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Dans la région syrienne d’Idlib, « on approche du point de rupture »

La cadence de l’exode s’est accélérée ces deux dernières semaines en raison de l’avancée des troupes du régime dans le nord de la Syrie.

Par  (Beyrouth, correspondant)

Publié le 13 février 2020 à 11h20, modifié le 13 février 2020 à 20h41

Temps de Lecture 3 min.

Une famille syrienne fuit les attaques des forces pro-régime dans la ville d’Abin Semaan, dans le nord du pays, le 12 février.

Idlib, la plaie béante du Nord-Ouest syrien, n’en finit pas de saigner. Soumise depuis un an et demi aux coups de boutoir du régime syrien et de son allié russe, cette région, dernier fief de l’insurrection, est le théâtre d’une crise humanitaire aux proportions dantesques. « Il s’agit du plus grand déplacement de la pire guerre de notre génération », s’est ému mercredi 12 février le chef du Norwegian Refugee Council, Jan Egeland.

Les bombardements auxquels ce territoire est soumis, à des degrés divers, depuis l’automne 2018, se sont intensifiés au mois de décembre 2019. Ce déluge de bombes et d’obus a jeté 800 000 personnes sur les routes selon l’ONU, soit plus d’un habitant sur quatre de la poche rebelle, contrôlée par le groupe djihadiste Hayat Tahrir Al-Cham. La cadence de l’exode s’est accélérée ces deux dernières semaines, en raison de l’avancée des troupes loyalistes, qui ont récupéré le contrôle de l’autoroute M5, un axe stratégique, reliant Damas à Alep.

Lire le  point sur la situation : Article réservé à nos abonnés Sur la défensive militairement en Syrie, la Turquie menace l’armée d’Assad et la Russie

Les images tournées par les rares ONG qui opèrent encore dans la région montrent des files de véhicules, roulant au pas, à perte de vue, le toit couvert de matelas, de couvertures et de tapis. Les camps de tentes aménagés le long de la frontière turque étant surpeuplés depuis longtemps, les nouveaux déplacés n’ont pas d’autre choix que de dormir dans leur voiture ou leur camion, ou bien, pour ceux qui ont encore un peu d’argent, dans une habitation de fortune, louée à prix d’or.

« Il n’y a pas de mots pour décrire ce que l’on vit, témoigne Souhaïb Assoufi, un jeune père de famille, joint par WhatsApp dans la ville d’Idlib. J’ai été obligé de fuir la répression du régime à déjà quatre reprises depuis 2011. Je me prépare pour mon cinquième déplacement forcé. Ce sera le plus dur. On manque d’argent, de médicaments et de nourriture. J’en suis à rêver de trouver une place dans une tente. »

« Le régime détruit tout »

L’hiver glacial qui s’est abattu sur la province d’Idlib, avec un thermomètre descendant jusqu’à – 11 °C, de la neige par endroits et de violentes bourrasques de vent, ajoute au calvaire des Syriens. Pour se réchauffer, les rescapés de la guerre font flamber tout ce qui leur tombe sous la main, pneus, habits ou sacs plastique. Des gestes désespérés qui ont coûté la vie à quatre membres d’une même famille, lundi, dans un camp des environs de Killi, au nord d’Idlib. Selon une source sur place, le père, son épouse et leurs deux enfants sont morts par suffocation, dans leur sommeil, après avoir brûlé des morceaux de charbon sous leur tente.

Les raids aériens et les tirs d’artillerie sur la région ont causé la mort d’environ 200 civils depuis le début de l’année, selon l’ONU. Le 3 février, neuf passagers d’une camionnette circulant dans l’ouest d’Alep, dont trois femmes et quatre enfants, ont été tués lors d’une frappe. D’après les décomptes de l’Organisation mondiale de la santé, 72 hôpitaux, cliniques et dispensaires ont dû suspendre leurs activités depuis décembre, soit après avoir été pris pour cibles, soit de peur de l’être.

« Le régime détruit tout ce qui peut nous aider à continuer à vivre, s’insurge Nagib Bakour, un responsable des casques blancs, l’organisation de secouristes qui opèrent dans les secteurs tenus par la rébellion. Nous essayons autant que nous pouvons de soutenir la population, mais nous avons le sentiment que le monde entier nous a abandonnés. »

Un responsable humanitaire occidental, désireux de conserver l’anonymat, confirme le diagnostic. « Tout ce que la société syrienne avait réussi à maintenir, ces dernières années, en matière d’éducation ou de santé est en train de s’effondrer. C’est la panique, le sauve-qui-peut général. Il n’est même plus possible de distribuer de l’aide sur le terrain, car nos référents locaux ont disparu et ce serait l’émeute. On approche du point de rupture des mécanismes de résilience de la population. »

Les factions rebelles ripostent à l’offensive des troupes progouvernementales par des tirs de roquettes et des mortiers sur la ville d’Alep, que le régime a reconquise en décembre 2016. Selon l’ONU, ces actions ont causé la mort de 27 civils depuis le début de l’année.

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