Qu’est-ce que la flexibilité ?

Contenu mis à jour le 07/12/2020

Cette page a été rédigée par 

la Commission de régulation de l'énergie.

1. Définition de la flexibilité

Pour le système électrique, la flexibilité est la capacité d’un moyen de production, de consommation ou de stockage à modifier sa courbe d’injection ou de soutirage[1] à la demande. Ces moyens flexibles sont indispensables pour assurer le bon fonctionnement du système électrique dont un des besoins fondamentaux est le maintien à tout instant de l’équilibre entre les injections d’électricité et les soutirages.

1.1. La flexibilité de la production

La production est historiquement le premier levier de flexibilité du système électrique. La flexibilité de la production désigne la capacité d’un moyen de production à modifier son programme d’injection en réponse à un besoin de RTE ou d’un signal du marché. Tous les moyens de production n’ont pas les mêmes capacités à moduler leur production. Les moyens de production dits « pilotables » comme les centrales thermiques (gaz, fioul, charbon), les centrales nucléaires et une partie des centrales hydroélectriques ont la possibilité de moduler leur production dans une certaine plage de puissance pour répondre au besoin moyennant certaines contraintes techniques de disponibilité, de temps d’allumage et de vitesse de modulation et des coûts associés qui varient fortement d’une filière à l’autre. Ces moyens de production peuvent donc participer activement à l’équilibre entre les injections et les soutirages dans la limite de leurs contraintes techniques.

Inversement, pour d’autres moyens de production la quantité d’électricité produite dépend de facteurs externes. C’est le cas de la production éolienne, de la production photovoltaïque ou encore d’une partie de la production hydroélectrique. Si la production peut être estimée à l’avance grâce à des prévisions et est généralement maximisée, elle ne pourra pas être modulée à la hausse en cas de besoin. Ces moyens de production disposent cependant d’une flexibilité à la baisse pour résoudre des problèmes de congestions locales ou en cas d’un déséquilibre positif entre les injections et le soutirage.

1.2. La flexibilité de la demande

Les consommateurs peuvent également participer à l’équilibre du système électrique en modifiant intentionnellement leur consommation, c’est ce qu’on appelle « la flexibilité de la demande ». Cette modification de la consommation, intentionnelle, fait suite à un signal externe (signal tarifaire, sollicitation d’un opérateur d’effacement ou de RTE). Elle n’est donc pas à confondre avec les variations récurrentes de la consommation électrique du site. Lorsque la consommation électrique est intentionnellement diminuée, on parle alors d’effacements.

Aujourd’hui la majorité de la flexibilité de la demande est assurée par de gros industriels qui peuvent générer une capacité de modulation de la consommation importante. Mais les consommateurs plus petits y participent également.

2. Les besoins de flexibilité

2.1. L’équilibrage du système électrique

L’un des besoins fondamentaux pour le bon fonctionnement du système électrique est d’assurer en permanence l’équilibre entre les injections et les soutirages. En effet, tout déséquilibre a un impact immédiat sur la fréquence du réseau interconnecté d’Europe continentale. Or, tous les équipements connectés au réseau électrique, qu’il s’agisse de moyen de production ou de consommation, sont prévus pour fonctionner à la fréquence d’équilibre du réseau européen, c’est-à-dire à 50 Hz. Si la fréquence du réseau s’éloigne trop fortement de la fréquence d’équilibre, cela peut remettre en cause la sécurité d’approvisionnement électrique.

L’équilibre P=C (Source : CRE)

Le maintien de l’équilibrage est assuré in fine par RTE en temps réel. Mais RTE ne pourrait pas garantir la stabilité du système électrique sans une série de processus démarrant bien avant le temps réel et permettant à RTE de s’assurer que le déséquilibre restera dans des marges raisonnables.

