Soucieux de voir émerger une « nouvelle Turquie », offensive et sûre d’elle, moins dépendante de ses alliés occidentaux, le président Erdogan a une obsession : renforcer les capacités de défense de son pays. Il veut son propre complexe militaro-industriel, comme son « ami » Vladimir Poutine.
Pour y parvenir, l’industrie de défense a développé deux priorités : les équipements navals et les drones. La décennie à venir devrait voir l’entrée en service de six nouveaux sous-marins et de nouvelles frégates équipées de radars et de missiles. En 2021, Ankara inaugurera son nouveau vaisseau amiral : le navire d’assaut amphibie Anadolu, qui sera le premier porte-avions de la marine turque.
La production de drones est l’autre fleuron de l’industrie de défense turque en plein essor. L’entreprise privée Baykar, dirigée par Selçuk Bayraktar, le gendre de M. Erdogan, le mari de sa fille cadette, Sümeyye, produit la plupart des drones armés et non armés destinés à l’armée turque. Avec cette production, la Turquie équipe une partie de ses troupes et s’assure quelques débouchés à l’export. Récemment, l’Ukraine a déclaré son intention d’en acquérir.
Dégâts aux habitations civiles
Les drones turcs sont utilisés par l’armée azerbaïdjanaise dans le cadre du conflit qui l’oppose aux indépendantistes arméniens pour le contrôle du Haut-Karabakh dans le sud du Caucase. « Grâce à la technologie fine des drones turcs, armés ou non armés, nous avons évité des pertes humaines », a reconnu le président azerbaïdjanais, Ilham Aliev, le 5 octobre. Les TB2, des drones armés produits par Baykar, ont ainsi permis aux forces azerbaïdjanaises, conseillées et équipées par l’allié turc, de paralyser une partie de la défense aérienne, de l’artillerie et des blindés arméniens.
En février, lorsque la Turquie a lancé une offensive à Idlib, dans le nord de la Syrie, elle a utilisé ces mêmes TB2 pour détruire des centaines de véhicules blindés de l’armée de Damas, ainsi que des Pantsir de fabrication russe, un système de défense aérienne à courte portée. L’emploi des drones s’est ensuite répété en Libye. Enfin, dans la région kurde du nord de l’Irak, les drones utilisés contre l’insurrection armée du PKK, dont le QG est à Qandil, non loin de la frontière avec l’Iran, ont changé la donne, non sans causer beaucoup de dégâts aux habitations civiles.
Dans son offensive sur le Haut-Karabakh et les régions avoisinantes, l’armée azerbaïdjanaise a également utilisé des drones Kargu-2 de fabrication turque. Produit par la société turque STM, ce drone est un engin kamikaze qui repère et détruit sa cible au moyen d’une ogive explosive, à fragmentation ou non.
Dépendance vis-à-vis de l’étranger
Alerté par la diaspora arménienne sur les dégâts causés par les drones turcs dans le conflit autour du Haut-Karabakh, le Canada a annoncé le 5 octobre avoir décidé de suspendre ses exportations de matériel sensible à destination de la Turquie.
La société canadienne L3Harris Wescam a donc mis fin à la fourniture d’optiques de précision et de ciblage à Baykar. Ismail Demir, responsable turc des achats dans le domaine de la défense, a assuré que la Turquie allait commencer à produire son propre système électro-optique pour remplacer la technologie canadienne.
La décision du gouvernement canadien est venue rappeler combien l’industrie turque de défense reste dépendante de ses fournisseurs étrangers. La plupart des armes produites en Turquie dépendent à divers degrés de pièces fabriquées par ses alliés de l’Alliance atlantique.
L’industrie turque de défense peine ainsi à produire ses propres moteurs. Le char de nouvelle génération Altay n’est toujours pas en service, il lui manque un moteur et un système de transmission. Quant au porte-avions Anadolu, censé entrer en service l’année prochaine, il est construit sous licence de la société espagnole Navantia.
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