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8 Mars : Où sont les femmes de la tech péi ?

8 MARS. Présentes aux prémices du numérique, les femmes ne représentent que 20% des salariés du secteur aujourd'hui. À l'occasion de la journée internationale des droits des femmes, elles montrent qu'elles existent dans ce domaine stéréotypé masculin.


Auteur de l'article : 8 Mars : Où sont les femmes de la tech péi ?
Rédigé par Clicanoo

Et pourquoi le numérique ne se conjuguerait-il pas au féminin? Nombreuses sont les femmes à se rebeller contre cette idée reçue. Pour autant, force est de constater qu'aujourd'hui en France, elles ne représentent que 20% des salariés dans ce secteur d'avenir. 

On pourrait croire qu'il en a toujours été ainsi. La faute peut-être à un manque de connaissance de ce milieu, de ses débouchés ou encore de comportements sexistes… Il existe aussi les stéréotypes qui entourent ce monde de l'informatique, comme celui du geek, du génie en mathématiques ou encore de celui accro aux jeux vidéo. Et c'est sûrement ce type de représentation qui tient les femmes à l'écart des métiers d'avenir du secteur informatique. Pourtant, l'histoire montre qu'il fut un temps, l'informatique n'était pas qu'un truc de bonhomme. Les femmes étaient d'ailleurs les premières programmeuses du début du XXe siècle. Dans les années 1940,  le codage, par exemple, était l'un des postes les plus en vogue chez les femmes, relevant peut-être plus du secrétariat que de l'ingénierie. Elles représentaient même 30 à 50% des salariés dans le domaine informatique avant les années 90. Moment où la présence de figures féminines s'est faite plus rare. L'universitaire suisse, Isabelle Collet, spécialisée dans les questions de genre, parle même d'un phénomène de "masculinisation de l'informatique".

"40 % des femmes quittent la tech car elles se sentent discriminées"

Encore aujourd'hui, les femmes sont sous-représentées dans le numérique, et notamment dans les écoles d'ingénieurs. C'est ce que nous explique Lucie Schweizer, vice-présidente entrepreneuriat et innovation à Digital Réunion : "Tout  est une question d'éducation : peu de femmes sont incitées à se diriger dans ce domaine, donc peu de femmes réalisent des études dans le numérique et rejoignent donc le monde du numérique". Et parmi celles qui empruntent la voie du digital, nombreuses sont celles qui finissent finalement par s'en éloigner. "Malheureusement, 40% des femmes quittent la tech, après seulement dix ans de carrière, car elles se sentent discriminées. Quand une femme arrive dans un univers très masculin empreint de codes très masculins, et qu'elle est la seule femme, elle devient le mouton noir". Aussi, "beaucoup de femmes développent le syndrome de l'imposteur et estiment qu'elles n'ont pas assez de compétences". 

Bien qu'encore timide, il est important de souligner que la proportion de femmes dans le numérique a quand même légèrement progressé ces dernières années : elle atteint 17% contre 12% en 2018, en France. Cela est en partie dû à l'effort pour favoriser la mixité dans les formations dans le numérique. Exemple concret en 2021, à La Réunion et du côté d'Epitech et Epita, deux écoles du numérique implantées sur l'île. Il y a deux ans, ces dernières se sont associées au programme Amazon Future Engineer, destiné à sensibiliser les enfants et étudiants aux opportunités du numérique et dont l'un des objectifs est de sensibiliser les femmes aux études et métiers de l'informatique et leur fournir l'accompagnement et le soutien nécessaire. 

"On féminise ces métiers et c'est important qu'elles le sachent"

Autre exemple d'opérations menées pour gonfler le nombre de femmes péi dans la tech : le Challenge Innovatech, porté par Ellesbougent Réunion, encadré par 14 marraines et réservé à 14 lycéennes et 14 étudiantes, qui se déroule aujourd'hui dès 9 heures. "En une journée, elles vont réfléchir à une problématique de la ville du futur et décider de plancher sur une solution pour la résoudre", détaille Hélène Casurzaa, co-déléguée d'Ellesbougent Réunion. "On va leur montrer que quand on est ingénieure, on est polyvalentes, cadre-t-elle. Les femmes peuvent avoir une vision moins stricte et dure des choses. Et la tech, les jeunes femmes y sont aussi confrontées en permanence. Tout pousse vers la technologie, on participe à  construire la société de demain quand on est dans le numérique. Alors pour cela, on les éduque et on les sensibilise." Selon Hélène Casurzaa, "on a très peu de filles par exemple dans la filière Sciences et technologies de l'industrie et du développement durable (STI2D), qui s'intéresse aux innovations technologiques dans le domaine, explique-t-elle. On a peut-être 15% de filles, grand maximum. Les disparités sont nombreuses par la suite. Il y a toujours des a priori de leur part de savoir si elles sont à leur place." C'est pourquoi, l'objectif de l'association est de promouvoir les sciences et les technologies auprès des jeunes filles. "Il y a des femmes qui, avant elles, sont présentes et font des métiers qu'on considère comme 'hommes', ajoute Hélène Casurzaa. On féminise ces métiers et c'est important qu'elles le sachent." 

