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L'eurodéputée écologiste Karima Delli : "Le train de nuit a un avenir"

INTERVIEW - Emmanuel Macron a appelé à la relance des trains de nuit en France, comme alternative écologique aux petits et moyens courriers. Un pari que défend l'eurodéputée écologiste Karima Delli, présidente de la commission Transports au Parlement européen. Elle attend désormais "des actes".

Aude Le Gentil , Mis à jour le
L'eurodéputée écologiste Karima Delli, présidente de la commission Transports du Parlement européen.
L'eurodéputée écologiste Karima Delli, présidente de la commission Transports du Parlement européen. © Sipa

Bientôt le renouveau des trains de nuit? C'est en tout cas ce que souhaite Emmanuel Macron . Interrogé le 14 juillet sur TF1 et France 2, le Président a martelé sa volonté de dynamiser le transport ferroviaire, bien moins émetteur de gaz à effet de serre que l'aérien : "On va redévelopper le fret ferroviaire massivement, on va redévelopper les trains de nuit, on va redévelopper les petites lignes de train, parce que ça permet de faire des économies et ça permet de réduire nos émissions [de CO2]."

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Un mois auparavant, le 17 juin, le ministre des Transports, Jean-Baptiste Djebbari avait déjà promis sur LCI "une politique de promotion et de redynamisation des trains de nuit [...] dans les mois qui viennent". Un rapport de l'Etat est d'ailleurs attendu cet été, dans le cadre de la loi d'orientation des mobilités.

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Ces dernières années, les lignes nocturnes ont pourtant fermé les unes après les autres. En 2016, sous le mandat de François Hollande, quatre lignes ont disparu. Deux autres ont obtenu un sursis d'un an. Ne restent aujourd'hui que deux lignes domestiques, Paris-Briançon et Paris-Rodez/Toulouse/Latour-de-Carol. Quelques lignes internationales subsistent également, notamment le Paris-Venise.

Sur Twitter, l'eurodéputée écologiste Karima Delli a rapidement répondu au chef de l'Etat : "Chiche! C'est mon dossier, je me bats tous les jours à la tête de la commission transports pour en faire une réalité. Mais on ne finance pas les trains avec de beaux discours. Donc on veut 7 milliards comme pour l'aviation." Présidente de la commission Transports au Parlement européen, l'élue défend ce service ferroviaire depuis plusieurs années. Elle explique au JDD pourquoi la relance des trains de nuit est, selon, elle une nécessité écologique et comment y parvenir.

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Emmanuel Macron souhaite relancer les trains de nuit. Vous lui répondez "Chiche!". Pourquoi est-ce bénéfique selon vous?
Le train de nuit est une réponse à l'ensemble des défis auxquels on est confrontés : c'est un marché économique, un moyen de transports que beaucoup de citoyens affectionnent et une alternative écologique à l'avion. C'est une solution pour désenclaver des territoires et y développer le tourisme. Le temps nous est compté pour atteindre notre objectif climatique. En Europe, le secteur des transports est le seul qui ne réduit pas ses émissions ; elles représentent un tiers des gaz à effet de serre de l'UE. 

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Il y a une réelle demande de la société ; la jeune génération ne veut plus prendre l'avion

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L'avion est souvent bien moins long et moins cher. Y a-t-il vraiment un public pour les trains de nuit?
Il y a aujourd'hui une réelle demande de la société, en constante augmentation, liée à une prise de conscience écologique. De plus en plus de gens, notamment la jeune génération, ne veulent plus prendre l'avion pour ne pas émettre de CO2. Dans les pays du Nord, comme la Suède, ce mouvement de fond a permis la renaissance des trains de nuit. Ces lignes rassemblent toutes les catégories, aussi bien des professionnels que des familles ou des touristes. Elles permettent d'économiser une nuit d'hôtel et évitent de perdre du temps dans sa journée. Cela rejoint aussi la volonté de beaucoup de touristes de retrouver le temps long, de vivre une expérience de voyage.

