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Richard Malka: «Les statistiques du CCIF sur l’islamophobie ne sont pas fiables!»

L’avocat Richard Malka. JOEL SAGET/AFP

FIGAROVOX/ENTRETIEN - Dans un jugement rendu le 18 juin, le tribunal a jugé que les propos d’Isabelle Kersimon sur le CCIF n’étaient pas diffamatoires. La journaliste avait dénoncé en 2015 la comptabilisation des actes islamophobes par le CCIF. Son avocat, Richard Malka, répond au FigaroVox.


Richard Malka est avocat au barreau de Paris. Il défend notamment le journal Charlie Hebdo.


FIGAROVOX.- Le tribunal a estimé que votre cliente, Isabelle Kersimon, n’avait en rien eu des propos diffamatoires à l’égard du CCIF. Il n’est donc pas interdit d’affirmer que ce collectif est lié aux Frères musulmans?

Richard MALKA.- Ce point-là a en effet été jugé comme non diffamatoire, et relevant de la liberté d’opinion et d’analyse. En l’occurrence, la proximité du CCIF avec les Frères musulmans et en particulier avec Tariq et Hani Ramadan, petits fils du fondateur des Frères musulmans Hassan el-Banna, me paraissait du reste indiscutable. Isabelle Kersimon en a fait état, et le tribunal a estimé qu’il n’avait rien à lui reprocher là-dessus. D’ailleurs, les représentants du CCIF étaient gênés lorsque ces questions ont été abordées lors de l’audience. Mais enfin, les Frères musulmans ne sont pas interdits en France. Le CCIF peut bien partager un grand nombre de discours en commun avec eux, et entretenir une amitié et une complicité intellectuelles! Simplement, il faut l’assumer.

Les propos qu’a tenus la journaliste ont été tenus lors d’une émission où elle reprochait au CCIF d’avoir publié des statistiques «bidon» sur l’islamophobie...

C’est à partir de ces chiffres que le CCIF construit son discours de victimisation permanente.

En effet, le CCIF a publié en 2015 ses propres chiffres sur l’islamophobie, et ceux-ci ont paru nettement exagérés par rapport à ceux du ministère de l’Intérieur, mais aussi par rapport à ceux du CFCM, qui a d’ailleurs remis en cause la fiabilité du CCIF. Ce qu’Isabelle Kersimon a reproché au Collectif contre l’islamophobie en France, qui ne publie d’ailleurs plus depuis 2012 la liste des cas qu’il considère comme étant islamophobes, est d’en faire un fourre-tout dans lequel ils comptabilisent les expulsions d’imams qui appellent au djihad, les poursuites engagées contre les imams qui appellent au viol des femmes qui portent la jupe, ou qui tiennent des propos antisémites... C’est ubuesque! La démonstration a été remarquablement effectuée par Isabelle Kersimon, sans que le juge y trouve quoi que ce soit à redire, ce qui signifie bien que les statistiques du CCIF ne sont pas fiables - pour utiliser un euphémisme. C’est très important de le dire, car c’est à partir de ces chiffres que le CCIF construit son discours de victimisation permanente, qui mène ensuite au sentiment d’humiliation et à la violence. C’est en cela que la décision du tribunal est extrêmement intéressante. On ne peut pas se fier au CCIF. Et si l’on veut connaître avec précision le nombre d’actes racistes (terme que je préfère à «islamophobes»), mieux vaut consulter les chiffres de Beauveau ou du CFCM, qui du reste sont assez proches.

Vous avez été aussi l’avocat de Charlie. Comment expliquez-vous le grand nombre de procès de journaux ou de journalistes intentés par des instances représentatives de la communauté musulmane?

Je vis très fréquemment ces offensives puisque je défends régulièrement des journalistes, des intellectuels ou des écrivains, parfois musulmans d’ailleurs. Cette offensive judiciaire n’émane heureusement pas des autorités de l’islam (à l’exception regrettable du procès des caricatures publiées par Charlie), mais d’associations communautaristes qui cherchent à museler la liberté d’expression. Elles veulent tout simplement empêcher un discours critique à leur endroit de s’exprimer.

