Airbus veut supprimer 15.000 postes : c'est "excessif", juge Bercy

Comme La Tribune l'indiquait hier, Airbus a annoncé ce mardi la suppression de 15.000 postes d'ici à l'été 2021, dont 5.000 en France. Bercy juge ce plan "excessif" et espère que le nombre de postes supprimés sera réduit et qu'il limite au maximum les départs contraints. Les syndicats montent au créneau et s'opposent également à tout licenciement.
Fabrice Gliszczynski
(Crédits : Fabian Bimmer)

Coup de massue pour les salariés d'Airbus. En début d'année, l'avionneur européen planchait sur une montée en cadence de la production pour accompagner la croissance du trafic aérien appelé à doubler tous les quinze ans comme il le fait depuis soixante ans.  Ce mardi, comme La Tribune le dévoilait hier, Airbus a annoncé la suppression "au plus tard à l'été 2021" de 15.000 postes dans sa division "avions commerciaux" (sur 90.000), dont 5.000 en France. Une ampleur du même ordre que celle annoncée en mai par Boeing (16.000 suppressions de postes).

Le groupe européen prévoit également 5.100 suppressions de postes en Allemagne, 900 en Espagne, 1.700 au Royaume-Uni et 1.300 sur ses autres sites ailleurs dans le monde. Ces chiffres incluent Stelia Aerospace pour la France et Premium Aerotec en Allemagne.

"En revanche, ils n'incluent pas approximativement 900 postes résultant d'un besoin d'adaptation identifié avant la crise Covid-19 pour Premium Aerotec en Allemagne, et qui sera désormais implémenté dans le cadre de ce plan d'adaptation global", précise Airbus dans un communiqué.

Selon des connaisseurs du dossier, des annonces sont également prévues chez ATR, le constructeur d'avions régionaux codétenu avec le groupe italien Leonardo. Elles seront faites ce jeudi. Autour de 200 postes sont menacés en France.

S'ajoutent également les 2.600 suppressions de postes dans la branche "Défense & Space", dont la restructuration avait été annoncée avant la crise du Covid-19.

Baisse de la production de 40% en 2020 et 2021

Au final, c'est le plan de réduction d'effectifs le plus lourd de l'histoire du groupe né en 2000 sous la bannière d'EADS (en 2007-2008, le plan Power 8 avait porté sur 10.000 suppressions de postes, dont la moitié chez les sous-traitants). Il traduit la profondeur de la crise qui frappe l'industrie aéronautique, un secteur d'activité sur lequel "le soleil ne se couchait jamais" avec ses carnets de commandes pharaoniques pour accompagner une croissance du trafic aérien qui double tous les quinze ans depuis soixante ans.

Face à la multiplication des reports de livraisons d'avions de la part des transporteurs aériens, Airbus est obligé de réduire drastiquement sa production de 40% en 2020 et 2021. Cette baisse des capacités engendre de facto des sureffectifs qui poussent la direction à réduire la taille du groupe. Et ce, pendant une période assez longue puisque le trafic aérien ne devrait pas retrouver le niveau qui était le sien en 2019 avant 2023 et 2025, selon les prévisions de la direction, lesquelles rejoignent celles de l'association internationale du transport aérien. Guillaume Faury, le directeur général d'Airbus, ne prévoit pas de remontée des cadences de la production d'avions monocouloirs avant 2022. Et encore plus tard pour les gros-porteurs, sans donner de précisions.

Guillaume Faury avait préparé le terrain. Depuis le début de la crise sanitaire, il n'a cessé de préparer les esprits à un plan social.

"Airbus est confronté à la crise la plus grave que ce secteur ait jamais connue", a-t-il déclaré ce mardi.

"Les mesures prises jusqu'à présent par la société nous ont permis d'absorber le choc initial de cette pandémie. Nous devons maintenant assurer la durabilité de l'entreprise et garantir notre capacité à émerger de la crise en leader global du secteur aérospatial, tout en nous adaptant aux défis immenses que rencontrent nos clients. Pour affronter cette réalité, nous devons à présent prendre des mesures de plus grande ampleur. Notre équipe de direction et notre conseil d'administration sont déterminés à limiter l'impact social de cette adaptation. Nous remercions nos partenaires gouvernementaux qui nous aident à préserver autant que possible notre expertise et notre savoir-faire, et qui ont joué un rôle important pour limiter l'impact social de cette crise dans notre industrie. Ce sont les compétences et les aptitudes des équipes Airbus qui nous permettront d'être les pionniers d'une industrie aéronautique et spatiale durable."

