Chronique

Space Galvachers

Sounds of Brelok

Clément Janinet (vln), Clément Petit (cello), Benjamin Flament (perc)

Label / Distribution : Autoproduction

Il est des titres de pièces, d’albums, qui vous mènent directement à votre dictionnaire (ou à Google pour les plus jeunes). Les galvachers (mot français) sont des charretiers qui louaient leur force de travail, et celle de leurs animaux de trait, pour des transports de charges lourdes. Quant à l’espace ici associé, votre imagination doit, elle aussi, travailler lors de la lecture des différents titres.
Clément Janinet (vln) et Benjamin Flament (perc) ont déjà enregistré en duo. Ils se sont croisés avec Clément Petit (cello) depuis plus de dix ans au sein de diverses formations.

Celle de leur trio, « Space Galvachers », n’est pas si courante, par la force des choses : violon, violoncelle et batterie. L’originalité des voix mélodiques est pour une part dans l’usage assez large, avec brio, du pizzicato, ce qui donne une couleur très particulière. Quant aux archets, comme dans « Foire à Westerlund », ils proposent des séquences courtes dont la succession fait mélodie, ou des bourdonnements agacés, des parasitages aux limites des musiques bruitistes, comme dans « Lex Gundobada » [1], voire des chaos, mais avec une force de rappel mélodique et rythmique constante. C’est qu’ils restent attachés au caractère populaire de leur musique. Aparté culturel, on apprend encore via Google que Westerlund est un amas d’étoiles singulières de la Voie lactée. Et pour prolonger les références spatiales, la pièce suivante est un « Quadrille aux Étoiles » qui s’ouvre sur un duo violoncelle - xylophone (un « Flamentophone ») surprenant et une ligne tout aussi étonnante de pizz d’un violon « ukulélé », aux couleurs exotiques. La rythmique est laissée aux cordes pincées de Clément Petit, Benjamin Flament choisissant un registre plus feutré, ses paumes sur les peaux.

La musique de ce trio accroche l’attention par un mélange original de rythmiques et de mélodies balisées, confrontées à des parasitages, des vrilles, des crépitements, des couleurs à l’exotisme assumé au voisinage d’un humour certain. Le recours assez large aux cordes pincées crée des décalages savoureux, et disons-le, favorise l’adhésion au projet, tout comme ce premier titre qui est aussi celui de l’album, « Sounds of Brelok ».
Ce thème qu’on croit reconnaître d’emblée, aux couleurs mixant l’Afrique et les Antilles, nous accroche. Après les pizz, le violon fou de Clément Janinet retrouve l’archet et quitte toute mélodie pour un tourbillon irrésistible, loin des traditions … mais y revient tout naturellement.

Cet album est un exemple de ce que de jeunes créateurs font de leur héritage culturel et des tendances aux marges de l’aventure musicale. Ils s’approprient ces composants, non pour un « ready-made » mais pour réinventer un jazz tout neuf qui, ainsi malmené, ensemencé, peut conduire à bien d’autres paysages encore.
On peut rappeler qu’un précédent projet de Clément Janinet s’inspirait d’une démarche similaire : « OURS » ou « Ornette Under Repetitive Skies »
Un enregistrement vivifiant !
Une vidéo, celle de « Rat soleil »

par Guy Sitruk // Publié le 1er novembre 2020
P.-S. :

[1Le Code civil des Burgondes du VIe siècle.