Le karaoké, ça s'en va et ça revient

Ringard dans les années 90, le phénomène karaoké, véritable institution au Japon, est plus que jamais d'actualité à Paris.

Par Romane Ganneval

Publié le 26 juillet 2014 à 14h00

Mis à jour le 08 décembre 2020 à 05h16

Le karaoké a été inventé par le japonais Diasuke Inoue en 1971. Mauvais musicien, celui qui ne savait pas lire la moindre partition a néanmoins eu l'idée d'enregistrer la musique d'un orchestre sur des bandes vidéo avec les paroles qui défilent en même temps. S'il a commercialisé son invention, il n'a pas déposé de brevet légal et n'a jamais pu en tirer le moindre profit. Pour autant, il ne regrette rien, comme il l'a expliqué au quotidien britannique The Independent : « Je ne suis pas un inventeur. Je n’ai fait qu’assembler des choses qui existaient déjà. J’ai utilisé un lecteur de cassettes, un monnayeur et un petit amplificateur pour réaliser ce karaoké. Comment voulez-vous avoir l’idée de breveter une chose pareille ? ». Et l'origine du mot karaoké n'est qu'une suite logique : « kara » (karappo signifie vide) et « oke » (okesutora pour orchestre) en japonais.

Au pays du soleil levant, le karaoké, permet de se dépenser dans une ambiance régressive. Diasuke Inoue a commenté le phénomène pour la magazine américain Time : « Je pense que le Karaoké a contribué à transformer le peuple japonais, qui est plutôt timide. Il suffit de donner un microphone à n'importe qui, même à un homme qui a du mal à sortir un discours de mariage, pour qu'il ne s'arrête plus ! ». Il casse aussi les codes sociaux puisqu'il appartient à tout le monde, qu'on soit riche ou pauvre. Il a donné la parole à l'homme commun du 20e siècle. Sa popularité est d'ailleurs visible sur le macadam : impossible de passer à côté des grands néons lumineux dans tout le pays.

La France aussi aime le karaoké

Le karaoké s'est exporté rapidement partout dans le monde. La France le découvre au début des années 90. Plusieurs émissions de télévision ont même participé successivement à son rayonnement, comme « La machine à chanter », présentée par Daniela Lumbroso, puis « La fureur du samedi soir » d'Arthur. Après tout, qui n'a jamais adoré chanter (faux) sous sa douche, avec sa brosse comme micro et son chat pour seul spectateur ? Une fois l'inhibition passée, le karaoké est assurément le meilleur moyen de se défouler et de massacrer une chanson en groupe. Puis, il devient doucement ringard n'étant plus pratiqué que dans des bristrots de quartiers et dans des fêtes de villages. Une image un peu terne qui va durablement lui coller à la peau.

C'est finalement grâce à Bill Murray, l'acteur qui n'a pas toujours été l'homme le plus cool de l'univers et son interprétation du titre More than this, de Roxy Music, dans le film Lost in translation (2003), réalisé par Sophia Coppola, qu'il redevient sexy. Monsieur et Madame Kan, installés à Belleville depuis vingt-cinq ans dans le restaurant Chinatown, confirment : « Depuis une dizaine d’années, on a plus de clients européens qu’asiatiques. Notre répertoire s’est également élargi, on propose de la musique chinoise, mais aussi française et anglo-saxonne. C’est un plaisir partagé à plusieurs, dont nos clients sont très friands. »

Le karaoké, nouvelle activité des branchés

Le nouveau souffle du karaoké est aujourd'hui plus que jamais palpable à Paris. Le Baron avait donné le ton en invitant en 2009, Mattias Mimoun à mener la danse le dimanche derrière son piano à queue. Puis, Nicolas Ullmann a suivi, en instaurant son très rock « Kararocké » au Bus Palladium... avant que tous les les clubs de la capitale ne s'y mettent. (Batofar, Chez Moune, Espace B, Petit Bain...)
Dans la capitale, l'offre est multiple, allant du très classique au très branché. Certains ont affiné leur concept pour satisfaire une nouvelle clientèle en attente de pièces privatives, plus intimistes. Crées au Japon en 1986, les Karaoke-box ont su remédier au problème d'architecture des maisons qui empêchaient la pratique du chant. Depuis, elles se sont multipliées, il en existerait plus de 100 000 aujourd'hui dans le pays. En avril dernier, le Bam Karaoké a suivi cette tendance, en l'important dans le 9e arrondissement, à Paris. Le propriétaire, Arnaud Studer, qui se décrit volontiers comme piètre chanteur, avait beaucoup apprécié l'expérience au Japon. « En rentrant, on voulait refaire ça avec des amis, mais on s'est rendu compte que ça n'existait pas encore à Paris. Nous avons ouvert il y a quelques mois. Pour le moment, nous faisons beaucoup de fêtes d'entreprises, d'enterrements de vie de jeune fille. Ce sont essentiellement des personnes entre 20 et 35 ans, qui souhaitent se détendre entre amis. »
D'autres ont fait le choix de préserver l’essence du karaoké, c’est le cas du restaurant Koba, qui ne propose que des morceaux en japonais et en anglais. « Nous avons le même public depuis des années. Nous fonctionnons grâce à ces habitués qui sont exclusivement d’origine asiatique. Cela nous convient très bien » assure le propriétaire.

Cher lecteur, chère lectrice, Nous travaillons sur une nouvelle interface de commentaires afin de vous offrir le plus grand confort pour dialoguer. Merci de votre patience.

Le magazine en format numérique

Lire le magazine

Les plus lus