Chômage partiel longue durée

L'annonce du plan social chez Airbus marque le point de départ des négociations avec les syndicats pour aboutir à un accord sur les conditions du plan de sauvegarde pour l'emploi (PSE) d'ici à la fin octobre.

D'autres négociations parallèles peuvent faire évoluer le plan social. Notamment celles sur les conditions d'application du dispositif de chômage partiel longue durée (Arme*), lequel peut aller jusqu'à deux ans de prise en charge par l'État de 85% de l'indemnité versée par l'entreprise (80% si un accord d'entreprise ou de branche est signé après le 1er octobre).

Ce mécanisme pourrait ainsi réduire le nombre de départs contraints et permettre à Airbus de préserver ses compétences, nécessaires au moment de la reprise.

Bercy juge ce plan "excessif"

C'est ce que souhaite le ministère de l'Économie, qui a jugé "excessif" le nombre de suppressions d'emplois annoncé par Airbus.

"Nous attendons d'Airbus qu'il utilise pleinement les instruments mis en place par le gouvernement pour réduire le nombre de suppressions d'emplois", et qu'il limite "au maximum les départs contraints", a précisé Bercy dans une déclaration transmise à l'AFP.

Pour rappel, contrairement à Air France, Airbus n'a pas sollicité d'aides de l'État.

"Les départs contraints qui auront lieu devraient être au bout du compte bien plus limités que les chiffres annoncés aujourd'hui", a indiqué Guillaume Faury.

Les dispositifs de chômage partiel de longue durée en France et en Allemagne, en fonction de leurs "modalités précises", pourraient permettre de préserver "jusqu'à 1.000 emplois" en France, et 1.500 en Allemagne, a ensuite précisé le dirigeant d'Airbus à l'AFP.

Les syndicats opposés à tout "licenciement"

Les syndicats d'Airbus sont sur la même longueur d'ondes. Dans la foulée de l'annonce du plan, ils ont affirmé leur opposition à tout "licenciement contraint".

Le plan de restructuration est "d'envergure" avec des chiffres "extrêmement lourds" de suppressions de postes, a réagi Dominique Delbouis, coordinateur FO du groupe Airbus, dans un point de presse devant le siège.

"Pour FO, la ligne rouge est de diminuer ce chiffre qui nous paraît excessif, et de mettre en place toutes les mesures possibles pour ne pas avoir à déplorer le moindre licenciement contraint", a-t-il ajouté.

"Pour être en mesure de redémarrer vite et fort, il faut garder tous les salariés dans l'entreprise", a affirmé le délégué FO, Jean-François Knepper, appelant Airbus à faire preuve de "responsabilité sociale" au vu notamment du soutien apporté par l'État à la filière.

"Nous allons négocier, et si cela ne suffit pas, on verra", a-t-il ajouté, excluant dans l'immédiat un appel à la grève. "On veut les emmener à la table des négociations pour trouver des solutions sur l'emploi, sur les départs anticipés, sur le chômage partiel de longue durée."

Pour lui, comme "cette crise est conjoncturelle, (...) Airbus a suffisamment de ressources pour rebondir une fois la crise sanitaire passée. Et Airbus a d'autant plus de chances de rebondir qu'il est seul au monde, Boeing étant au tapis, et les Chinois pas encore sur le marché".

"Aucun départ contraint de salariés du groupe ne pourra être envisagé", a également réagi la CFE-CGC, deuxième syndicat du groupe dans un communiqué.

La direction "recourt trop vite à la solution radicale d'un plan social massif" alors que "la perte des emplois et des compétences est un risque lourd pour Airbus, qui prend le pari dangereux et irréversible de ne pas pouvoir répondre au besoin quand la situation du marché se rétablira. Car elle se rétablira", ajoute le syndicat.

Comme FO, il demande à la direction "d'ouvrir immédiatement des négociations" pour trouver des solutions, notamment via la mise en place de "l'activité partielle de longue durée", la relocalisation d'activités, et "des mesures d'accompagnement du type mesures d'âge".

"Les aides publiques ne sont pas là pour financer des licenciements", relève aussi la CFE-CGC.

Les syndicats prendront la parole jeudi midi devant les salariés d'Airbus pour leur annoncer les détails du plan pour la France, après un comité de groupe Airbus France dans la matinée.

