C’est une salle de cours bien particulière : derrière les écrans des ordinateurs, les étudiants prennent les commandes d’un réacteur. Equipées d’un logiciel de simulation à 10 000 euros la licence, utilisé par EDF dans ses formations, les machines reproduisent « 90 % de ce qu’on peut faire dans une centrale nucléaire », décrit Nicolas Capellan, enseignant à Phelma, école d’ingénieurs grenobloise. Modélisation de cuve, de turbine… « Les élèves adorent. Evidemment, ils essaient toujours d’aller jusqu’à l’accident, pour tester les limites… », confie Elsa Merle, responsable du master énergétique nucléaire de Phelma.
Les clauses de confidentialité sont strictes – les étudiants de certaines nationalités, notamment les Chinois, ne peuvent pas l’utiliser. Quentin Poirier, arrivé à Grenoble après deux ans de prépa à Metz, écoute avec envie la démonstration de son professeur. Fasciné par le nucléaire « et par la bombe » depuis des épisodes de l’émission « C’est pas sorcier », il espère plus tard faire carrière dans la R&D, pour construire des réacteurs de quatrième génération.
Pendant plus d’une décennie, les formations dans le domaine du nucléaire ont peiné à attirer les élèves ingénieurs. « En 2016, dans mon master à l’Institut national des sciences et techniques nucléaires [INSTN], nous étions 16, et l’année suivante ils étaient 12. Ils parlaient de fermer », se souvient Tristan Karmin, jeune ingénieur basé dans le Cotentin. En matière d’attractivité, la catastrophe de Fukushima, au Japon, en 2011 a été une douche froide, tout comme l’incertitude sur l’avenir des centrales en France.
Des filières qui ne faisaient plus le plein
« L’arrêt de la centrale nucléaire de Fessenheim, et surtout l’absence de nouveaux grands chantiers, ne nous ont pas aidés », remarque Cécile Arbouille, déléguée générale du Gifen, groupement industriel qui représente la filière. Sans parler des retards et des problèmes dans la construction de l’EPR à Flamanville, du démantèlement d’Areva, de l’arrêt du projet nucléaire Astrid… « A un moment, les jeunes avaient peur de perdre leur emploi s’ils s’engageaient dans cette filière. Et puis, aller dans une industrie où la perspective d’avenir, c’est de fermer des installations, ce n’est pas très enthousiasmant », reconnaît Valérie Faudon, porte-parole de la Société française d’énergie nucléaire (SFEN).
Depuis deux ans, les candidats sont de retour. A Phelma, la filière fait partie cette année des trois les plus demandées. Marie Caillaux, étudiante de 23 ans, y est inscrite : après son diplôme, cette passionnée de physique aimerait devenir « opératrice de conduite » dans une centrale – « appuyer sur les boutons, quoi », quitte à faire des « trois-huit », être parfois d’astreinte le week-end, et vivre loin d’une métropole.
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