2.1.1. Les prix de marché, à toutes les échelles de temps, jouent un rôle majeur dans la mobilisation efficace des moyens nécessaires à l’équilibre du système électrique

Le bon fonctionnement du système électrique repose sur l’équilibre entre l’offre et la demande d’électricité, principalement permis par la rencontre des offreurs et demandeurs sur le marché de gros de l’électricité. Les producteurs et les fournisseurs d’électricité réalisent des prévisions et vendent ou achètent l’énergie qu’ils prévoient de produire ou d’avoir besoin à différents horizons de temps : de plusieurs années jusqu’à une heure avant l’échéance. Les prix de marchés adressent des signaux à l’ensemble des acteurs permettant d’assurer cet équilibre. Des prix de marchés élevés peuvent inciter des consommateurs à réduire leurs usages de l’électricité lorsqu’ils en retirent une utilité inférieure, et inciter des centrales pilotables à produire plus d’électricité lorsque les prix de marché couvrent leurs coûts marginaux. Réciproquement, des prix de marché faibles incitent à utiliser ou stocker l’énergie et à réduire les productions coûteuses ou polluantes. Les prix de marché conduisent également à utiliser la flexibilité des systèmes de stockages, incités à soutirer l’électricité peu onéreuse pour la revendre à un prix plus élevé.

2.1.2. Le mécanisme de capacité : une sécurisation complémentaire à long terme

À long terme, le mécanisme de capacité complète les signaux de prix de marché pour garantir la sécurité de l’approvisionnement électrique en attestant qu’il y aura suffisamment de capacités de production et d’effacement disponibles pour assurer l’équilibre entre l’injection et le soutirage au moment de la pointe de consommation annuelle. En pratique, chaque responsable d’équilibre doit être en mesure de prouver à RTE qu’il dispose de suffisamment de capacités pour assurer l’alimentation en électricité de son périmètre lors des jours de fortes consommations (10 à 15 jours par an dits jours PP1). Les responsables d’équilibre ont la possibilité pour cela d’acheter des certificats de capacités à des producteurs ou à des opérateurs d’effacements qui s’engagent, en contrepartie, à rendre disponible la capacité vendue lors des jours de pic de consommation (10 à 25 jours par an dits jours PP2, tous les jours PP1 sont également des jours PP2). Ce mécanisme permet d’assurer la sécurisation de l’approvisionnement électrique annuel tout en garantissant une rémunération aux producteurs et aux agrégateurs d’effacement même s’ils ne sont pas activés, ce qui contribue au maintien de capacités peu utilisées mais indispensables pour assurer l’équilibre long terme entre les injections et les soutirages en période de pointe de consommation.

2.1.3. L’équilibre des périmètres par les acteurs

Les responsables d’équilibre sont incités financièrement à équilibrer leur périmètre d’équilibre, c’est-à-dire leur périmètre prévisionnel entre leurs entrées (injections, achat d’énergie) et leurs sorties (soutirages, vente d’énergie) sur un pas de temps donné. Ce pas est défini à la demi-heure en France et devrait être réduit au quart d’heure d’ici le 1er janvier 2025. Pour ce faire, les responsables d’équilibres ont la possibilité de moduler la puissance de leurs groupes de production ou les soutirages de leurs consommateurs, ou bien d’échanger de l’énergie sur les marchés jusqu’à une heure avant l’échéance. En cas de déséquilibre constaté ex post, les responsables d’équilibre règlent leurs écarts en énergie au prix d’équilibrage, qui représente le prix des actions qui ont permis de résorber ces écarts (cf partie 1.2.1.3).

Les premiers échanges d’énergie peuvent avoir lieu plusieurs années avant l’échéance. C’est ce qu’on appelle l’échange d’électricité « à terme » (c’est-à-dire vendue dans les semaines, mois, trimestres ou années avant l’échéance). Ce type d’échange permet aux responsables d’équilibre d’ajuster leur équilibre au fur et à mesure que l’échéance se rapproche et que les prévisions deviennent plus fiables, en échangeant des produits dont le prix est généralement moins volatil que le marché spot (marché J-1).

Le dernier guichet d’échanges avec une liquidité importante a lieu en J-1 (la veille de la journée de livraison) et permet de confronter la production et la consommation prévisionnelles sur le marché spot pour chaque heure du jour suivant afin d’établir un prix d’équilibre entre les deux. Ce prix reflète l’état de tension du système électrique et va permettre de sélectionner les moyens flexibles qui produiront le lendemain en fonction de leur coût variable, c’est ce qu’on appelle le merit order[2]. Le marché spot est un marché européen. Ainsi, dans la limite des capacités d’interconnexions des pays, le marché spot permet à des moyens de production français de vendre de l’électricité dans d’autres pays européens si celle-ci est compétitive et vice-versa.

A plus court terme, en infra-journalier, les acteurs ont la possibilité d’ajuster leur périmètre jusqu’à une heure avant le temps réel. Cela permet aux acteurs de se couvrir en cas de prévisions de consommation ou de production renouvelable éloignées de la réalité ou en cas d’aléas sur un groupe de production. Il existe également un marché européen pour ces échanges, via la plateforme « XBID ».