La critique de l’islam reste un combat compliqué, alors que par ailleurs, on peut tout dire sur la religion chrétienne.

L’islam est-il aujourd’hui encore un sujet tabou?

C’est en tout cas un sujet difficile. Je crois que tout doit pouvoir être dit sur l’islam, y compris les critiques les plus véhémentes, comme d’ailleurs à l’égard de toutes les religions. C’est ce qu’une partie de la gauche ne comprend pas: critiquer les religions, c’est défendre les hommes contre le fanatisme. Mais c’est en effet très compliqué, car les accusations d’islamophobie pleuvent, et que certains médias sont très sensibles à cet argumentaire. La critique de l’islam reste un combat compliqué, alors que par ailleurs, on peut tout dire sur la religion chrétienne. Il existe au sein de l’islam une entreprise de culpabilisation, et je combats cela au côté des musulmans eux-mêmes.

Le mot «islamophobie» continue de vous déranger...

Oui, et nous avons pratiquement perdu ce combat, puisque le mot est aujourd’hui entré dans le langage courant. Je continue malgré tout de penser qu’on a le droit d’avoir peur de l’islam ou de n’importe quelle religion en général. Pour moi, il existe des formes de racisme, qui s’exercent contre les personnes parfois à raison de leur religion, mais il ne doit pas y avoir de délit dès lors que l’on critique une religion, auquel cas on interdirait le blasphème. La critique contre les religions doit pouvoir être totale, sans pour autant que l’on manque de respect à l’égard des personnes. L’argument de la peine que l’on peut faire aux croyants ne doit pas être pris en compte pour justifier que l’on interdise telle ou telle critique.

Richard Malka: «Les statistiques du CCIF sur l’islamophobie ne sont pas fiables!»

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106 commentaires
  • LeSap

    le

    Le drame ou au moins le problème critique de l’islam, c’est d’être véritablement enfermé depuis plusieurs siècles dans ses certitudes, dans la conviction mortifère de sa "vérité". Il semble incapable d'autocritique et donc d’évolution et considère de façon paranoïaque que toute remise en cause de ses dogmes constitue un véritable sacrilège.

  • Pascal075

    le

    C'est étonnant , nous pouvons adapter cet article à l'ant``````isme, changez juste les mots définis par sio--nisme, ou encore OSM et ça le fait... La seule chose qui change seront les réactions...

  • 3028236

    le

    Le CCIF devrait apprendre à parler le français convenablement, le suffixe phobie ne signifie pas haine mais peur. Une phobie (du grec ancien φόβος / phóbos, frayeur1, crainte2 ou répulsion3) ne désigne pas la haine mais la peur; le mot phobie est emprunté au langage psychologique et psychanalytique est donc détourné de son sens originel. La phobie ne peut pas être remplacée par racisme en cela je suis en désaccord avec Monsieur Malka. La phobie est une pathologie névrotique (hystérie d'angoisse)et ne peut pas être évoquée lorsque l'on parle de racisme. Je ne comprend pas pourquoi les "psys" se sont laissés déposséder de ce terme qui relève des troubles psychiques. La peur est une émotion très utile à l'être humain, cette émotion sert à nous protéger du danger. Comment peut on accuser une personne de son vécu émotionnel? Si l'on veut évoquer la haine et la discrimination il faut employer le terme de raciste ou racisme. Donc cela n'a aucun sens d'accuser une personne d'islamophobie car nous sommes dans le domaine de l'émotion et non pas du jugement et de la culpabilité, sinon je ne pourrais plus recevoir mes patients phobiques car je devrais leur dire que leur problème relève de la justice et non pas de la thérapie. Pour moi la chose est claire on a le droit d'être islamophobe comme on a le droit d'être agoraphobe, claustrophobe etc. La phobie est avant tout une souffrance psychique qui doit être respectée en tant que telle.