Selon une étude de 2021 menée par l’Observatoire du coût des conflits au travail, près de deux tiers des salariés d’entreprise sont confrontés à des conflits dans leur organisation. D’ailleurs, trois heures de leur temps de travail hebdomadaire sont considérées comme « perdues » puisqu’ils se focalisent sur ces conflits. Au sein d’une entreprise, les personnalités se mélangent. A cela s’ajoute évidemment les relations de subordination, tout comme la course à l’évolution ou à la promotion. Du conflit déclenché par un simple « bonjour » un peu agressif, à un conflit plus profond de mésentente entre deux collaborateurs, vous, manager, avez la lourde tâche d’apaiser les tensions et de trouver des solutions. Comment faire alors pour transformer un conflit en collaboration harmonieuse ? Comment maintenir un esprit d’équipe redoutable dans votre organisation ? Quelle voie montrer à votre équipe pour gérer ses émotions et prendre du recul ? Explications.

Etre à l’écoute de votre équipe pour anticiper les conflits

Dans un premier temps, il est essentiel d’être à l’écoute de votre équipe. Si cette tendance s’applique à bien des situations, elle est surtout capitale pour anticiper ou entrevoir la naissance de tensions entre certains collaborateurs.

Cela implique votre présence régulière au bureau, avec l’intégralité de l’équipe. En effet, profiter d’un jour de présence en commun dans un contexte de télétravail permet, entre autres, de resouder votre équipe mais aussi d’identifier les salariés en souffrance (burn-out), ou en conflit. Cette présence est aussi la clé pour accompagner un salarié en proie au syndrome de l’imposteur ou à l’effet Dunning-Kruger.

Soyez attentif à la communication verbale et non verbale de vos collaborateurs. Pour cela, il est utile de sortir de votre bureau et de travailler avec votre équipe. Ecoutez la manière dont ils parlent, le respect dont ils font preuve, évaluez le sens de l’écoute, de l’entraide…

Enfin, réalisez des entretiens individuels régulièrement avec chacun de vos collaborateurs, en leur demandant comment se passe leur quotidien au bureau, les échanges avec les autres, etc. Intéressez-vous vraiment à la réponse formulée par votre collaborateur. Hésitation, regard fuyant, stress, gestes répétitifs… N’hésitez pas non plus à leur demander s’ils constatent des tensions dans l’équipe en général.

Connaître chaque point de vue

Lorsque vous identifiez des tensions au sein de votre équipe, il est nécessaire d‘agir, et rapidement afin d’éviter que le conflit ne s’enlise.

Pour ce faire :

  • allez à la rencontre de chaque partie prenante, séparément.
  • profitez d’un moment hors du bureau ou dans un cadre moins formel à l’abri des regards. Il peut s’agir de prendre un café, d’aller marcher quelques minutes en extérieur, de déjeuner. Ici, il est question de désamorcer le conflit et de libérer la parole.
  • demandez à chaque collaborateur de raconter les faits, sans les interrompre.
  • ne faites aucun jugement, aucun commentaire, tant que vous n’avez recueilli l’intégralité des points de vue.
  • soyez compréhensif, à l’écoute, interrogez leurs émotions, leurs sentiments, la manière dont ils envisagent la suite de la collaboration.

En procédant de cette manière, vous ne prenez pas parti. De plus, en permettant à chacun de s’exprimer, vous allez très vite identifier quelques causes entourant le conflit ou les tensions. Parfois, vous pourriez même vous rendre compte que les collaborateurs en conflit s’en veulent pour la même chose ! Ou qu’il s’agit simplement d’un souci de communication ou d’un quiproquo.

Comprendre la cause du conflit

Une fois les points de vue de chacun en votre possession, vous devez passer à la phase d’identification du problème. Le conflit peut être d’ordre relationnel, ou organisationnel, ou les deux.

Les conflits relationnels entourent généralement la communication en entreprise, la gestion des émotions des uns et des autres, l’idée de composer avec la personnalité de chacun, etc.

