Management : savoir gérer les conflits
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Management : savoir gérer les conflits

S’il n’est pas toujours possible d’anticiper ni de prévenir les différends au travail, il est indispensable d’y être préparé afin de les surmonter. Jean-François Thiriet, coach, médiateur en entreprise et auteur du livre « Conflits au travail : 4 étapes pour passer de la crise à l’opportunité », paru chez Gereso, apporte aux managers des conseils concrets pour améliorer les relations au sein d’une équipe.

Quelle est la première erreur à éviter face à un conflit ?

Le problème principal survient lorsque l’on gère les conflits comme l’on est. Si l’on n’apporte que son caractère et son éducation dans la gestion du conflit, il y a un manque de flexibilité, d’intelligence relationnelle et d’adaptabilité à la situation et aux interlocuteurs. On risque alors, par réflexe, de laisser éclater sa colère ou bien de fuir. Or, il est capital d’agir en fonction d’un choix éclairé, d’une prise de recul et d’une décision réfléchie, en se positionnant de manière à lâcher ce qui n’est pas important, ou ce sur quoi on n’a pas prise, et rester ferme sur ce qui est essentiel tout en trouvant un compromis acceptable pour tous. Et même si la résolution du désaccord ne dépend pas de soi, il est possible de faire évoluer les choses et d’en influer le cours, sans pour autant se battre contre des moulins à vent !

Comment gérer efficacement un différend ?

En l’abordant à deux niveaux de résolution. Le premier est relatif au contenu même du conflit, le second concerne la relation entre les parties impliquées. Ainsi, considérer qu’il est plus important d’avoir raison et le dernier mot car on est titulaire de l’autorité, cela peut nuire à la qualité de la relation et à l’adhésion au sein de l’équipe. Trop souvent, les managers oublient ces deux dimensions du conflit. Or, c’est crucial de les considérer en même temps. Surtout dans un contexte de difficultés de recrutement, d’enjeux d’attractivité et de rétention des collaborateurs, d’importance croissante de la marque employeur et de l’image de l’entreprise : cette mise en perspective permet de garder à l’esprit qu’au-delà même de la résolution – ou non – du conflit se joue la qualité de la collaboration à l’avenir… D’où l’importance de savoir trouver un compromis en disant : « ce n’est pas ma solution, ce n’est pas la tienne, mais une troisième est trouvée qui nous satisfait. »

De plus, il faut comprendre qu’un conflit à deux se résout parfois à trois. Faire appel à une personne extérieure à l’équipe, voire à l’entreprise, comme un médiateur, c’est normal, ce n’est pas un aveu d’échec. Au contraire, c’est la preuve que le manager connaît ses propres limites et sait prendre du recul.

Que peut-on faire quand demeure une blessure ?

Elle peut en effet persister à la résolution du conflit, notamment quand on est allé au maximum de ce qui était faisable et acceptable par les deux parties. La blessure nous renvoie à nous-mêmes et nous parle de nous : nos valeurs, nos besoins, ce qui est très important pour nous, ce qui a été touché chez nous. Et c’est pareil pour celle des autres. Donc s’intéresser à eux au-delà du conflit permet de prendre soin de la relation. Même si l’on n’est pas d’accord, on peut tout de même demander comment la dissension a été perçue, comment elle s’est passée pour l’autre, afin de montrer qu’en tant que manager, on sait faire la distinction entre l’objet de la discorde et le lien entre les personnes impliquées. C’est alors l’occasion, non pas de revenir sur ce qui a généré des tensions, mais sur la manière dont cela a été vécu. Il est capital que les managers puissent ouvrir cette porte, accompagner dans cette direction, même quand il n’y a plus de divergence. Cela permet, en plus, aux autres d’ouvrir les yeux sur des points dont ils n’étaient pas forcément conscients, l’attachement qu’ils peuvent avoir à l’équité, par exemple.

Comment bien se préparer au conflit ?