Est-ce vraiment rentable?
Les exemples européens sont encourageants. En Autriche, 40 millions d'euros ont été investis dans les trains nocturnes depuis 2016. Résultat, la fréquentation annuelle atteint presque 1,5 million de passager et le chiffre d'affaires est estimé à 100 millions d'euros. C'est rentable! Le train de nuit a un avenir.

En 2016, le gouvernement avait justifié la fermeture de presque toutes les lignes nocturnes par un déficit chronique et une diminution constante du nombre de passagers. Pourquoi en serait-il autrement aujourd'hui?
On entend souvent l'argument du déficit, mais il s'agit de choix politiques. L'Autorité de régulation des transports indique qu'en 2015, le taux d'occupation des trains de nuit était de 47%, soit 10 points de plus en moyenne que le taux d'occupation des Intercités. Ramené au passager par kilomètre, le train de nuit est celui qui consomme le moins d'argent public. Le TGV, à l'inverse, nécessite des investissements considérables. 

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En vingt ans, on a détricoté une offre extraordinaire

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La France ne compte plus que deux lignes nocturnes. Est-il encore possible de relancer ce réseau?
On part de très loin, c'est vrai. Souvent, les gouvernements ont considéré les trains de nuit comme des niches et n'ont pas investi, car ils pensaient que ça n'allait pas être rentable. On a tout mis dans le TGV au détriment du train de nuit, des petites lignes et du fret ferroviaire. Dans les années 1980, les trains de nuit desservaient environ 550 villes françaises. Il y avait 67 trains de nuit quotidien au début des années 2000. En vingt ans, on a détricoté une offre extraordinaire et ce mouvement pourrait continuer car le Paris-Briançon est menacé pour cause de travaux en 2021. Mais la France a l'opportunité de développer le meilleur réseau d'Europe, car elle est une plaque-tournante sur le continent.

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Il faut moderniser le réseau en travaillant sur le confort, l'intimité et le prix

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Quelles investissements seraient nécessaires? 
Il faut investir sur la rénovation du rail et sur le matériel roulant, qui est vétuste. En 2015, la Cour des comptes a rendu un rapport sévère sur l'état du rail et des équipements : 300 voitures étaient hors d'âge. Il faut moderniser le réseau en travaillant sur le confort et l'intimité, avec de meilleures couchettes, des douches et lavabos, des prises, une connexion WiFi, des compartiments réservés aux femmes ou encore des services de restauration. Les passagers demandent aussi des espaces pour ranger leurs bagages, vélos et poussettes. Il faut aussi travailler sur les prix. Le Vienne-Bruxelles par exemple, est accessible à partir de 50 euros.

Et à l'échelle européenne?
Au sein du Parlement européen, je me bats pour un réseau européen express du train qui reliera les capitales entre elles, aussi bien le jour que la nuit.

A combien s'élèverait la facture?
Une étude européenne est en train d'évaluer, pays par pays, le besoin d'investissement. En France, l'une des premières choses qu'a fait le gouvernement face à la crise a été de soutenir l'aviation avec 7 milliards d'euros [sous forme de prêts à Air France, ndlr]. Eh bien, je demande également 7 milliards d'euros, au minimum, pour le secteur ferroviaire, train de nuit compris, qui est une vraie alternative bas carbone.

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On peut imaginer des lignes dans un an, il faut juste de la volonté politique

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Mais comment financer ces investissements?
D'abord au travers des plans de relance, français et européen. Ensuite, on peut regarder les exemples étrangers. Certains pays ont une taxe poids lourds, pas la France. Selon le Conseil d'Etat, c'est un manque à gagner d'1,2 milliard d'euros par an.

Tout cela prendra du temps. A quelle échéance pourrait-on voir de nouvelles lignes nocturnes ouvrir?
On peut imaginer des lignes dans un an. Il faut juste de la volonté politique et savoir où on fait des investissements intelligents pour l'avenir. Le Président s'est engagé, j'attends maintenant des actes et appelle le gouvernement à aller vite.

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