Le prêt garanti par l’Etat, comment ça marche ?

Par Juliette Raynal  |   |  1375  mots
Le prêt garanti par l'Etat, ou PGE, a été mis en place grâce à la coordination du ministère de l'Economie et des Finances, de la Fédération bancaire française (FBF) et de Bpifrance, qui a monté une plateforme en ligne dédiée en 72 heures.
Tous les réseaux bancaires de France commercialiseront dès mercredi le Prêt garanti par l’Etat (PGE), mis en place en urgence pour venir en aide à toutes les entreprises confrontées à des enjeux de trésorerie liés à la crise du coronavirus. Voici ce qu’il faut savoir sur son fonctionnement.

Dès demain toutes les entreprises, à quelques exceptions près, pourront solliciter leur banquier pour souscrire un Prêt garanti par l'Etat ou PGE. Cela fait suite à la promesse du président de la République, le 16 mars dernier, de garantir des prêts bancaires accordés aux entreprises à hauteur de 300 milliards d'euros pour éviter des faillites dues à la crise économique provoquée par l'épidémie du coronavirus Covid-19.

Ce dispositif encore inédit dans l'Union européenne, mais que d'autres pays pourraient mettre également en place, permet aux banques de pouvoir octroyer, avec un maximum de sécurité, ces prêts aux entreprises confrontées à des enjeux de trésorerie.

Ce mardi, la direction générale du Trésor, Bpifrance et la Fédération bancaire française (FBF) ont détaillé à la presse les modalités de ce système de garantie publique de masse, monté en quelques jours. Voici les principales informations à retenir sur son fonctionnement.

A qui s'adresse-t-il ?

Ce prêt s'adresse à tous types d'entreprise, de l'artisan jusqu'à la grande entreprise en passant par les professions libérales, les exploitants agricoles, les micro entrepreneurs, et même les associations et fondations. Seules les sociétés civiles immobilières, les établissements de crédit et les sociétés de financement n'y ont pas accès. Une autre exception concerne les entreprises ne respectant pas les délais de paiement. Ces dernières ne pourront pas bénéficier de la garantie de l'Etat, a précisé le ministre de l'Economie et des Finances Bruno Le Maire, lors d'une précédente conférence de presse.

Quelle est la nature de ce prêt et quel est son montant ?

Le prêt garanti par l'Etat est un prêt de trésorerie d'un an. Ce prêt de trésorerie pourra couvrir jusqu'à trois mois de chiffre d'affaires, soit un quart du chiffre d'affaires annuel. "Ce dispositif s'inscrit dans le pont aérien de cash que nous avons déployé pour que l'entrepreneur puisse avoir, en prêt, l'équivalent de trois mois de chiffre d'affaires, qu'il n'a pas pu réaliser", résume Nicolas Dufourcq, le patron de Bpifrance. Les entreprises souhaitant emprunter moins que trois mois de chiffre d'affaires en auront la possibilité.

Pour les jeunes pousses innovantes, qui n'ont souvent pas, ou très peu, de chiffre d'affaires, un autre critère est retenu. Le prêt pourra ainsi couvrir jusqu'à deux années de masse salariale, hors cotisations patronales. "Les start-up ne sont pas les oubliées du système", a ainsi souligné Nicolas Dufourcq. Ce plafond est également retenu pour les entreprises créées depuis le 1er janvier 2019.

Quelle est la hauteur de la garantie de l'Etat ?

Le prêt bénéficie d'une garantie de l'Etat à hauteur de 70 à 90%, selon la taille de l'entreprise. Les banques conservent ainsi une part du risque associé, mais celle-ci est minimisée pour les inciter à prêter. Dans les détails, les entreprises ayant moins de 5.000 salariés et faisant moins de 1,5 milliard d'euros de chiffre d'affaires bénéficieront d'une garantie de l'Etat de 90%.

Celles qui comptent plus de 5.000 salariés et qui réalisent plus d'1,5 milliard d'euros de chiffre d'affaires pourront bénéficier d'une garantie publique de 80%. Ce pourcentage descend à 70% pour les entreprises ayant un chiffre d'affaires supérieur à 5 milliards d'euros. La garantie est donc plus faible pour les plus grandes entreprises.

Quelles sont les modalités de remboursement ?

Le système se veut le plus accommodant possible pour les entreprises. Aucun remboursement ne sera exigé la première année. Ensuite, l'entreprise pourra décider, à l'issue des douze premiers mois, d'amortir le prêt sur une durée de 1, 2, 3, 4 ou 5 années supplémentaires. "Pas question de créer un autre mur pour l'entreprise", a souligné Sébastien Raspiller, à la direction générale du Trésor.