Les conflits organisationnels entourent quant à eux l’opérationnel au travail. Il se peut même que votre responsabilité soit engagée car le cap donné n’est pas suffisamment clair, les objectifs ne sont pas SMART, chacun sait-il ce qu’il doit faire ? Les niveaux hiérarchiques sont-ils bien définis ? Y a-t-il plusieurs personnes sur une même mission ? Avec quel degré de responsabilité ? Faites-vous preuve d’équité ?

Jouer le rôle du médiateur au cours d’un entretien

Vous venez d’identifier la cause du problème et avez même quelques idées de solutions dans la tête pour apaiser les tensions et retrouver l’équilibre dans votre équipe. En revanche, il est essentiel de laisser d’abord les collaborateurs en conflit trouver eux-mêmes un terrain d’entente !

Alors, réunissez-les. Vous pouvez le faire au bureau, dans un cadre formel. Sinon, vous pouvez opter encore une fois pour un rendez-vous en dehors du cadre du bureau, pour détendre l’atmosphère.

  • Imposez-vous comme médiateur : gérez le temps de parole, questionnez, reformulez pour que chacun valide, soyez à l’écoute, compréhensif. Incarnez une posture qui amène aux confidences, qui soit favorable à la résolution du conflit : visage ouvert, sourire, ton calme, apaisé.
  • Rappelez les raisons de cette réunion : le conflit survenu sans revenir sur les faits pour ne pas raviver la rancœur.
  • Imposez des règles : ne pas interrompre, écouter, tenter de se mettre à la place de l’autre avec empathie et bienveillance.
  • Indiquez que vous avez pu échanger avec chaque personne pour recueillir le point de vue, les ressentis.
  • Vérifiez que chaque partie prenante est d’accord avec les faits énoncés.
  • Insistez sur l’importance du bien-être au travail, de la cohésion de groupe.
  • Revenez sur des moments éventuels où ces personnes ont travaillé ensemble, en harmonie.
  • Identifiez la complémentarité de l’un et de l’autre pour renforcer leurs liens.
  • Mettez en lumière des éléments importants de leur point de vue : l’élément déclencheur, les émotions partagées par l’un et l’autre sans qu’ils ne s’en rendent compte.
  • Questionnez-les pour qu’ils mettent des mots sur leurs émotions et qu’ils verbalisent à l’autre partie leur ressenti. L’idée est alors que les collaborateurs en conflit passent par l’étape de la « traduction« . Entre le message envoyé et le message perçu par l’autre, il y a l’interprétation, les suppositions, les émotions et les expériences qui entrent en jeu et peuvent considérablement modifier le message initial :
    • Qu’est-ce qui vous a contrarié l’un et l’autre ?
    • Quel est le point bloquant ?
    • Quelle attitude a perturbé votre équilibre ?
    • Qu’aimeriez-vous par la suite pour que cette situation ne se reproduise pas ?
    • Qu’avez-vous compris quand votre collègue vous a dit ça ou a fait ça ?
    • Etc.

Trouver un accord pour maintenir l’équilibre

A l’issue de cet entretien, l’origine du conflit est identifiée. Les collaborateurs ont pu s’exprimer librement. Ils se sont aussi sentis soutenus par votre intervention.

Maintenant, il s’agit de trouver un solution à ce conflit :

  • La réconciliation entre les collaborateurs : le conflit est apaisé, les collaborateurs se sentent sereins, ont envie de faire des efforts pour maintenir de bonnes relations. Il est question de tourner une page et d’avancer.
  • La neutralisation : le conflit est apaisé. Pour autant les collaborateurs sont encore fermés à l’idée de se réconcilier. Vous devez donc trouver des solutions tous ensemble pour maintenir l’équilibre, le temps que les tensions s’apaisent réellement.
  • La séparation : dans les cas les plus graves de conflits, lorsque la situation dégénère ou que les choses ont atteint un point de retour, il peut arriver qu’un collaborateur souhaite quitter son poste ou que vous, manager, ayez la lourde tâche de vous séparer de l’un d’eux. En effet, lorsque l’esprit d’équipe est en danger, c’est tout un business qui en pâtît.

Suivre l’évolution du conflit

Quel que soit le conflit pris en charge, veillez à suivre de près les collaborateurs concernés les jours et semaines suivantes. Par exemple, vous pouvez faire un point avec chacun d’eux, mais aussi un point en commun pour évaluer leur entente.