D’une manière générale, il faut déjà que la façon dont un manager prenne en main un différend soit en accord et en cohérence avec sa manière de gérer l’équipe. Si l’on caricature, il ne parviendra pas à mettre en place une résolution participative si son style est plutôt dirigiste.

Ensuite, il y a plusieurs types de préparation à mener qui conduisent à trouver la bonne posture. D’abord mentale : il est capital de comprendre – et faire comprendre aux collaborateurs – qu’avoir des points de vue différents ne signifie pas qu’ils sont opposés. De la différence naît la richesse. Alors que dans l’opposition, chacun cherche à avoir raison en estimant que les autres ont tort.

Ensuite, il y a la dimension émotionnelle : nous avons tous des réactions de base en lien avec notre personnalité et notre éducation. Il est donc essentiel de bien se connaître et de distinguer les réflexes de gestion de conflit, en lien avec qui l’on est, et la stratégie de gestion de conflit.

La préparation physique consiste à se rappeler que le langage non verbal est plus important que l’expression orale. Les interlocuteurs intègrent plus la façon dont on exprime les choses avec son corps que ce que l’on dit. En résumé, ce que je suis parle plus aux autres que ce que je leur dis.

Enfin la préparation verbale ne doit pas être négligée : souvent, on prévoit sa réponse et on oublie d’écouter. Or il est crucial de questionner l’autre, de le laisser s’exprimer en l’écoutant vraiment, de le faire reformuler, de lui demander ce qu’il pense et ressent. Il faut laisser la place à la réciprocité, et non se positionner comme un manager qui ne fait que justifier, expliquer, argumenter sans écouter. La question n’est alors pas de savoir qui prend le dessus et vers qui penche le rapport de force. Il s’agit de rester dans l’échange, faire circuler les idées et le ressenti.

Et tout cela est un entraînement à exercer au quotidien ! Si on n’utilise ces outils qu’au moment où survient un conflit, il est déjà trop tard…

Et face à l’agressivité ou à la colère, quelles sont les bonnes attitudes à adopter ?

En premier lieu, les managers doivent identifier clairement le degré d’agressivité acceptable à ne pas dépasser. Car on peut légitimement exprimer une frustration, par la colère ou l’agressivité, mais sans dépasser les limites. Etre violent ou se défouler sont des attitudes intolérables.

Je conseille aux managers qui sont confrontés à une personne en colère de prononcer les premiers mots sur le même ton que leur interlocuteur. Si ce dernier parle fort, on peut hausser la voix en disant: « S’il te plaît » Puis, juste après, faire preuve de calme en poursuivant, afin de montrer que, contrairement à l’autre, on sait se maîtriser. Et on l’amène ainsi à baisser d’un ton, alors que l’enjoindre de se calmer, c’est un ordre contreproductif ! Ensuite, comme il ne faut pas gérer un conflit à chaud, on précise « on en parle tel jour à telle heure », pour donner une perspective claire, et non juste évoquer vaguement « on en parlera plus tard ». Il s’agit donc d’un repli stratégique, et non d’une fuite, afin de considérer le problème à froid et avec du recul.

La seconde étape consiste à utiliser la méthode DESC. Décrire ce qui se passe. Exprimer l’émotion ou le besoin. Spécifier ce qui est observable, quantifiable, mesurable. Conclure en posant les limites. Cela permet d’avoir plus d’impact tout en maintenant la confiance, qui est la clé du travail en équipe.

Autre posture efficace quand on est confronté à quelqu’un d’agressif et/ou en colère, c’est de ne pas se mettre en face, car cela renforce la dynamique conflictuelle, mais se positionner à 90 degrés, donc de profil l’un par rapport à l’autre.

Enfin, une démarche intéressante consiste à apprendre à parler en employant « je » et non le « tu qui tue », c’est-à-dire en désignant l’autre comme le fautif, la cause du problème. « Je » permet d’exprimer ce que l’on a ressenti soi, de l’expliquer à son interlocuteur sans le pointer du doigt.

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