POLITIQUE - Il était très attendu. Le discours d’Édouard Philippe à l’Assemblée nationale ce mardi 28 avril 2020 restera dans les annales de l’Histoire comme celui qui a ouvert la voie au déconfinement “progressif du pays”, dès le 11 mai, comme l’avait annoncé le chef de l’État, Emmanuel Macron, lors de son allocution télévisée le 13 avril.
Pendant plus d’une heure, devant 75 députés réunis pour respecter les barrières de sécurité, le Premier ministre a offert un discours clair et précis sur les principaux secteurs concernés par la réouverture le 11 mai, soit huit semaines après un confinement historique pour l’ensemble du pays.
“Ligne de crête”
“Voilà donc le moment où nous devons dire à la France comment notre vie va reprendre”, a lancé, dès le début de son discours, Édouard Philippe, solennel, depuis la tribune de l’hémicycle. “Nous savons par l’intuition ou par l’expérience qu’un confinement prolongé aurait pour la nation des conséquences gravissimes”, comme “un écroulement”, a-t-il justifié en pesant ses mots.
Et de citer pêle-mêle parmi ces “risques” de non-reprise, l’économie, la scolarisation à distance, la fermeture des frontières ou la vie sociale. Autant de champs qu’il s’est attaché à détailler et qui seront “concertés” avec les acteurs locaux, maires et préfets dès le 29 avril, partenaires sociaux le 30 avril. ”Un peu trop insouciance et c’est l’épidémie qui repart ; un peu trop de prudence et c’est l’économie qui s’enfonce”, a-t-il résumé, de façon quasi-poétique pour expliquer la “ligne de crête” qu’il entend tenir en partenariat avec les Français, sur qui il compte s’appuyer pour mener à bien cette première phase du déconfinement qui doit durer jusqu’au 2 juin et qui pourra être remise en question “disons le 7 mai” si les chiffres d’admission à l’hôpital n’étaient pas bons.
Port du masque généralisé
Première chose à respecter, tous secteurs confondus: les gestes barrières. Ceux-ci ne devront pas s’interrompre à partir du 11 mai. Autre sujet d’importance, les départements seront classés par couleur, vert pour les cas où la propagation du virus diminue, rouge pour les cas où il augmente avec autant de règles différenciées et adaptées localement. Ces couleurs seront revues et annoncées chaque semaine par le ministère de la Santé à l’aide d’une carte.
Le port du masque sera recommandé dans l’espace public et même rendu obligatoire dans certains cas: les collégiens, les enseignants, les personnels de la petite enfance et pour tous les usagers des transports en commun ou des taxis et VTC qui ne sont pas équipés de vitre de plexiglas. Les commerçants pourront également imposer ce port à leurs clients.
Les écoles reprendront de manière progressive, là encore pour limiter la propagation du virus. Maternelles et écoles élémentaires en premier, “sur la base du volontariat” et avec un nombre d’élèves limités à 15, 10 enfants dans les crèches. Pour les lycées, décisions sera prise à la fin mai. Les entreprises devront elles aussi s’attacher à protéger leurs salariés avec un espace raisonnable, le port du masque et des horaires décalés pour ceux qui ne pourraient pas faire de télétravail. Le premier ministre a exhorté les chefs d’entreprise à le prolonger “au moins dans les trois prochaines semaines”, c’est-à-dire au-delà du 11 mai.
“Tous les commerces peuvent rouvrir sauf les bars et restaurants”
Comme on s’y attendait, “tous les commerces pourront rouvrir” si la sécurité de tous est assurée, sauf les bars, cafés et restaurants dont la décision d’une ouverture possible en juin sera annoncée à la fin du mois de mai.
Le déconfinement “progressif” est valable aussi pour la vie sociale. S’il n’y aura plus besoin d’attestation de sortie, les déplacements à plus de 100 km sont interdits, sauf pour motif impérieux, familial ou professionnel avec attestations. Les aînés sont invités à respecter les consignes de la période du confinement, mais sans surveillance particulière.
Pour les activités sportives et culturelles même principe: “les petits musées” pourront rouvrir, pas les plus importants. Les joggeurs pourront dépasser 1 km, mais pas faire de “sports collectifs” ou “de contact”. Les parcs et jardins pourront rouvrir, mais seulement dans “les départements verts”. Quant aux lieux de culte, ils seront “ouverts” (comme les cimetières), mais sans cérémonie.
“Discipline”
Un déconfinement prudent donc, qui repose sur “le civisme des Français”, a insisté le Premier ministre. “Aucun plan, aucune mesure d’urgence ne permettront d’endiguer cette épidémie si les Français n’y croient pas”, a jugé Édouard Philippe.
Là encore, le locataire de Matignon a prévenu: “Si, à l’approche du 11 mai, disons le 7 mai, le nombre de cas journaliers n’est pas dans la fourchette prévue, alors nous devrons en tirer les conséquences”. Le confinement pourrait alors être prolongé ou cette première phase de déconfinement être plus progressive encore. “Peut-être que les comportements se relâchent un peu”, constate le Premier ministre avant d’inviter les Français ”à la plus grande discipline” aux vues “des incertitudes”.
Il a conclu son discours en s’appuyant sur le premier qu’il avait prononcé à cette même tribune en 2017, lors de sa déclaration de politique générale où il citait déjà une “qualité antique”, la vertu. La définissant comme celle du “courage” et de la “rectitude”, il en a conclu: “J’étais loin d’imaginer qu’elle serait essentielle pour l’avenir de la France et de nos enfants”.
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