Comme si elle était

En expansion

En nous 

LA VIE s’éloigne 

Quand tu viendras dans ma chambre

Je serai dans mon lit 

Seule avec mon corps  

Où pèse chaque fois plus fort

Tant de solitude 

Puisque tu existes

Autant t’aimer nue

Seule la mort me remplit 

Dans ce monde vide

Après un verre

J’ai vu tes seins comme les hommes ne les voient jamais 

Après mon dernier verre

Je les ai aperçus

Encore plus esseulés

Comme les hommes ne pourront jamais les voir 

Lorsque je te vois

J’ai envie de te dire 

Allons-y, pourquoi nous ne partons pas ?

Ton visage est celui d’un chemin !

La nuit je te bois

Toute la nuit tu désaltères mon corps 

A l’aube la rosée

Nous souligne 

Nous avançons côte-à-côte

Ainsi que des cadavres jouxtés

Je vois la guerre

Je n’aperçois pas l’amour 

Je ne me vois pas

M’aperçois-tu ?

Du noir, du noir

Me devines-tu dans le noir ?

Je ne distingue plus les couleurs

Je les ai perdues

Comment me trouver parmi tout cela ?

Où es-tu ?

Que vois-tu ?

Y a-t-il quelqu’un qui puisse nous voir ?

Est passée ma voix ?

Elle allume les lumières

Les éteint

Les rallume

Elle contemple cette tache noire

Sur sa poitrine

Dans le noir

Dans la clarté du jour

Elle ferme les portes

Les ouvre

Les referme

Elle regarde ce pas

Qui veut sortir de son corps 

Elle se déshabille 

S’écorche

Allume les lumières

Elle ne se retrouve pas

S’écorche dans le noir

Dans le noir qui la dévore et la digère

Sous la lumière des ampoules

Elle découpe son corps en lamelles 

Puis tourne autour 

S’assoit

Le mange

Éteint la lumière  

Et plonge sa tête dans l’oreiller

Tout est mort

Sauf cette tête 

Je guette mon être

Je suis maigre et vide

Je ne suis plus qu’un esprit 

Regorgeant d’oiseaux

Mais où habitent ces oiseaux ?

J’ai été une jungle  

Mes bras ont été des arbres  

Où sont passées mes feuilles

Mes racines ?

J’ai été une rue, une route

J’ai été des pas 

Où sont les passants ?

Je me disais route

J’imaginais des avenues dans mon sang

Je m’imaginais jungle

Je cherchais une voix pour me faire entendre 

Et qui proclamerait mes bourrasques

Dans les champs de blé

Dans l’odeur du pain

Je l’ai cherchée

À travers les ombres, les voix, le vent

J’ai scruté le noir

J’ai interrogé la lumière

À sa recherche 

Son corps était l’épouvantail

Qui effraie les oiseaux

Aucun chemin n’y menait plus

Il n’y avait plus la moindre racine

Dans la moindre forêt

Je le traîne derrière moi

Cet épouvantail

Ce silence

Qu’est-il devenu

Et ma voix, et ma peau vivante ?

À minuit, j’ai poursuivi une passion

À l’aube, je me suis interrogée

Qu’est-elle devenue, mon âme tourmentée

Lorsque la passion vint

La magie noire vint aussi

La jungle devint un épouvantail

Une bourrasque

En scrutant les aubes

À la recherche de sa voix

Elle meurt

Elle succombe

La jungle à l’ombre de la passion


Un poème traduit du kurde par Ahmed Mala.