Dossier réalisé par Jadine Labbe Pacheco et Pauline Benard


Les femmes et le digital

  • La population digitale réunionnaise se compose à 51,6% de femmes pour 48,4% d’hommes, avec 36 ans pour âge moyen.
  • Moins d'un salarié sur cinq dans la tech est une femme.
  • 40% des salariées quittent la tech car elles se sentent discriminées. 
  • Les femmes représentent 20% des salariés dans les emplois de technologie, selon les données du dernier rapport émis par Gender Scan 2022.

Digital au féminin : Un nouveau programme pour les jeunes réunionnaises

MENTORAT. Pour plus d’inclusion, Digital Réunion lance ce 8 mars 2023, le programme de mentorat "Digital au féminin". Porté par Lucie Schweizer, vice-présidente entrepreneuriat et innovation à Digital Réunion, l’idée est de "mettre en réseau les femmes qui travaillent et/ou entreprennent dans le secteur du numérique et de leur donner accès à un accompagnement et des conseils de qualité, transmis par des professionnels aguerris". Les objectifs sont multiples : Changer les mentalités pour favoriser l’inclusion des femmes dans le numérique, dépasser le plafond de verre en encourageant les femmes à assumer des rôles de leadership, gagner en confiance et promouvoir le partage de connaissances. Tout est parti d’un constat. "En France, seuls 20% des employés dans le numérique sont des femmes, cela pose problème… C’est un secteur ultra-dynamique, qui pèse lourd économiquement, qui est en pleine croissance et donc vecteur de pouvoir", souligne Lucie Schweizer. "Nous avons envie de faire bouger les choses". Ainsi, pendant neuf mois, chaque mentor suivra une jeune femme. Une période durant laquelle des échanges seront réguliers pour l’aider à "progresser dans sa carrière, à lancer son projet entrepreneurial ou trouver un nouvel emploi". Le programme s’adresse à celles qui travaillent déjà dans le numérique ou qui sont en reconversion professionnelle. Pour plus d’informations, rendez-vous sur digitalreunion.com 

Crédit photo : Bruno Dennemont

Noémie Vauldin, entre digital et environnemental

Au quotidien, Noémie Vauldin se pose toujours deux questions : comment peut-on remettre l'environnement au cœur du numérique et comment peut-on utiliser le numérique pour valoriser l'environnement ? "J'essaie toujours de trouver un équilibre entre le digital et l'environnemental", explique-t-elle. Alors qu'elle se prédestinait à une prépa scientifique, la lycéenne qu'elle était, découvre une formation proposée par l'Efrei, une école d'ingénieurs du numérique. Convaincue, elle décide d'envoyer sa candidature. Après avoir réussi le concours d'entrée, la Réunionnaise s'envole pour Villejuif. "Pendant mes études, j'étais très entourée d'énergies masculines : S'il pouvait y avoir 5 filles dans les classes de TD 40 élèves, c'était déjà beaucoup", sourit-elle aujourd'hui. 

Cinq ans plus tard, Noémie obtient son diplôme d'ingénieure en informatique, mais elle ne s'arrête pas là. "Je souhaitais obtenir une base technique afin de pouvoir la mettre au service de causes qui me parlent, notamment celle du développement durable", explique la jeune femme. C'est ainsi qu'elle obtient un diplôme de Management de l'environnement. Ses deux diplômes en main, Noémie retourne sur son île natale. Pendant deux ans, elle est d'abord salariée pour une entreprise de photovoltaïque. Après une longue série de questionnements et de remises en question, elle décide de se lancer dans l'entreprenariat. Elle fonde alors Fiainana afin de mettre en valeur "les projets ayant un impact positif", notamment à travers les réseaux sociaux. En parallèle, elle organise aussi des sessions d'accompagnement aux entreprises. "Je ne souhaite pas faire du digital pour faire du digital. Mon but est d'utiliser le digital à bon escient".  

Mirianne Dumon et ses multiples casquettes numériques

Codeuse, infographiste, graphic designer…Mirianne Dumon explore le digital dans tous ses recoins. Un univers dans lequel elle œuvre depuis l'avènement du web dans les années 1990, "alors que la plupart étaient encore au minitel". "J'ai tout de suite été passionnée par la technologie et je sentais qu'internet allait révolutionner la communication", raconte-t-elle. C'est pendant ses études en info-com multimédia qu'elle apprend à coder. "J'étais stagiaire dans une agence de web à Marseille et quand j'ai démarré, il n'y avait pas d'éditeur html, il fallait tout coder", se souvient-elle. Avant-gardiste, son sujet de mémoire porte sur le télétravail. Nous sommes en 1996. Quelques années plus tard, Mirianne, dont une partie de la famille est originaire de La Réunion, s'installe dans l'Est de l'île. 

