Covid-19 ‒ Jean-Charles Houyvet, Groupe My Mobility : « J’ai décrété un couvre-feu total »

Les 3 300 véhicules du Groupe My Mobility, spécialiste du transport scolaire d’enfants en situation de handicap, sont à l’arrêt depuis la fermeture des écoles de 13 mars. L’entreprise a proposé trois solutions à ses partenaires financiers pour prendre en compte la non-utilisation de la flotte.
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Jean-Charles Houyvet, Groupe 2BR Mobilité

Quels ont été les effets du confinement sur l’activité de la flotte ?

Le 13 mars, du jour au lendemain, nos 3 300 voitures se sont arrêtées partout en France. Nous avons alerté tous nos chauffeurs pour sécuriser le parc. Nous leur avons demandé s’ils disposaient d’un parking privé et sécurisé. Lorsque ce n’était pas le cas, nous avons trouvé une solution de proximité – un parking payant – ou bien nous avons rapatrié les véhicules à l’agence. Cela représente des coûts d’exploitation, pour financer les parkings ou les trajets retour des personnels ayant ramené leur véhicule.

Tous les véhicules sont-ils immobilisés ?

J’ai décrété un couvre-feu total : tous les véhicules doivent rester à l’arrêt. Dès qu’un véhicule bouge, nous recevons une alerte via notre solution de télématique et nous appelons le chauffeur pour en connaître la raison. Généralement, il s’agit d’un cas de stationnement gênant, de stationnement alterné ou d’une urgence personnelle. Nous avons également bloqué les cartes carburant, souvent laissées dans les véhicules, afin d’éviter tout vol. Le plus important dans notre domaine est de maintenir une communication hebdomadaire avec nos chauffeurs, tous des travailleurs isolés, pour les rassurer. C’est essentiel au niveau humain et pour la continuité des affaires.

Comment avez-vous adapté la gestion de la flotte ?

Nous avons allégé la gestion des tâches administratives. Dans un premier temps, tout le monde était sur le pont pour mettre en place les mesures liées au confinement. Nous avons tout d’abord généralisé le télétravail dès que les conditions le permettaient (smartphone, PC et connexion à distance) et avons restreint progressivement les activités de gestion, les gestionnaires passant au fil de l’eau au chômage partiel. Plusieurs missions se sont en effet arrêtées telles que la gestion des sinistres et le suivi des véhicules dans les garages. Nous avons maintenu une hotline pour traiter les urgences (vandalisme notamment) et continuons à distance en revanche la gestion des PV et des factures.

Où en est la maintenance des véhicules ?

En ce moment, nous en profitons pour remettre en état les véhicules qui ont eu un accrochage, nous changeons les pare-brise, effectuons les contrôles techniques, etc. Afin d’avoir le meilleur maillage possible, nous avons en effet des partenariats historiques avec de gros faiseurs dont France Pare-Brise, Mondial Pare-Brise ou encore Feu vert, Euromaster et Profil Plus. Nous communiquons régulièrement aux chauffeurs la liste des partenaires d’astreinte.

Quelles difficultés avez-vous rencontrées ?

Nous avons rencontré des difficultés pour restituer les véhicules, les parcs et les concessions étant fermés. Nous avons donc demandé une suspension des loyers dans l’attente d’une solution plus définitive. La Diac et VW Bank proposent d’ores et déjà de décaler de trois mois le recouvrement des loyers dans le cas des contrats de LLD et de LOA.

Mais compte tenu de la non utilisation des véhicules pour une durée encore incertaine, un simple report des charges n’est pas une solution satisfaisante pour une PME comme la nôtre en termes de trésorerie. J’ai donc contacté nos partenaires financiers et leur ai soumis trois possibilités susceptibles de satisfaire nos attentes, tout en leur assurant l’intégralité des paiements au plus tard au terme des contrats.

Que leur avez-vous proposé ?

J’ai proposé soit une prolongation de l’échéance du contrat de location d’une période équivalente à la période chômée (gel des loyers), tout en maintenant la valeur résiduelle à l’échéance reportée ; soit une non-facturation de la période chômée et une augmentation de la valeur résiduelle du montant des loyers non facturés : soit enfin une non-facturation de la période chômée avec un maintien du contrat initial et l’intégration d’un amortissement des loyers sur les loyers restants à échoir post-période chômée. Ces options sont encore en cours de négociation mais nos banquiers ont globalement accepté de mettre en œuvre l’une ou l’autre d’entre elles. Une autre piste pourrait être de négocier à la baisse les contrats car les voitures ont moins roulé que prévu. En conséquence, la valeur résiduelle – calculée sur un couple durée-kilomètre – ne sera plus la même.

Dans le cadre des contrats de location courte dure ou qui arrivent à échéance durant le confinement, la situation est plus compliquée. Il faut voir si nous pouvons prolonger les contrats de trois mois. C’est possible sauf si le véhicule de remplacement est déjà dans les tuyaux, ce qui entraînerait la superposition de deux charges. Toutefois, comme les usines sont à l’arrêt, cela peut intéresser les constructeurs de décaler certaines livraisons de trois mois.

Où en êtes-vous des livraisons ?

Le Groupe MyMobility œuvre dans le transport scolaire d’enfants en situation de handicap. Toutes les livraisons sont donc prévues pour le mois d’août et nous avons eu des engagements de la part de Renault et de Volkswagen sur des véhicules déjà produits. En revanche, nous n’avons pas encore de réponse ferme du Groupe PSA.

Comment anticipez-vous la fin du confinement ?

Notre objectif est que le parc soit impeccable lors de la reprise. Dans les prochains jours, nous allons communiquer avec les chauffeurs pour qu’ils démarrent tous leurs véhicules un jour donné. Nous aurons ainsi des indications sur la charge de la batterie via la télématique et pourrons faire de la maintenance préventive. Nous connaîtrons aussi le niveau de carburant et pourrons si besoin demander aux chauffeurs de faire le plein avant de reprendre le travail. Enfin, la consigne sera de nettoyer les véhicules avant la reprise.

Quelles mesures sanitaires allez-vous prendre ?

L’équipe dirigeante du Groupe My Mobility passe beaucoup de temps avec les actionnaires du groupe qui nous accompagnent au quotidien, avec nos chauffeurs qui attendent la reprise de l’école avec impatience, et avec les banquiers pour prévoir des plans d’actions. Je travaille également sur la prévention du risque avec un avocat. Nous allons faire tout ce que préconise la loi en mettant à disposition les EPI préconisés (gel hydroalcoolique, mouchoirs, masques, etc.) pour les chauffeurs qui sont au contact du public, ainsi que des kits de désinfection pour les véhicules. La plus grande difficulté est devant nous !

Nous devons en effet trouver des solutions pour approvisionner nos 3 300 chauffeurs en masques, sachant qu’il faut deux masques à usage unique par jour et par chauffeur. Cela représente 130 000 masques par mois et un budget de 2 millions d’euros par an. Or, nous rencontrons notamment des problèmes pour nous approvisionner et faire livrer des masques sur des sites différents : les colis se font généralement détourner ou sont volés. Les fournisseurs nous demandent donc de venir chercher les masques et de les distribuer nous-mêmes… Cette logistique coûte très cher aux entreprises.

Le précédent article sur le Groupe My Mobility

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