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Une nouvelle pneumonie dangereuse, contagieuse et résistante aux antibiotiques est apparue dans les hôpitaux chinois
©REUTERS/Ints Kalnins

Attention, danger

Une nouvelle bactérie a fait cinq morts dans un hôpital en Chine. Cette souche est très virulente et résistante aux antibiotiques, ce qui la rend encore plus dangereuse. Les scientifiques craignent une contagion à l'échelle du globe.

Stéphane Gayet

Stéphane Gayet

Stéphane Gayet est médecin des hôpitaux au CHU (Hôpitaux universitaires) de Strasbourg, chargé d'enseignement à l'Université de Strasbourg et conférencier.

 

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Atlantico : Une nouvelle forme de pneumonie a sévi dans un hôpital de Hangzhou dans le Sud-Est de la Chine en 2016. Cette bactérie qui est la source de cette pneumonie est selon les chercheurs qui ont publié une étude dans le journal The Lancet Infectious Diseases serait résistante aux antibiotiques, très contagieuse et mortelle. En quoi consiste cette pneumonie exactement ? Comment se manifeste-t-elle dans les hôpitaux ? En quoi s'agit-il d'une menace qui concerne le monde entier ?

Cette bactérie est très connue depuis plus d’un siècle. Elle s’appelle Klebsiella pneumoniae, plus communément « klebsielle ». En réalité, klebsielle ou plutôt Klebsiella (avec un « K ») est un genre bactérien qui appartient à la grande famille des Entérobactéries. Au moins quatre espèces de klebsielle sont connues en pathologie infectieuse de l’homme, parmi lesquelles pneumoniae est nettement la plus pathogène. Pour situer la famille des Entérobactéries, on y trouve les salmonelles (toxi-infections alimentaires et autres forme de diarrhée), les shigelles (dysenterie bacillaire : diarrhée douloureuse, sanglante et fébrile), le colibacille (infection urinaire, diarrhée) et les yersinia (diarrhée, peste). C’est Carl Friedländer (1882) qui découvrit la responsabilité de Klebsiella pneumoniae (en abrégé K. pneumoniae) dans certaines pneumonies graves et souvent mortelles de l’adulte. Il appela cette bactérie « pneumobacille ». Elle est également responsable d’infections urinaires, mais moins graves.

K. pneumoniae est une bactérie très répandue. On la trouve dans le tube digestif (entéro bactérie) de l’homme et d’animaux (bactérie dite commensale : elle s’intègre à notre flore digestive ou microbiote intestinal), ainsi que parfois dans les voies aériennes supérieures (pneumo bacille). Elle est également retrouvée dans l’environnement (eaux usées, sol). Elle a la propriété d’être immobile et surtout -en ce qui concerne les souches pathogènes, dangereuses ou encore virulentes- d’avoir une capsule (facteur de virulence).

Ce type de pneumonie se développe principalement chez des malades fragiles, hospitalisés en chirurgie, en unités de soins continus, et tout particulièrement en réanimation.

Cette bactérie est naturellement résistante à certains antibiotiques. Depuis plusieurs décennies, sa résistance ne fait qu’augmenter pour atteindre des niveaux préoccupants (bactéries multirésistantes aux antibiotiques ou BMR ; puis, à un degré de plus, bactéries hautement résistances aux antibiotiques ou BHR).

Une souche de K. pneumoniae à la fois virulente (capsulée) et très résistante aux antibiotiques (l’association des deux étant plutôt rare) constitue une menace redoutable pour les hôpitaux du monde entier. Heureusement, cette pneumonie n’est pas très contagieuse. Mais la souche en question peut tout de même largement circuler, essentiellement du fait des voyages internationaux et des rapatriements sanitaires.

Toujours selon les chercheurs, ils existe deux formes de cette bactérie, l'une très virulente et l'autre très résistante. Cette nouvelle bactérie serait une synthèse des deux précédentes réunies. En quoi est-ce que cela augmente son niveau de dangerosité ? Comment les médecins peuvent-ils lutter contre cette nouvelle "superbactérie" ?

On constate habituellement et c’est heureux, que les souches de bactérie les plus résistantes aux antibiotiques sont plutôt peu virulentes. Car ce sont deux propriétés qui sont indépendantes et qui sont en général dissociées. L’exemple le plus typique est constitué des entérocoques résistant aux glycopeptides (ERG), c’est-à-dire aux antibiotiques haut de gamme, spécialisés dans les bactéries de type coque à Gram positif (staphylocoques, entérocoques). Contrairement aux staphylocoques, les entérocoques sont très peu pathogènes par essence. Les souches porteuses du gène de résistance aux glycopeptides sont fort peu virulentes : beaucoup de personnes hébergent ce type de souche dans leur intestin, sans faire d’infection. A l’inverse, les souches les plus virulentes de staphylocoque doré sont très souvent sensibles à de nombreux antibiotiques, ce qui ne les empêche pas de tuer leurs victimes, car ces souches virulentes sont souvent plus rapides que les antibiotiques.

