORGAN K., 1998. Thermoneutral zone and critical temperatures of horses. Journal of thermal biology, 23, pages 59-61.
Pour retrouver ce document: www.equipedia.ifce.fr
Date d'édition : 09 05 2024

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