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Comment la jeune génération fait revivre le français en Louisiane
A Houma, bastion de la francophonie dans le sud de la Louisiane
Stephan Gladieu

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Comment la jeune génération fait revivre le français en Louisiane

Francophonie

Par et Guillaume Renouard

Publié le

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Le français n'est jamais mort en Louisiane. Mais depuis quelques années, dans cet Etat du sud des Etats-Unis, la langue de Molière prend une importance croissante chez les jeunes, dessinant ainsi le visage d'une autre Amérique.

Cet article est à retrouver dans le magazine numéro 1170, "Bien manger ne coûte pas cher, mal manger coûte très cher"

A Lafayette, dans le sud de la Louisiane, le français est partout. Sur les panneaux de signalisation, sur la devanture de bars qui invitent à venir boire un verre « entre amis », ou dans les magasins de vêtements où les derniers tee-shirts à la mode arborent de curieux slogans : « Mais là ! » ; « Lâche pas ! » ; « If you don't have something nice to say, dis-le en français ! » Certains locaux en sont convaincus : pour la première fois depuis la guerre de Sécession, le français a le vent en poupe. Au point que des médias francophones se créent en Louisiane, et que les inscriptions dans des classes d'immersion, où l'enseignement est dispensé uniquement en français, ont augmenté depuis 2012 de... 42 % ! Un miracle quand on sait qu'il a tout simplement failli disparaître de cette région devenue partie du royaume de France en 1682.

Pour le mesurer, il faut s'aventurer à l'est de la ville, s'engouffrer dans une petite route qui serpente au milieu des marais, à l'ombre des saules pleureurs et des chênes tricentenaires aux branches torsadées. Au bord d'un bayou où règne un silence troué par les cris des oiseaux, nous rencontrons David Cheramie (tendre patronyme), descendant d'une famille acadien francophone installée ici depuis le XVIIIe siècle, à l'époque de la Louisiane française. Il tient à nous emmener dans une longue bâtisse de bois blanc montée sur pilotis. Une école telle qu'on en voyait encore au début du siècle dernier. Dans la salle de classe, on peut lire sur le tableau, tracé à la craie en lettres capitales : « I will not speak French » (« Je ne parlerai pas français »). Hier encore, les enfants qui parlaient français en Louisiane devaient recopier ces mots des centaines de fois. D'autres étaient fouettés, ou forcés à s'agenouiller sur des grains de riz. David Cheramie fait partie de cette « génération perdue », à qui les parents francophones, marqués par ces brimades, ont refusé d'apprendre le français.

Immigration française

« Au début du XXe siècle, raconte-t-il, l'immigration aux Etats-Unis a commencé à changer. La population, majoritairement anglo-saxonne et protestante, voit arriver des gens de culture et de religion différentes : catholiques, Irlandais et Italiens, notamment. Jusqu'à la Maison-Blanche, on s'en inquiète. On craint que plus personne ne parle anglais, que l'on perde notre culture... Bref, on connaît la chanson ! » L'école devra donc garantir l'hégémonie de la culture anglo-saxonne. Dès 1916, l'anglais s'imposa dans les classes alors que beaucoup de jeunes Louisianais ne parlaient que le français. David Cheramie se souvient d'avoir demandé à son père : « Mais, toi, tu étais puni quand tu parlais français ? » Ce dernier lui avait répondu : « Non, moi, je fermais ma gueule ! »

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Natacha Polony, directrice de la rédaction de Marianne