Or, avec cette souche porteuse d’un gène de résistance d’un type nouveau, souche de K. pneumoniae signalée dans un hôpital chinois, on a affaire à la conjugaison d’une forte virulence (souche capsulée) et d’une grande résistance (bactérie dite hautement résistante aux antibiotiques ou BHRe, e comme émergente).

Depuis que la résistance aux antibiotiques a atteint de tels niveaux, soit une dizaine d’années, on craignait que ce phénomène ne se produise, c’est-à-dire la conjugaison d’une forte virulence et d’une haute résistance aux antibiotiques. Il s’agit bel et bien d’un danger particulièrement redoutable pour les malades des hôpitaux. Mais il y a pire, ce qui n’est pas encore arrivé : la conjugaison d’une très forte virulence et d’une haute résistance chez une bactérie beaucoup plus pathogène que la klebsielle, à savoir le staphylocoque doré. C’est une perspective redoutable qui est une hantise. Il faut probablement s’y préparer.

Lorsque l’infection à K. pneumoniae virulente (souche avec capsule) et très résistante aux antibiotiques est déclarée, nous n’avons pas beaucoup d’armes en dehors des antibiotiques, en l’occurrence dépassés. Très honnêtement, si l’on fonde de réels espoirs avec les virus phagiques ou phages (virus qui infectent et détruisent les bactéries), la relève des antibiotiques n’est pas encore assurée à ce jour. Il est hélas vraiment fréquent que la mort survienne en raison d’une impuissance thérapeutique, ce qui a été le cas pour les malades de cet hôpital chinois.

Qui sont les cinq victimes de cette pneumonie ? Comment se manifeste la bactérie dans l'organisme des malades ?

Ces cinq malades étaient tous âgés de plus de 53 ans. Ils étaient en réanimation sous respirateur (ventilation assistée par respirateur), dans les suites d’une grosse intervention chirurgicale. On précise qu’il s’agit d’un hôpital assez récent, avec un bon niveau de prévention (mesures d’hygiène hospitalière). Les cinq malades sont morts. Les médecins ont été déconcertés par une telle évolution dramatique qui les a véritablement choqués.

Sur le plan de son pouvoir pathogène, K. pneumoniae est une bactérie dite pathogène opportuniste (BPO), ce qui la distingue des bactéries dites pathogènes spécifiques (BPS), comme Salmonella typhi (bacille d’Eberth -1880- responsable de la fièvre typhoïde) et Yersinia pestis (bacille de Yersin ou de Kitasato -1894- responsable la peste). Dire qu’une bactérie est pathogène opportuniste revient à dire qu’elle ne donne une infection que chez des personnes très affaiblies ou bien dans des contextes de soins dits invasifs (chirurgie, soins continus -auparavant appelés soins intensifs- et réanimation). C’est une bactérie typique de l’infection nosocomiale ou encore associée aux soins. De plus, elle est naturellement résistante à certains antibiotiques (amoxicilline, ticarcilline) par production innée d’une bêta-lactamase (enzyme inactivant un ou plusieurs antibiotiques) naturelle, dite de classe A d’espèce (codée par un gène chromosomique).

En plus des circonstances que nous venons d’envisager, l’infection à K. pneumoniae se développe essentiellement chez des personnes ayant un terrain favorisant : ce peut être un diabète sucré, un cancer évolutif sous chimiothérapie, un alcoolisme chronique important, un tabagisme chronique sévère, une dénutrition, un traitement immunosuppresseur, une infection virale chronique comme le sida, l’hépatite B ou C, ou encore une insuffisance rénale sévère. Ici, il s’agit des suites postopératoires précoces d’une lourde intervention chirurgicale.

La pneumonie à bacille de Friedländer (K. pneumoniae) est habituellement sévère. Elle se manifeste souvent par une infection pulmonaire grave, abcédée (le tissu pulmonaire atteint meurt et se creuse pour donner du pus qui est expectoré : il en résulte une lacune dans le poumon). Il peut y avoir plusieurs abcès pulmonaires et les deux poumons peuvent être atteints. De plus, la pneumonie peut s’étendre à d’autres organes, comme le cerveau. Le pronostic de cette pneumonie est donc souvent péjoratif : le décès est plus que fréquent

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