Partager
Santé

Résistance bactérienne : le cas inquiétant des Klebsiella

Un cas groupé d'infections par une bactérie porteuse de multirésistance aux antibiotiques a touché un hôpital de l'Essonne. Aucun décès ne serait à déplorer mais cette affaire rappelle les risques liés à ces résistances microbiennes.

1 réaction
hôpital Nancy France

Service de Reanimation Medicale, Hopital Central de Nancy 2003

HUMBERT NICOLETTE/SIPA

Une souche de bactérie multirésistante aux antibiotiques, Klebsiella pneumoniae, a été retrouvée chez 18 patients hospitalisés cet été dans l’hôpital privé Jacques-Cartier de Massy, dans l’Essonne, d'après les informations données par Bruno Coignard, de l'Institut de veille sanitaire. Contrairement à ce qu'annonçait ce matin le quotidien Le Parisien, aucun décès ne serait imputable à la bactérie. Sur les 18 patients porteurs -mais sans symptômes- les 5 qui sont décédés auraient succombé aux pathologies dont ils souffraient. La souche de Klebsiella pneumoniae serait arrivée dans cet hôpital début juin avec une patiente rapatriée depuis la Grèce dans un état sévère.

Cette bactérie qui colonise le tube digestif et les poumons est déjà bien connue pour ses capacités de résistance aux antibiotiques. Klebsiella pneumoniae est naturellement résistante aux pénicillines (comme l’amoxicilline) et a acquis des résistances à d’autres catégories d’antibiotiques, comme l’acide clavulanique et les céphalosporines de troisième génération (commercialisées plus récemment). Des résistances sont même apparues depuis le début des années 2000 à une autre catégorie, qui demeure la dernière ligne de défense en cas d’échec des autres antibiothérapies : les carbapénèmes (imipénem..).

Enzymes contre antibiotiques

Les klebsielles sont en effet équipées de plasmides, un fragment d’ADN situé en dehors des chromosomes de la bactérie, qui produisent des enzymes s’attaquant aux antibiotiques. Ces enzymes, les bêta-lactamases, ont la capacité d’inactiver ou de détruire les molécules qui normalement s’attaquent à la paroi des bactéries, les bêtalactamines.
Cette guerre ne tourne pas en faveur des antibiotiques puisque les Klebsiella développent depuis 30 ans des enzymes résistantes à différents types de bêtalactamamines. On parle ainsi d’enzymes BLSE, pour «bêta-lactamases à spectre étendu». La première enzyme capable de bloquer les céphalosporines a été décrite en 1985 chez une Klebsiella pneumoniae. Une bêta-lactamase s’attaquant à l’imipénem a été isolée en Grèce en 2003 chez cette même espèce bactérienne.

Une bactérie résistante très répandue en Grèce

Pour les spécialistes de la résistance microbienne, l’ennemi est donc bien connu. Reste à lutter contre sa diffusion. En France, la Klebsiella pneumoniae représente 3,5% des microorganismes impliqués dans des infections nosocomiales (acquises à l’hôpital), selon les données de l’Institut de veille sanitaire (1). La proportion de souches résistantes de  K. pneumoniae aux céphalosporines de 3ème génération est comprise entre 10 et 25%, la proportion de souches résistantes aux carbapénèmes est inférieure à 1%, comme dans la plupart des pays européens.

C’est dans le sud et le sud-est de l’Europe que ces Klebsiella pneumoniae mutlirésistantes sont les plus répandues. Il n’est pas très surprenant que dans le cas de l’hôpital Jacques Cartier l’origine du microbe remonte en Grèce. Un précédent cas groupé d’infections nosocomiales survenu en 2004 en région parisienne due à K. pneumoniae provenait d’un patient transféré de Grèce. Dans ce pays, la proportion de souches de Klebsiella résistantes aux carbapénèmes est très élevé : il est de 37% (10% à Chypre, 3% en Turquie et en Bosnie, 2% en Italie), d’après le réseau de surveillance européen des résistances bactériennes (EARSS).

D’après une étude menée par des chercheurs grecs sur les infections dans les unités de soins intensifs en Grèce, la part des K. pneumoniae résistantes aux carbapénèmes est passée de moins de 1% en 2001 à 50% en 2006 (2).

Pour tenter de limiter la propagation de cette bactérie depuis l’hôpital Jacques Cartier, l’Agence régionale de santé d’Ile-de-France a décidé fin juillet de fermer le bloc opératoire pour les urgences cardiaques, rapporte Le Parisien. L’Invs a de son côté demandé l’envoi d’un courrier à toutes les personnes qui ont été hospitalisées cet été afin qu’elles soient vigilantes et qu’elles le signalent en cas de nouvelle prise en charge hospitalière.

Ces risques rappellent une nouvelle fois que l’usage des antibiotiques doit être maîtrisé et limité afin de réduire l’émergence des résistances bactériennes.


Cécile Dumas
Sciences et Avenir.fr
30/08/11

POUR EN SAVOIR PLUS, lire Antibiotiques: les bactéries contre-attaquent, Sciences et Avenir n°766, décembre 2010.

(1) Enquête nationale de prévalence des infections nosocomiales, France, juin 2006. INVS.

(2) High rates of metallo-beta-lactamase-producing Klebsiella pneumoniae in Greece:a review of the current evidence. Vatopoulos A.;  Euro Surveill. 2008 Jan 24;13(4).

1 réaction 1 réaction
à la une cette semaine

Centre de préférence
de vos alertes infos

Vos préférences ont bien été enregistrées.

Si vous souhaitez modifier vos centres d'intérêt, vous pouvez à tout moment cliquer sur le lien Notifications, présent en pied de toutes les pages du site.

Vous vous êtes inscrit pour recevoir l’actualité en direct, qu’est-ce qui vous intéresse?

Je souhaite recevoir toutes les alertes infos de la rédaction de Sciences et Avenir

Je souhaite recevoir uniquement les alertes infos parmi les thématiques suivantes :

Santé
Nature
Archéo
Espace
Animaux
Je ne souhaite plus recevoir de notifications