Tout au long de la fenêtre opérationnelle des acteurs, les capacités flexibles (de production ou de consommation), en conjonction avec les échanges sur les marchés, vont permettre aux acteurs d’équilibrer leur périmètre après la prise en compte de la consommation et de la production non pilotable.

2.1.4. La gestion de l’équilibrage par RTE

À partir d’une heure avant la livraison physique, les acteurs ne peuvent plus prendre d’actions volontaires qui modifient leur périmètre d’équilibre. C’est RTE qui reprend la main pour assurer l’équilibre entre les injections et les soutirages à la maille française en prenant en compte les flux prévus aux interconnexions et les pertes sur le réseau. Pour maintenir l’équilibre, RTE dispose de réserves dont une partie est contractualisée (c’est-à-dire sanctuarisée en amont du temps réel et ne pouvant plus participer aux marchés de l’énergie aux échéances précédentes) pour assurer un volume disponible suffisant. Ces réserves sont constituées de moyens flexibles aux caractéristiques définies qui permettent à RTE de rétablir l’équilibre en moins de 15 minutes en cas d’aléas. Il existe trois type de réserves différentes : les réserves primaire, secondaire et tertiaire. Les réserves primaire et secondaire (appelées aussi « services système fréquence ») sont des réserves automatiques et contractualisées en amont du marché spot, qui sont activables en quelques secondes à quelques minutes. Ce sont des réserves dites « symétriques » c’est-à-dire qu’elles ont la possibilité d’augmenter ou de diminuer la quantité d’injection par rapport au soutirage. Les réserves tertiaires sont quant à elles activées manuellement par RTE. Un volume minimal de réserves tertiaires activables à la hausse (c’est-à-dire dans le sens d’une augmentation de la quantité d’injection par rapport au soutirage) est contractualisé par RTE, mais tout acteur qui a de la flexibilité disponible peut la proposer à RTE via le mécanisme d’ajustement. Le temps d’activation de ces réserves est plus long (de 15 à 30 minutes selon leurs caractéristiques). Elles ont pour objectif de résoudre des déséquilibres prévus par RTE ou d’assister puis de remplacer la réserve secondaire lorsqu’elle a été activée pendant une longue période. Le coût des actions d’équilibrage automatiques et manuelles réalisées par RTE pour assurer l’équilibre entre l’offre et la demande est refacturé a posteriori aux responsables d’équilibre en déséquilibre.

2.2. La gestion de congestions locales

Si l’équilibre global entre offre et demande a un rôle primordial pour le bon fonctionnement du système électrique, les réseaux de transport et de distribution d’électricité peuvent voir apparaître des contraintes du fait des injections et des soutirages et de leur localisation. Pour éviter l’apparition de ces contraintes locales, les gestionnaires de réseaux réalisent en général des investissements permettant de renforcer les réseaux. Dans certains cas, il peut être plus économique de faire appel à des flexibilités locales, c’est-à-dire de contrôler temporairement l’injection ou le soutirage de certains sites dans la zone concernée par les contraintes, pour repousser dans le temps, voire éviter, les investissements.

Plusieurs cadres ont déjà été définis ou sont en cours de développement pour la mise en œuvre des flexibilités locales, tels que des ajustements automatiques de la production ou de la consommation, ou encore la contractualisation de limitations préventives ou curatives de production ou de consommation au moment du raccordement. A terme, de véritables marchés locaux de flexibilité devront être mis en place, de manière coordonnée, par les gestionnaires de réseau de transport et de distribution, pour mobiliser selon une logique d’efficacité économique les ressources de flexibilité existantes ou potentielles dans les zones concernées. D’ores et déjà, les gestionnaires de réseau publient leurs besoins de flexibilité locale, première étape indispensable à l’émergence de ces marchés locaux.

(1) L’injection d’électricité est assurée soit pour des moyens de production d’électricité soit par des capacités de stockage en période de décharge. Le soutirage d’électricité correspond à la consommation d’électricité des consommateurs ou des moyens de stockage en période de charge.
(2) Le merit order ou préséance économique consiste à faire appel aux moyens de production, au fur et à, mesure selon leur coûts marginaux croissants.

Le besoin en flexibilité est croissant