Les relations sont-elles meilleures ? Les tensions se sont-elles envolées ? Des efforts ont-ils été effectués ? Avez-vous des soucis de communication ? Si oui, comment l’avez-vous géré ? Comment vous sentez-vous ?

Dans le cas de figure où vous avez dû neutraliser le conflit en adaptant un peu l’organisation de votre équipe pour que les salariés en conflit prennent de la distance, il peut être question de peu à peu les rapprocher. Vous pourriez par exemple les mettre sur un même projet court pour les remotiver, où chacun pourrait faire valoir son expertise librement.

Anticiper les futures tensions en renforçant la cohésion de groupe

Votre rôle de manager implique l’anticipation de certaines tensions. Alors, il est question de renforcer la cohésion de votre équipe en favorisant les échanges constants, formels ou informels. Appuyez sur les forces de chacun, le besoin de s’aider des autres pour avancer. Valorisez l’entraide, la solidarité, l’implication, le sens de l’écoute, la bienveillance.

Pour un esprit d’équipe redoutable, il est recommandé de permettre à votre organisation de partager des moments conviviaux, histoire qu’ils apprennent à se connaître davantage en tant qu’hommes et femmes, et pas seulement comme collègues. Qui ne s’est jamais dit : « tiens, je ne pensais pas que untel était comme ça dans la vie de tous les jours ! Tiens, nous avons ce point en commun, je ne l’aurai jamais imaginé ! Toi aussi tu fais ça sur ton temps libre ? Génial ! ». Une simple information, une simple expérience de vie, un souvenir, une musique, peuvent créer des atomes crochus entre des collaborateurs qui pensaient jusqu’alors ne rien avoir en commun.

Vous pouvez aussi former votre équipe à la communication positive. Par exemple, il existe le profil OPR. Les collaborateurs vont apprendre à mieux se connaître personnellement en comprenant leur mode de fonctionnement : de quoi ont-ils besoin pour communiquer ? Comment communiquent-ils ? Comment faut-il communiquer avec eux ? Quels sont les messages qu’ils comprennent vite, qu’ils intègrent ? Quels sont les efforts que chacun doit faire pour ne pas déséquilibrer l’autre quand il communique autrement ?

Dès lors, chacun fait un effort pour comprendre l’autre. Certains ont besoin d’échanges informels, car ils sont guidés par les émotions, quand d’autres peuvent s’en passer sans que cela signifie qu’ils n’aiment pas leurs collègues. Certains vont toujours axer leur discours sur la performance ou les résultats. Certains comprendront qu’ils n’ont pas tendance à demander de l’aide quand il s’agit d’un besoin pour d’autres que de travailler en équipe ou de demander l’avis de l’un de l’autre. Ce type de formation ouvre l’esprit, invite à la tolérance et la bienveillance en s’acceptant tous comme ils sont, et en composant avec.

Montrer l’exemple quotidiennement

Enfin, comme toujours, vous devez montrer l’exemple ! Si votre management est bienveillant, votre manière de communiquer rayonnera sur votre équipe. Avant d’attendre de votre équipe cohésion, solidarité, écoute, bienveillance, soutien, présence, bonne entente, vous devez vous même incarner toutes ces valeurs.

Un manager qui s’énerve facilement, qui hurle, qui ne s’exprime pas avec respect véhicule le mauvais message. Il créé un cercle vicieux et instaure un cadre pesant au travail, source de stress.

Un manager qui, au contraire, a un discours posé, compréhensif, porté vers l’autre, influera positivement son équipe. Déjà parce que sa manière de communiquer ne sera ni stressante, ni angoissante, ni perturbante pour ses collaborateurs. Une bonne atmosphère de travail est source d’apaisement, de sérénité.

Votre posture de chef vous amène à inspirer quotidiennement votre équipe, qui vous place comme référence, comme pilier, comme meneur. Un bon meneur d’équipe est un manager capable de montrer le chemin pour que chacun soit performant, heureux au travail, motivé, serein. La résolution des conflits est importante au sein de votre organisation. L’évitement ne sert à rien. Gardez à l’esprit que les conflits engagent émotionnellement les collaborateurs. Les conséquences peuvent être très graves si vous ne prenez pas la situation en main.

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