Santé mentale : l’urgence d’agir, loin des tabous – par Stéphane Junique

Notre société, entravée par ses tabous séculaires, a longtemps tardé à reconnaître la santé mentale. Alors que la situation des finances publiques de notre pays conduit à des renoncements de l’État, cette question fait aujourd’hui consensus, portée par un engagement fort de la part du Premier ministre pour en faire la Grande cause nationale en 2025. Il aura fallu la crise du Covid et plus encore le constat de la dégradation de la santé psychique des Français pour qu’enfin émerge la prise de conscience.
Si nous pouvons nous satisfaire de cet engagement, avons-nous réellement mesuré l’ampleur de l’enjeu ?
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De quoi parle-t-on ? La santé mentale est un « état de bien-être qui permet à chacun de réaliser son potentiel, de faire face aux difficultés normales de la vie, de travailler avec succès et de manière productive et d'être en mesure d’apporter une contribution à la communauté ». Cette définition de l’OMS est essentielle : elle démystifie la santé mentale, sans stigmatisation, et recentre le débat sur ce qui fait nos parcours de vie.
Démystifier ces notions est le prélude à l’action.
Préjugés. Les préjugés sociétaux génèrent encore honte et déni face aux symptômes. En résulte un retard dans les dépistages et la prise en charge qui conduisent trop souvent à la marginalisation. Ces représentations sociales alimentent encore aujourd’hui les peurs : 87 % des Français n’osent pas parler de leurs problèmes de santé mentale à leurs proches et 35 % n’osent pas en parler à leur médecin traitant [1].
Le coût économique et social total est évalué à 109 milliards d’euros par an. Plus dramatique encore, l’espérance de vie des personnes atteintes de troubles psychiques est réduite de 16 ans chez les hommes et 13 ans chez les femmes
Cette absence de culture de la santé mentale a de graves conséquences sur l’état de santé général de notre pays. Chaque année, 1 Français sur 5 est touché par un trouble psychique, soit 13 millions de personnes [2]. Ces troubles représentent le premier poste de dépenses du régime général de l’assurance maladie, avant les cancers et les maladies cardio-vasculaires, pour un montant de 23,3 milliards d’euros [3]. Le coût économique et social total est évalué à 109 milliards d’euros par an. Plus dramatique encore, l’espérance de vie des personnes atteintes de troubles psychiques est réduite de 16 ans chez les hommes et 13 ans chez les femmes [4].
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Face à cette réalité, il y a urgence à développer une culture de la santé mentale où la prévention et le dépistage précoce des troubles psychiques sont des priorités, notamment chez les enfants et adolescents.
Fragilités. Devant les fragilités de notre système de santé, au moment où le système de prise en charge s’affaiblit, l’enjeu de l’accès aux soins en psychiatrie et pédopsychiatrie est posé de manière criante. L’émergence de nouveaux métiers comme les médiateurs de santé-pairs, l’organisation de la prise en charge graduée adaptée à la sévérité des troubles du patient, le développement de résidences d’accueil sont autant de propositions pour améliorer les parcours de soins. Mais à côté des soins, c’est toute la prévention qu’il est important de développer par des actions à tous les âges de la vie.
Les acteurs non-lucratifs – mutualistes, associatifs – ont une place qui n’est pas toujours connue et ne sont pas toujours repérés à la hauteur de leur engagement et de leur utilité
C’est une responsabilité collective. Si nous voulons relever le défi d’une meilleure santé mentale, l’action publique seule ne suffira pas. C’est tout l’enjeu d’en faire la Grande cause nationale en 2025. C’est aussi ce que réclament les 3 000 acteurs de la santé et de la société civile qui sont d’ores et déjà mobilisés pour transformer une ambition en réalité !
Notre pays a la chance de pouvoir s’appuyer sur des acteurs divers, qui viennent renforcer l’action du secteur public pour la prise en charge et l’accompagnement des personnes, notamment pour ce qui concerne la santé mentale. Les acteurs non-lucratifs – mutualistes, associatifs – ont une place qui n’est pas toujours connue et ne sont pas toujours repérés à la hauteur de leur engagement et de leur utilité. Qu’il s’agisse de l’attribution de moyens financiers ou de la relation partenariale, leurs particularités peuvent parfois être oubliées et nécessitent de les rappeler régulièrement.
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Dès 2021, sans attendre l’intervention de l’Assurance maladie, de nombreux acteurs mutualistes ont instauré le remboursement des soins psychologiques, permettant chaque année la prise en charge de plus de 1,2 million de consultations. Cette action a été cruciale alors que le dispositif « Mon psy », porté par les pouvoirs publics, venait d’être lancé et ne permettait pas de couvrir tous les besoins. De la même manière, aux côtés des professionnels de santé, des acteurs associatifs, les mutualistes sont des acteurs de l’accès aux soins sur les territoires essentiels dans la prise en charge de la santé mentale.
Notre pays gagnerait à mieux contractualiser avec ces acteurs non lucratifs et à les intégrer pleinement aux priorités publiques pour la santé mentale.
Il est impératif d’aller plus loin et de faire de la santé mentale une priorité nationale, pleinement alignée avec les annonces du nouveau Gouvernement. C’est une urgence pour la jeunesse, un enjeu majeur pour les employeurs publics et privés et une question cruciale pour l’ensemble de notre société. Qu’attendons-nous pour agir ?
Stéphane Junique est président du Groupe VYV.
[1] Sondage Yougov x Qare, 2021.
[2] 5e édition de l’Observatoire-Place de la santé de la Mutualité Française, 2021
[3] Caisse Nationale Assurance Maladie
[4] Caisse Nationale Assurance Maladie
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