Le Clitoris Imprimé en 3D d’Odile Fillod | 3D Printing Blog: Tutorials, News, Trends and Resources | Sculpteo

Le Clitoris Imprimé en 3D d’Odile Fillod

Posted By Hannah Bensoussan on 08/03/2017 | 0 comments

Odile Fillod, sociologue des sciences et de la vulgarisation scientifique, a récemment imprimé en 3D un clitoris à l’échelle, anatomiquement correct, qui a beaucoup fait parler de lui. Nous prenons la Journée International des Droits des Femmes (aujourd’hui 8 mars) comme une occasion de vous parler de cet objet, de son importance dans la construction d’une éducation sexuelle et anatomique correcte, et de comment l’impression 3D de modèles peut aider l’éducation des petits comme des grands, sur des sujets souvent mis de côté.  

 

Partie 1 : La recherche d’Odile Fillod, et l’importance d’une éducation sexuelle anatomiquement correcte

 

Sculpteo : Pouvez-vous vous présenter, et présenter votre travail ?

Odile Fillod : Je suis chercheuse indépendante en sociologie des sciences et de la vulgarisation scientifique, spécialiste des questions de sexe/genre. Mes recherches portent principalement sur la production et les usages de la littérature scientifique participant à la naturalisation du genre. Elles s’inscrivent dans une perspective critique, et sont motivées par l’envie de faire évoluer les mentalités et les pratiques.

Dans le cadre de mes recherches, j’ai notamment fait le constat que les manuels scolaires de SVT (sciences de la vie et de la Terre) étaient pétris de biais sexistes généralement non perçus. L’un d’eux était l’absence de représentation correcte du clitoris, voire son absence tout court dans un certain nombre de manuels pourtant censés montrer à quoi ressemblent les organes génitaux féminins.

 

S : Pourquoi avoir choisi en particulier de représenter en 3D un clitoris, et pas une autre partie du corps ?

O.F. : Acquérir un socle de connaissances scientifiquement correctes et suffisamment complètes sur l’anatomie et le fonctionnement des organes génitaux, ainsi que sur la sexualité plus généralement, fait sans conteste partie des missions de l’école, et c’est important. Pour ce qui concerne plus particulièrement la connaissance du complexe bulbo-clitoridien, cela a de multiples enjeux.

Il s’agit en premier lieu de faire comprendre que le pénis et le complexe bulbo-clitoridien sont des organes homologues et fonctionnent de la même manière, ce qui a de nombreuses implications concrètes. On comprend ainsi que l’excitation sexuelle des femmes se traduit également par une érection, qu’elles peuvent difficilement avoir un orgasme sans que leur clitoris soit stimulé, et que le plaisir féminin n’a rien de plus mystérieux ni de plus cérébral que le plaisir masculin. On comprend aussi que l’excision n’a rien d’une simple « circoncision » féminine, mais est une grave mutilation sexuelle : dans sa forme la plus courante, elle reviendrait en effet à sectionner/retirer le gland du pénis d’un garçon. Et on comprend également que les personnes dotées d’un clitoris/pénis ambigu sont juste intersexuées, et qu’elles peuvent avoir une sexualité parfaitement “normale” si on cesse de tenter de les faire rentrer à tout prix dans une norme binaire.

 

« Il faut en finir avec cette idée que le plaisir féminin est une énigme. »

 

3D printed clitoris Odile Fillod

Photo credit: Marie Docher

C’est important aussi sur un plan symbolique : cela permet de comprendre qu’il n’y a pas deux sexes fondamentalement différents, avec d’un côté les hommes qui éprouvent spontanément des désirs se traduisant par une érection, et de l’autre les femmes qui attendent d’être désirées. Connaître le clitoris, son fonctionnement, son rôle dans le plaisir sexuel, son homologie fondamentale avec le pénis, et en avoir une image claire et non réduite à un minuscule morceau de chair aide les femmes à se constituer comme sujets (actifs) de leur vie sexuelle, plutôt que comme objets (passifs) du désir d’autrui. Je pense que c’est un élément qui peut aider à déconstruire les représentations asymétriques du désir qui favorisent le harcèlement sexuel et les agressions sexuelles que les femmes continuent à subir massivement dans notre culture.

Enfin, c’est important tout simplement pour que les femmes s’approprient leur corps, comprennent ce qui leur donne du plaisir et pourquoi. Il faut en finir avec cette idée que le plaisir féminin est une énigme.

 

Partie 2 : L’impression 3D au service de l’éducation

 

S : Comment l’impression 3D peut-elle aider à faire passer ces messages et favoriser cet enseignement ?

O. F. : En l’occurrence, je pense que la possibilité d’imprimer en 3D le clitoris et ses bulbes aidera les enseignant∙es et éducateur∙ices à en parler aux élèves. En effet, il est plus facile de comprendre comment un organe est fait en le manipulant en 3D qu’en regardant des dessins en 2D, surtout lorsque que comme dans le cas présent, c’est une structure constituée de plusieurs types de volumes se développant dans plusieurs plans et selon plusieurs axes. La 3D permet également de mieux se rendre compte de la taille de l’organe. L’aspect technico-ludique peut aussi être un plus pour mettre le sujet sur la table – si j’ose dire.