Aujourd'hui, Mirianne Dumon travaille à son compte, pour son entreprise "Mimi la fouine". "Mon cœur de métier, c'est le web : le web offre une grande liberté et permet l'ouverture d'un nouveau marché". Pour cette entrepreneuse passionnée, le digital permet d'atteindre plus d'égalité entre les femmes et les hommes. "Tout d'abord, on peut travailler de n'importe où car il nous suffit d'avoir un ordinateur, donc on peut plus facilement organiser sa vie professionnelle et sa vie familiale, alors que d'autres doivent jongler entre les trajets domicile-travail, les sorties d'école, la nounou etc", relate-t-elle. "C'est aussi un domaine où les frontières n'existent plus donc plus les jeunes femmes apprendront à coder, plus elles auront la possibilité d'ouvrir La Réunion sur le monde". 

Pour inciter les jeunes à s'y diriger, elle suggère une meilleure communication autour des formations possibles. "Il faut rendre le métier attractif et la filière plus glamour”, indique-t-elle. “Encore aujourd'hui, il y a peu de femmes dans le web - même s'il y en a de plus en plus - et certains estiment que l'informatique est, par exemple, une chasse gardée. Or, pour travailler dans ce domaine, il suffit d'avoir de la logique : Que l'on soit une femme ou un homme, le métier est le même".

Anaelle Pony et le numérique, un hasard heureux

Le numérique s'est ouvert à elle en 2010, lors d'un stage de fin d'étude, à Paris. Issue d'une formation scientifique dans le Génie civil, Anaelle Pony ne s'était, jusqu'alors, jamais questionnée sur ce secteur aujourd'hui porteur. La Réunionnaise intègre ainsi une société d'édition de logiciels basée à Paris, et son histoire avec le numérique débute alors. "Je découvre les métiers du secteur, le développement de logiciels et, par ce biais-là, aux start-ups et à l'entreprenariat", raconte Anaelle Pony. À l'époque, ajoute-t-elle, "c'était aussi l'effervescence dans le milieu de la tech et des startups. C'était un hasard plutôt heureux pour moi." Car la jeune femme se prend de passion pour l'univers, la technologie, le codage et l'informatique, mais surtout, pour le métier de chef de produit dans les métiers du logiciel. "Cela me permet d'allier mes connaissances scientifiques et mes compétences dans le commerce", poursuit Anaelle Pony. Et de parler "aux geeks", rigole-t-elle. "Ils ont un langage qui leur est propre mais c'est le langage d'aujourd'hui et de demain selon moi. C'est la base de beaucoup d'outils." 

Anaelle Pony intègre le service de chef de produits, aux côtés de deux autres femmes. À l'étage d'en dessous, "chez les développeurs", pas un seul visage féminin ne détonne. "Au début, quand tu côtoies les développeurs, ils sont sur leurs gardes, sourit-elle. Il y a déjà des à priori et une méfiance sur les femmes qui arrivent dans ce milieu-là." Manque de compréhension, manque de compétences, un poids supplémentaire… "Je devais quand même comprendre comment fonctionnait le logiciel, dit Anaelle Pony. Alors j'ai mis les mains dans le cambouis et j'ai pu challenger ce qu'ils me proposaient. Ça les embêtait mais j'avais vraiment raison de le faire. Ce qui m'a sauvé dans ce milieu là, c'est mon background scientifique qui m'a aidé à comprendre leur langage et comment était construit le produit techniquement. Mais j'ai bien veillé à rester dans mon camp. C'était important."  Cinq ans plus tard, Anaelle Pony quittait la boîte parisienne pour retrouver son île. À son départ, "on avait atteint la quasi-parité en terme de chefs de produits et il commençait à voir des nanas en matière de développement, évoque-t-elle. Mais ça reste encore marginal. Ce ne sont pas des métiers vers lesquels les filles vont se tourner et c'est pour cela qu'il faut continuer à en parler. Le numérique est partout aujourd'hui et il faut désacraliser le métier de développeur. C'est important qu'elles s'y mettent parce que tous les métiers sont impactés il faut surfer sur la vague, et non pas la subir." 

À l'origine de Léon, l'application de guide touristique 100% réunionnaise qu'elle gère avec Eloise et Fabrice, Anaelle Pony estime d'ailleurs que plus les femmes seront nombreuses dans la tech, plus l'égalité entre les femmes et les hommes sera atteinte. "Aujourd'hui on a beaucoup d'outils développés par des hommes qui n'ont qu'une pensée spécifique, pour autant, les femmes peuvent très bien amener leur vision, plus large et plus égalitaire. On ne pourra pas y échapper et il faut qu'on anticipe les choses, sinon on risque de fermer plusieurs portes." Quoi qu'il en soit, "je ne cherche pas à ce que ce soit une bataille des genres dans ma boîte, avance Anaelle Pony. J'aime plutôt parler de féminin et de masculin en matière d'énergie, car on dégage tous une énergie féminine et masculine."


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