Combien ce prêt coûtera à l'entreprise ?

"Les banques ne feront pas de marge sur ces prêts", a assuré Frédéric Oudéa, le président de la Fédération bancaire française (FBF) et directeur général de Société Générale. "Actuellement, le coût de financement pour les établissements bancaires sans marge est proche de zéro", a-t-il poursuivi. L'entreprise emprunteuse devra néanmoins s'acquitter du coût de la garantie à la fin de la première année. Deux exemples ont été cités. Le coût total du prêt avec la garantie pour un artisan réalisant 600.000 euros de chiffre d'affaires hors taxe et empruntant 150.000 euros s'élèverait ainsi à 375 euros environ la première année. Pour une entreprise avec un chiffre d'affaires de 10 millions d'euros hors taxe et empruntant 2,5 millions d'euros, cela lui coûterait environ 6.250 euros la première année.

Quelle est la démarche à suivre pour obtenir ce prêt ?

On peut distinguer deux parcours différents. L'un pour les petites entreprises, qui se veut "industrialisé" et l'autre pour les plus grandes, où la règle du cas par cas s'appliquera.

Les plus petites entreprises, dont le chiffre d'affaires est inférieur à 1,5 milliard d'euros, sont invitées à prendre contact avec leur banquier habituel, à distance dans un premier temps, par mesure de précaution sanitaire. Ce contact préalable avec le conseiller permet d'organiser un rendez-vous. Le conseiller analyse le dossier et détermine avec l'entreprise le montant et le taux d'intérêt du prêt. Après avoir obtenu ce pré-accord de la banque, l'entreprise doit se rendre sur une plateforme en ligne dédiée, mise en place par Bpifrance. L'entreprise doit alors renseigner un certain nombre d'informations: date de création, numéro Siret, montant du chiffre d'affaires et montage financier (montant et taux d'intérêt) convenu avec la banque. "Attention, une fois ces informations renseignées dans le formulaire de Bpifrance, il ne sera plus possible de les changer", prévient Nicolas Dufourcq. L'entreprise peut ensuite télécharger son attestation et obtenir un numéro d'identification unique qu'elle devra fournir à sa banque, qui pourra alors décaisser le crédit.

Les grandes entreprises (plus de 5.000 salariés ou un chiffre d'affaires supérieur à 1,5 milliard d'euros) qui présentent une perte de chiffre d'affaires due à la crise sanitaire pourront également se tourner vers leur banque pour solliciter ce prêt garanti par l'Etat. Une instruction du dossier sera ensuite réalisée par les équipes de la direction générale du Trésor avec l'appui de Bpifrance. Le dossier doit être envoyé à l'adresse suivant : garantie.etat.grandesentreprises@bpifrance.fr. L'Etat précise n'avoir établi aucun secteur prioritaire concernant les PGE accordés aux grandes entreprises.

Une entreprise peut-elle cumuler plusieurs PGE ?

Non, d'où la création d'un numéro d'identification unique. En revanche, une entreprise peut cumuler un PGE et un prêt sans garantie proposée par Bpifrance. La Banque publique d'investissement a récemment mis en place des prêts sans garantie de 3 à 5 ans, de 10.000 euros à plusieurs dizaines de millions d'euros. Ces prêts sont assortis d'un différé de remboursement du capital.

Que faire si la banque refuse d'octroyer ce prêt ?

Dans le cas où la banque refuserait d'octroyer un PGE, l'entreprise peut se tourner vers la médiation du crédit, organisme logé au sein de la Banque de France.

Sur quelle période le PGE sera commercialisé ?

Ce prêt sera commercialisé dès demain, le mercredi 25 mars, dans tous les réseaux bancaires et ce jusqu'à la fin de l'année 2020.

Les conseillers bancaires pourront-ils absorber toutes les demandes ?

"J'invite tous les chefs d'entreprise à faire preuve de patience. Nous allons faire face à un volume d'appels considérables durant les premiers jours et nos banques, elles-mêmes, sont affectées par le virus ainsi que leurs salariés", a reconnu Frédéric Oudéa, avant de saluer la forte mobilisation des équipes sur le terrain. Le patron de la FBF a toutefois précisé que les conseillers en centres d'affaires et en agences de proximité avaient été formés au cours des derniers jours. Les entreprises clientes, elles sont invitées à éviter, si elles le peuvent, de concentrer leurs demandes dans les premiers jours de commercialisation.