3D printed clitoris Odile Fillod

Image tirée d’une des vidéos du site Matilda

 

S : Les enseignant∙es peuvent-ils∙elles, grâce aux outils de l’impression 3D, mettre en avant et compenser les lacunes des ressources pédagogiques disponibles ?

O. F. : Comme je l’ai dit, les manuels scolaires sont gravement défectueux : pas un seul ne montre les bulbes du vestibule, et pas un seul ne montre le clitoris en entier. Mais ce n’est pas seulement dans les manuels qu’il y a une grosse lacune. Les ressources pédagogiques mises à disposition par les académies, ou en central par le Ministère de l’éducation nationale, ne sont pas meilleures sur ce point. Ainsi, un modèle en 3D de l’ensemble du corps humain a été mis à disposition par le Ministère de l’Education Nationale sur le réseau Canopé en 2014, et le clitoris en est tout simplement absent, alors que le pénis, lui, est bien là !

 

S : Comment êtes-vous arrivée à l’impression 3D ?

O. F. : Suite à un compte rendu de mon travail sur les biais sexistes dans les manuels de SVT, j’ai été sollicitée dans le cadre de la création d’une plateforme de vidéos pédagogiques antisexistes. L’idée était de traiter des thèmes relatifs au sexe (au sens large) présents au programme de collège et lycée en prenant le contrepied des biais que j’avais identifiés. J’ai donc notamment voulu montrer à quoi ressemblait vraiment le clitoris – plus précisément le complexe bulbo-clitoridien, c’est-à-dire l’ensemble formé par le clitoris et les bulbes du vestibule, qui lui sont intimement liés –, et ce imprimé en 3D et à taille réelle. Comme il n’en existait pas de modèle correct, j’en ai créé un avec l’aide du FabLab de la Cité des sciences et de l’industrie.

 

S : Comment avez-vous modélisé le clitoris en 3D, et qu’avez-vous fait du modèle ?

O. F. : C’est une médiatrice du lab, Mélissa Richard, qui a assuré la conception 3D sur la base des schémas et dimensions que je lui ai communiqués. 

sketch 3D clitoris 3D printed

Nous l’avons partagé sous licence creative commons.
Ainsi, les enseignant∙e∙s, éducateur∙ices à la sexualité, sexo-thérapeutes, ou toute autre personne intéressée peuvent librement l’imprimer en 3D. Quant à la série de vidéos dont fait partie celle où je montre le tout premier exemplaire du modèle imprimé à la Cité des sciences, elle est également en accès libre sur le site éducatif Matilda.

 

S : Et le clitoris a été imprimé en 3D grâce à notre service en ligne ?

O. F. : Pas mal de gens l’ont imprimé en faisant appel aux services de Sculpteo, que j’ai moi-même testés et dont j’ai été satisfaite pour ce qui est de la version en plastique monochrome. Cependant, j’aurais voulu que le modèle soit imprimable en deux couleurs pour différencier le clitoris des bulbes, car ils n’ont pas exactement les mêmes caractéristiques anatomo-physiologiques et de fait, ils n’ont pas tout-à-fait la même teinte (à la dissection – rappelons que l’ensemble est presque entièrement caché sous les petites-lèvres, puis sous des tissus adipeux et en partie sous des muscles –, le clitoris est un peu plus clair que les bulbes). Or l’essai d’impression que j’ai réalisé en décembre dernier n’a pas été concluant : sa fragilité la rend également peu adaptée pour une manipulation en classe. (NDLR : Le matériau utilisé pour les impression 3D couleur est un matériau composite à base de plâtre, qui est très utile pour des objets du type figurines, mais est bien plus fragile que notre plastique blanc classique. Il n’est donc en effet pas idéal pour la manipulation par des élèves.)

Idéalement, il faudrait pouvoir l’imprimer dans une substance un peu souple, type latex, et en deux couleurs. J’espère que la technologie sera disponible prochainement, et ce à un coût raisonnable…

3D printed clitoris

 

S: Avez-vous d’autres projets liés à l’impression 3D ?

O. F. : Je pense qu’il serait vraiment utile de modéliser en 3D :

– les organes environnants, pour permettre de bien comprendre comme le clitoris se positionne,

– le pénis en entier, car il n’en existe à ma connaissance aucun modèle, or seule la connaissance de son anatomie complète permet de comprendre son homologie anatomique et fonctionnelle avec le complexe bulbo-clitoridien.

 

Nous sommes ravies d’avoir partagé ce témoignage client avec vous. Si vous souhaitez en savoir plus sur le potentiel de l’impression 3D dans l’éducation, cliquez ici. Pour parcourir d’autres exemples d’applications de l’impression 3D, cliquez ici. Le fichier 3D ayant été mis à disposition sous licence creative commons, si vous souhaitez créer votre version du clitoris imprimé en 3D, il vous suffit de le télécharger ici, puis de le transférer sur notre plateforme en cliquant ici. Vous pouvez également le commander en ligne directement ici ou cliquer sur le logo S de Sculpteo dans le viewer ci-dessous !

Vous recevrez l’objet imprimé chez vous en quelques jours !

Pour en savoir plus sur le travail d’Odile Fillod, vous pouvez consulter son blog ici.

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