Le maire de Toulouse a indiqué dans un communiqué que "tous les moyens [seront mis] en œuvre afin d'atténuer les effets de ce plan sur l'emploi des Toulousains".

"Je suis et resterai attentive à la situation de la filière aéronautique qui représente 40% de l'emploi industriel en région", a pour sa part déclaré Mme Delga après s'être entretenue avec Guillaume Faury, annonçant qu'elle présentera vendredi un "plan de relance régional pour la filière aéronautique et spatial, d'un montant de près de 100 millions d'euros".

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(*) ARME pour "activité réduite pour le maintien en emploi"

Fabrice Gliszczynski

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Commentaires 17
à écrit le 02/07/2020 à 16:10
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Bonjour, Si nous comparons le nbre total de suppression de poste avec l'autre grand avionneur Boeing,la quantité est semblable. Ces deux entreprises doivent d'abord de survivre en honorant les commandes fermes. Ĺes prochains avions restent à inven...

à écrit le 02/07/2020 à 14:01
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Si c'est si facile de vendre des avions actuellement, que Lemaire prenne sa petite valise pour parcourir le monde et trouver des clients. Car pas de client = réduction de personnel ou faillite

à écrit le 02/07/2020 à 6:49
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Et quel est le montant des dividendes distribués au lieu de garder des fonds propres ?

à écrit le 02/07/2020 à 0:18
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Depuis 1980, nous n'avons pas eu la preuve que Bercy savait gérer une entreprise; il faudra donc en passer par les choix du patron d'Airbus; le personnel et ses syndicats doivent s'attendre au pire; on ne va pas refaire l'affaire LIP.

à écrit le 01/07/2020 à 22:24
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Un chef d'entreprise a un business plan qu'il déroule. Il ne peut pas payer les gens s'il n'en n'a pas les moyens. Il se doit, à contrecœur de licencier, sachant bien qu'un avion, c'est une équipe, des projets et beaucoup de savoir faire precieux (ça...

à écrit le 01/07/2020 à 15:55
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Personne a fait le compte du plan aéronautique, mais on voit bien que il ne y a rien pour ceux qui ont apporté la croissance des 15 dernières années, les sous traitants du syntech numérique, réduit a l esclavage ou au silence, des milliers de famille...

à écrit le 01/07/2020 à 13:45
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Au fait, pourquoi on ne parle pas des dizaines de milliers de prestataires dont les licenciements sont a venir et qui sont pourtant a 100% dédiés a airbus...

à écrit le 01/07/2020 à 13:24
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Si il y a bien une structure TOTALEMENT INFONDÉE à émettre ne serait-ce que l'ombre d'un soupçon de commentaire c'est bien Bercy et ses collatéraux . . . Si malgré tout la "forteresse" insiste parions que ce sera le début de la fin d'AIRBUS !

à écrit le 01/07/2020 à 13:14
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On aura la casse quand même sous forme de chômage partiel pour plusieurs années . Les compagnies aériennes annulent les commandes par centaines à Airbus comme à Boeing . Chaque avion est construit par plus de 500 coopérants . Il y a un très gros risq...

à écrit le 01/07/2020 à 12:06
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On ne veut plus que les gens prennent l'avion et on s'étonne qu'Airbus licencie...??? Les Français vote "vert" donc il faut faire du "vert", et le "vert" c'est la couleur du chômage et des allocations.

à écrit le 01/07/2020 à 11:19
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On ne veut plus que les gens prennent l'avion et on s'étonne qu'Airbus licencie...??? Les Français vote "vert" donc il faut faire du "vert", et le "vert" c'est la couleur du chômage et des allocations.

à écrit le 01/07/2020 à 10:00
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C'est plus que la réduction du nombre de fonctionnaires. qui a raison?

à écrit le 01/07/2020 à 9:01
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Si on entend des voix contraires c'est que ça empeste le dumping social cette vaste prévision de licenciements, à savoir que dès que les commandes vont repartir on va aller monter des usines airbus en Malaisie et autres pays d'esclaves salariaux. ...

à écrit le 01/07/2020 à 8:10
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Ils sont incapables de gerer leur trop de fonctionnaires comment osent ils donner des conseils voir des ordres au prive

à écrit le 01/07/2020 à 7:44
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Il y a Belle lurette que l'avis de Bercy compte dans les affaires de Sociétés, comme totalement insignifiant.

à écrit le 30/06/2020 à 21:24
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Encore quelques semaines et le Che de Bercy va aller manifester au cotés de la CGT...

à écrit le 30/06/2020 à 20:36
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