La méthode Coué et le management

Publié le 23/05/2023 à 08:55 dans Management.

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Difficultés avec les clients, grèves, relations tendues avec la hiérarchie… l’impact de ces temps de morosité ambiante sur votre équipe peut durablement affecter leur moral. Et d’ailleurs vous-même pouvez difficilement en échapper. Alors, comment retrouver un peu le sourire ? Un pharmacien de Nancy du début du XXe siècle aurait-il peut-être trouvé une solution : la méthode Coué ?

La méthode Coué, késako ?

Cette méthode d’autorenforcement est due à Émile Coué de la Châtaigneraie, l’inventeur de la méthode Coué (1). Elle consiste à prononcer sous la forme d’une litanie la phrase « Tous les jours, à tous points de vue, je vais de mieux en mieux ». La démarche met en jeu deux caractéristiques importantes qui la rendent persuasive :

  • elle est d’une grande facilité d’utilisation en ne demandant aucun effort particulier ;
  • elle est réalisée sous une forme répétitive. Pour ce faire, Coué distribuait une cordelette à 20 nœuds, conduisant à devoir répéter au moins 20 fois la litanie (cela rappelle bien évidemment l’utilisation du Rosaire).

La méthode Coué est apparue dès avant la Première Guerre mondiale, dans la lignée du développement de l’hypnose. Son plus grand engouement s’est déroulé durant les 20 années qui ont suivi ce conflit mondial. Par la suite, elle est tombée en désuétude et a été particulièrement décriée après l’avènement concomitant de la psychanalyse et d’une médecine plus scientifique. Enfin, elle est devenue la caricature d’une pensée faisant fi de toute réflexion rationnelle.

Pourtant, elle constitue les prémices d’une démarche de pensée positive dont les neurosciences ont montré l’existence et le véritable impact.

Les bienfaits de la Méthode Coué…

Depuis les propositions émises par la méthode Coué, de nombreuses recherches en psychologie du comportement en ont clarifié le mécanisme : l’utilisation de prophéties autoréalisatrices ou d’autosuggestion consciente. Celles-ci déclenchent des volontés positives chez les sujets qui les profèrent.

Parmi toutes ces expériences, celles réalisées par le professeur John BARGH de l’université de New York sont intéressantes (2). Il a constitué deux groupes de jeunes étudiants et leur a demandé de composer des phrases de quatre mots à partir d’une liste de cinq mots. Dans l’un des groupes, la liste comprenait plusieurs mots associés à la vieillesse comme : oubli, chauve, gris, ridé, fatigué, sérieux, etc. Lorsqu’ils eurent terminé l’exercice, ils durent se déplacer dans une autre salle en traversant un couloir. Discrètement, les chercheurs ont mesuré le temps de déplacement entre les deux groupes. Bingo, le groupe ayant composé des phrases avec des mots liés à la vieillesse se déplaçait nettement moins vite que l’autre groupe !

Il est possible d’influencer favorablement votre état tant physique que moral par la suggestion, et de cette façon, de modifier votre vision du monde qui vous entoure et de vous-même. Et cet autoconditionnement est inscrit dans votre métabolisme (3).

L’amygdale se trouve au centre de cette activation et des comportements induits. En présence d’un stimulus stressant l’amygdale active, l’hypothalamus va libérer du cortisol. Cette hormone va alors jouer pour le cerveau le rôle d’un marqueur émotionnel. Or, les souvenirs reviennent plus facilement quand notre état émotionnel au moment où on les a formés correspond à celui où on se les rappelle. Cela explique que nous nous souvenions plus facilement d’événements tristes que gais quand nous sommes déprimés.

Et ses limites…

Certes, il ne suffit pas de vouloir pour pouvoir, tant s’en faut. Mais la méthode Coué, ou, quel que soit son nom, c’est-à-dire le fait de garder une attitude optimiste, celle d’exprimer votre plaisir, ou encore d’éviter des expressions comme « Ça va être difficile, mais… » ou « Je ne vais pas y arriver », peut utilement contribuer à diminuer votre stress et celui de votre entourage. Son caractère répétitif doit aider à la rendre naturelle, loin de toute émotion feinte. C’est un résultat précieux dont le manager ne doit pas se passer.

Cependant, il faut tout autant rester conscient de la réalité d’une situation professionnelle et ne pas tout voir en rose. Le monde du travail crée de réels obstacles pour vos collaborateurs, et si l’un d’eux tient des propos négatifs, c’est peut-être parce qu’il est réellement en difficulté. Il s’agit alors de rester à l’écoute pour gérer avec lui cette phase difficile, et non pas d’en nier la réalité. De même, se dire de façon récurrente que l’on est un manager efficace, en s’efforçant de se souvenir de ses réussites, est une démarche en accord avec la méthode Coué. Cependant, il faut aussi garder une certaine distance avec cette autopersuasion pour ne pas tomber dans l’arrogance. Voire dans l’aveuglement.


(1) La méthode Coué : histoire d’une pratique de guérison au xxe siècle, Hervé GUILLEMAIN, Éditions du Seuil.
(2) Système 1/Système 2 : les deux vitesses de la pensée, Daniel KAHNEMAN, Éditions Flammarion.
(3) Neurobiologie de la personnalité, Joseph LEDOUX, — Éditions Odile Jacob.

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Pascal Jacquin

Expert en communication interpersonnelle

20 ans d’expérience comme responsable commercial, puis comme directeur de la formation dans diverses grandes entreprises.

Consultant depuis 2004 en ingénierie pédagogique et spécialiste des domaines …