Total en Ouganda : « Il y a quelque chose d’obscène dans ce projet Eacop », dénonce Pierre Larrouturou

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Vidéo  Impact sur l’environnement, atteintes aux libertés fondamentales… Après son déplacement en Ouganda, le député européen Pierre Larrouturou explique pourquoi il veut faire stopper le projet de pipeline Eacop porté par Total.

Des ONG ont alerté Pierre Larrouturou (Nouvelle Donne) sur les ravages provoqués par le projet d’extraction d’hydrocarbures Eacop, porté par TotalEnergies en Ouganda. Le député européen a décidé d’aller voir sur place. Une première délégation avait été empêchée d’entrer dans le pays, dirigé d’une main de fer par Yoweri Museveni : c’est donc en « touristes » que quatre eurodéputés s’y sont rendus. Ils sont restés neuf jours et ce qu’ils ont vu sur place les a profondément choqués. Comme il s’en explique à « l’Obs », Pierre Larrouturou juge scandaleux ce projet défendu bec et ongles par le patron de TotalEnergies, Patrick Pouyanné.

Comment les Ougandais vivent-ils le début du chantier de Total ?

Lors de mon déplacement en Ouganda, j’ai rencontré une famille de paysans qui, depuis plus de cinq ans, ne peut plus utiliser ses terres à cause du projet de pipeline de Total. C’est là où ils vivent que Total veut construire l’usine qui va séparer le pétrole, le gaz et l’eau. Mais Total n’a pas donné suffisamment d’argent pour que cette famille puisse obtenir une même surface ailleurs. Ils n’ont plus de quoi se nourrir. Ils ne peuvent plus envoyer leurs filles à l’école parce que l’école est payante en Ouganda alors, quand il n’y a plus de quoi manger normalement, payer l’école, ce n’est pas possible. Pour retrouver une vie normale, il manque 1 600 euros à ces paysans. Et Patrick Pouyanné, le patron de Total, n’est pas capable de mettre 1 600 euros… Je vous rappelle que TotalEnergies a fait 13 milliards de bénéfices l’an dernier et encore 13 milliards rien que pour les deux premiers trimestres de 2022, mais pas de quoi donner de l’argent à ces familles ougandaises. Il y a quelque chose d’obscène.

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Pourquoi jugez-vous scandaleuse la construction de ce pipeline ?

Ce pipeline Eacop est scandaleux pour au moins trois raisons. Premièrement, les conditions dans lesquelles il se fait : ce sont plus de 110 000 personnes qui vont être impactées le long de son trajet en Ouganda et en Tanzanie, essentiellement des paysans qui n’ont plus le droit de cultiver leurs terres. Un autre élément scandaleux, ce sont les atteintes aux libertés fondamentales que le Parlement européen a dénoncées. Plus de cinquante associations ont été fermées par le gouvernement ougandais parce qu’elles s’opposaient à Eacop ou tout simplement parce qu’elles demandaient la justice pour les personnes concernées.

Le troisième scandale, ce sont les atteintes à la biodiversité. Total a commencé les travaux. Ils veulent faire les premiers forages avant Noël dans le plus ancien parc naturel d’Ouganda. Nous y avons vu des girafes, des troupeaux d’éléphants et c’est à cet endroit que Total a commencé a tout détruire avec ses engins.

Est-il possible de contraindre Total à abandonner ce projet ?

TotalEnergies s’obstine avec ce pipeline alors que même l’Agence internationale de l’Energie dit qu’il n’y a pas besoin de nouveaux forages de gaz et de pétrole. Je pense qu’il faut les stopper. C’est ce que dit la résolution votée par le Parlement européen le 15 septembre. La pétition en ligne Stop Total en Ouganda réunit déjà plus de 22 000 signatures.

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Il y a déjà 20 banques qui ne veulent pas financer ce projet, 11 sociétés d’assurance refusent de l’assurer mais, malgré tout, Patrick Pouyanné s’obstine et il a, hélas, le soutien du Crédit agricole et d’Amundi. Le premier actionnaire de Total, c’est Amundi, qui est une filiale du Crédit agricole. Officiellement, les gens d’Amundi vous disent que leur priorité c’est le climat, mais comment peuvent-ils affirmer ça et accepter ce projet catastrophique ? Les gens de chez Total sont furieux et le dictateur Museveni n’est vraiment pas content, mais nous demandons clairement au Crédit agricole et à Amundi de mettre en œuvre les décisions du Parlement européen.

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Si Total renonce, une autre entreprise ne risque-t-elle pas de prendre la place ?

Le 12 octobre, il y a eu un procès. Total était devant la justice française à cause de la loi sur le devoir de vigilance. Une grande entreprise française ne peut pas faire en Ouganda ce qu’elle n’aurait pas le droit de faire en France. En France, ce pipeline ne pourrait pas se faire et des travaux dans des conditions humaines aussi terribles seraient impossibles. Puisque la loi sur le devoir de vigilance dit qu’une entreprise française ne peut pas faire en Ouganda ou en Tanzanie ce qu’elle n’aurait pas le droit de faire en France ou en Allemagne, eh bien cette loi s’applique aussi à Amundi et au Crédit agricole qui devraient prendre leurs responsabilités.

Il y a eu beaucoup de discours ces dernières années sur un nouveau partenariat entre l’Europe et l’Afrique mais il est temps de donner un contenu concret à ce partenariat. Si on demande à l’Ouganda de renoncer à son pétrole alors que ce pays a besoin d’argent pour l’éducation et l’électricité, il faut qu’on mette de l’argent sur la table. C’est pourquoi j’ai rencontré plusieurs commissaires européens. S’il faut trouver 400 millions d’euros chaque année en échange du fait que l’Ouganda n’utilise pas son pétrole, on devrait pouvoir y arriver. C’est l’enjeu. Ce n’est pas facile mais si on ne négocie pas avec l’Ouganda, ce sont les Chinois ou les Russes qui le feront et ce ne sera pas forcément mieux.

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