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« Comment Trump a manipulé l’Amérique » : Mercer, l’homme de l’ombre

Ce milliardaire, redoutable stratège, a compris qu’en prenant possession des données informatiques de millions de personnes, on peut faire basculer le cours d’une élection.

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Publié le 09 octobre 2018 à 06h29, modifié le 09 octobre 2018 à 06h29

Temps de Lecture 4 min.

Le milliardaire américain Robert Mercer.

Arte, mardi 9 octobre à 20 h 50, documentaire

Qui est Robert Mercer ? Inconnu du grand public, il est pourtant l’un des hommes les plus influents du monde. Redoutable stratège, il a compris qu’en prenant possession des données informatiques de millions de personnes, on peut faire basculer le cours d’une élection.

A bien des égards, le film de Thomas Huchon n’aurait pas dû s’appeler Comment Trump a manipulé l’Amérique, mais Comment Robert Mercer a manipulé l’élection américaine de 2016. Car sa brillante enquête le montre, preuves à l’appui : sans l’aide tactique, financière et médiatique de Mercer, Donald Trump n’aurait pu être élu à la présidence des Etats-Unis.

Les deux hommes ont plusieurs points communs : tous deux sont nés en 1946, ils sont milliardaires et veulent imposer leurs idées ultraconservatrices à la société américaine. Pour le reste, tout les oppose : timide et taiseux, Robert Mercer n’accorde jamais d’entretien à la presse ; exubérant et impulsif, Donald Trump s’exprime sans filtre.

Un des pionniers du trading automatique

Leurs trajectoires auraient pu très bien ne jamais se croiser. Petit informaticien discret chez IBM pendant vingt ans, Robert Mercer rejoint Renaissance Technologies en 1993, où il fait partie des pionniers du trading automatique, ce champ de la finance qui laisse les algorithmes décider des aspects d’une transaction.

Devenu PDG de ce puissant fonds d’investissement en 2009, Mercer investit sa fortune dans des causes chères à l’extrême droite américaine : ses déclarations fiscales font état de donations mirobolantes aux lobbies et aux instituts spécialisés dans la défense des thèses climatosceptiques et dans le combat contre la régulation économique.

Lorsque s’ouvrent les primaires du Parti républicain pour l’élection présidentielle de 2016, Robert Mercer jette son dévolu sur le sénateur du Texas, Ted Cruz. Mais ce dernier est balayé par Donald Trump. Qu’à cela ne tienne, Mercer rallie le magnat de l’immobilier.

Pour son nouveau poulain, il injecte 15 millions de dollars (13 millions d’euros) dans Make America Number One, un de ces fameux « super PAC » : un comité d’action politique qui permet de financer, avec des fonds quasi illimités, indépendamment des candidats, des campagnes de dénigrement à très grande échelle.

Un pan méconnu de l’affaire

Mieux, il prend le contrôle de la campagne de Trump. Car son soutien ne va pas sans contrepartie. Pendant l’été 2016, Robert Mercer, bien secondé par sa fille Rebekah, impose au candidat une nouvelle équipe pour diriger sa campagne. A sa tête : Steve Bannon, rédacteur en chef de Breitbart News, un média d’extrême droite racheté par Mercer en 2012, qui produit des fakes news à la chaîne.

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Trump va également pouvoir compter sur l’appui d’une firme spécialisée dans le profilage psychologique : Cambridge Analytica, filiale de la société britannique Strategic Communication Laboratories (SCL), qui s’est implantée en 2013 aux Etats-Unis grâce à l’appui financier de Mercer. Le nom de cette compagnie est connu depuis que le lanceur d’alerte Christopher Wylie a révélé comment celle-ci a récupéré et exploité les données personnelles de 87 millions d’utilisateurs de Facebook pour favoriser Donald Trump.

Thomas Huchon dévoile un pan méconnu de l’affaire, en détaillant la manière dont ces données ont été utilisées. Cambridge Analytica a d’abord acheté légalement des milliards de données appartenant aux citoyens américains, aux banques, aux organismes de crédit, à la sécurité sociale et aux géants d’Internet, dont Facebook, Google et Twitter.

L’étude de ces « datas » lui a permis d’identifier trente-deux profils au sein de la population américaine. La société a alors ciblé les électeurs indécis répondant à deux profils particuliers : les « angoissés » et les « névrosés ». Et ce, dans trois Etats susceptibles de basculer du côté républicain : le Michigan, le Wisconsin et la Pennsylvanie.

En envoyant sur leur page Facebook des « dark posts » – des publicités mensongères sur la candidate démocrate Hillary Clinton qui disparaissent au bout de quelques heures –, elle espérait qu’ils se décideraient à voter pour Trump.

Les données personnelles de 87 millions d’utilisateurs de Facebook ont été utilisées pour favoriser Trump

Le 8 novembre 2016, Donald Trump, qui a pourtant 3 millions de voix de retard sur son adversaire sur l’ensemble du territoire américain, obtient 77 000 voix de plus dans ces trois Etats, lui garantissant une majorité de grands électeurs. Mercer a réussi son coup. S’il n’est qu’un rouage d’une machine de soutiens apportés au candidat républicain, il est désormais en position d’imposer ses idées et son éminence grise, Steve Bannon.

Petit bémol, le film ne précise pas que Donald Trump, tout comme les Mercer, a, depuis, désavoué le sulfureux conseiller, limogé de la Maison-Blanche et débarqué de Breitbart News, en janvier. Pour autant, cette lacune ne vient en rien gâcher cette enquête à faire froid dans le dos. Sa conclusion est claire : le système politique américain, d’une vulnérabilité confondante, est désormais aux mains des milliardaires, qui, en injectant des sommes colossales, peuvent manipuler leurs concitoyens sans être inquiétés. Pour le moment…

« Comment Trump a manipulé l’Amérique », documentaire de Thomas Huchon (France, 2017, 60 minutes), sur Arte, mardi 9 octobre à 20 h 50.

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