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Avec la moitié de l’humanité confinée, les vibrations de la Terre sont plus perceptibles

Les mesures prises pour enrayer la propagation de la pandémie de Covid-19 se sont accompagnées d’une importante réduction de l’activité humaine et, par conséquent, du « bruit sismique ».

Publié le 13 avril 2020 à 18h15, modifié le 13 avril 2020 à 19h26 Temps de Lecture 5 min.

A Suresnes, dans les Hauts-de-Seine, le 30 mars.

Dans les rues vidées de passants, le chant des oiseaux se fait plus marqué : avec plus de la moitié de la population mondiale invitée à rester chez elle dans le cadre de la lutte contre la pandémie de Covid-19, la nature a repris de la voix. Le confinement a eu pour effet de mettre en sourdine notre brouhaha quotidien et de pouvoir mieux percevoir un bruit imperceptible par nos oreilles : celui de la Terre.

Depuis quelques semaines, les vibrations au sol se sont drastiquement réduites, et avec elles ce que les spécialistes appellent le « bruit sismique ». Ce phénomène décrit les ondes provoquées par les activités humaines, comme le trafic ou l’industrie, et celles dues à des causes naturelles, à l’instar des phénomènes atmosphériques, comme le vent ou encore des vagues océaniques, qui provoquent de légers mouvements de la croûte terrestre.

A Paris, un sismomètre est installé dans la cave du pavillon Curie de l’Institut de physique du globe de Paris (IPGP) pour enregistrer les tremblements de la Terre. Cet outil, qui relève en continu les déplacements du sous-sol parisien avec une précision de l’ordre du nanomètre, a capté la « signature » de l’activité humaine depuis le début du mois de mars et son évolution depuis la mise en place du confinement.

Et, depuis le 17 mars à midi, date de la mise en place du confinement, les sismologues notent une réduction de 38 % du bruit sismique à haute fréquence (4-14 Hz – donc lié aux activités humaines).

Les relevés du bruit sismique à la station Curie, à Paris, au 13 avril.

L’origine humaine de ce bruit et de son évolution peut-être confirmée par plusieurs indices, explique l’IPGP, notamment l’alternance jour-nuit du signal et sa légère baisse à la pause méridienne, la fameuse pause déjeuner. Depuis la mise en place des mesures de restriction de déplacements, les experts constatent également une plus faible différence entre les jours de la semaine et les week-ends, et, depuis le 26 mars, une baisse du bruit diurne et nocturne due à la réduction des transports en commun.

« Une fenêtre d’observation sur les petits séismes »

Bien que les effets des sources prises individuellement puissent être faibles, le « bruit sismique » d’ensemble produit un bourdonnement qui réduit la capacité des sismologues à détecter d’autres signaux se produisant à la même fréquence. Et s’il s’agit d’une composante habituelle des sismogrammes (le tracé des sismographes), ce bruit de fond n’en est pas moins perçu comme une forme de pollution par les experts, dans la mesure où il peut cacher les soubresauts de la Terre.

Dans un article publié le 31 mars dans la revue scientifique Nature, plusieurs sismologues se sont donc réjouis d’avoir pu détecter d’infimes activités sismiques de notre planète. Le géologue et sismologue Thomas Lecocq, de l’Observatoire royal de Belgique, a été le premier à en faire état : à Bruxelles, le bruit sismique ambiant a chuté de 30 % à 50 %.

Le constat est le même aux quatre coins du globe. Comme à Los Angeles (Californie), la deuxième ville la plus peuplée des Etats-Unis avec près de 19 millions d’habitants.

Le bruit sismique a diminué « d’environ 25 % », voire « jusqu’à plus de 50 % » à Paris ou à Strasbourg, a résumé, lundi 13 avril sur Franceinfo, Jérôme Vergne, sismologue à l’Ecole et l’Observatoire des sciences de la Terre, à Strasbourg :

« Une faille sismique, si elle est active, elle crépite. Des crépitements de toute petite magnitude. Et plus on en détecte, plus on est capable de connaître ces failles sismiques qui, un jour, pourraient générer des séismes plus importants. »

« La baisse du bruit sismique à haute fréquence nous ouvre une fenêtre d’observation sur les petits séismes − magnitude inférieure à 1 qui se manifestent surtout dans cette bande de fréquence, abonde Claudio Satriano, sismologue à l’Institut de physique du globe de Paris, interrogé par Le Monde. Une future étude approfondie des enregistrements pendant le confinement a le potentiel de révéler des petits événements sismiques non observables auparavant, à cause du bruit élevé. Cela pourra être particulièrement intéressant pour mieux comprendre la tectonique du Bassin parisien, une région parmi les moins sismiques en France métropolitaine. »

Un phénomène inédit par sa durée et sa permanence

Interrogé par la RTBF, le Thomas Lecocq souligne que la réduction du « bruit sismique » n’est pas « en soi » exceptionnelle : « Cette diminution s’observe aussi par exemple pendant les vacances d’hiver. » Mais elle est inédite par sa durée et sa permanence :

« Entre la nuit et le jour, il y a une moins grande différence et on reste à un niveau beaucoup plus bas que d’habitude. (…) A ma connaissance, c’est la première fois que l’on observe ce phénomène aux quatre coins du monde, à peu près en même temps. »

Si les mesures de confinement se poursuivent, les détecteurs sismiques installés dans les lieux où l’activité humaine est généralement importante seront plus performants que d’habitude pour capter les lieux des répliques de tremblements de terre, résume dans la revue Nature Andy Frassetto, sismologue à l’Incorporated Research Institutions for Seismology, à Washington DC : « Vous obtiendrez un signal avec moins de bruit au sommet, ce qui vous permettra d’extraire un peu plus d’informations de ces événements. »

La baisse de bruit sismique en tant que telle ne permet pas pour autant de réduire les risques de tremblement de terre : « La plupart sont d’origine naturelle : un séisme est une libération soudaine d’énergie accumulée pendant des siècles par la déformation de la croûte terrestre », explique Claudio Satriano :

« Cependant, il a été observé que les activités industrielles (activités minières, extraction de pétrole et gaz, géothermie) peuvent, dans certains cas, induire des séismes, typiquement de petite magnitude (généralement inférieure à 5). Ce sont des événements peu fréquents en France, alors que d’autres régions du monde, comme le centre des Etats-Unis, ont vu une augmentation importante de ces petits séismes (et parfois de magnitude 5), liée aux activités pétrolières. »

Dès lors, « on pourrait imaginer qu’un arrêt, total ou partiel, de certaines de ces activités industrielles puisse baisser temporairement la probabilité d’occurrence d’un séisme induit », poursuit le sismologue.

La réduction du bruit sismique, témoin de la réduction des activités humaines, montre en tout cas que l’on baisse « notre influence sur l’environnement sismique de nos villes. (…). On a peut-être aussi des choses à réfléchir en termes d’environnement de manière générale », conclut Thomas Lecocq.

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